Chapitre 13

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Théo est au sol. Émilie vient de le battre. Si le chef ne l'avait pas arrêtée, elle aurait été capable d'y coller quelques coups supplémentaires.

Plus les jours passent, plus elle me semble disjoncter. Même le chef ne paraît plus si heureux devant son « enthousiasme » à nous casser la gueule. Il faut dire que le médecin qui nous ausculte une fois par semaine lui a demandé de nous ménager un peu. Nous avons tous assisté à leur dispute. La porte était close, mais ils ont crié tellement fort qu'il aurait fallu être sourd pour ne pas entendre.

Théo se redresse et essuie le rebord de ses lèvres. Je pense qu'il s'est mordu la langue. Il a l'intérieur de la bouche tapissé d'hémoglobine. Il n'est pas envoyé à l'infirmerie, il se place sur les bords comme nous tous, jusqu'à ce que le chef désigne les deux suivants.

— Laurent et Dana à vous.

Je lève les yeux vers mon adversaire. Il a toujours l'ombre de certains bleus sur le visage, mais il est en forme, ça raclée date d'il y a une semaine et il s'en est bien remis.

Je monte ma garde et inspire pour calmer l'appréhension qui grandit. Laurent m'intimide. Je suis ridicule. Je ne sais pas me comporter avec mes semblables et encore moins avec les garçons. J'essaie de ne pas y penser, ce n'est pas le moment et Laurent est sûrement conscient de mon trouble, j'espère qu'il va le mettre sur l'appréhension du combat.

Je pare un coup de pied à hauteur de mon visage et retiens un grognement. C'est douloureux, surtout après les entrainements un peu plus tôt, ma peau est déjà rougie. Laurent ne me laisse pas de répit pivote sur lui-même et renvoie sa jambe au niveau de ma tête. Je me baisse. Il faut que j'agisse, sinon je vais être submergée. Laurent est le meilleur sur les mouvements aériens, je ne pourrais pas esquiver indéfiniment.

J'avance au contact et tente de lui mettre une droite, il dévie ma frappe et me retourne mon geste.

Je cligne des yeux à l'impact et recule un peu.

— Dana ! Fais-le sérieusement, gueule le chef. Sinon, tu iras méditer sur ton implication.

Une boule se forme dans ma gorge. Je déteste quand il me menace de me renvoyer en isolement. Je fais des cauchemars de ces maudites alvéoles. Je ne veux pas y retourner.

Je redouble d'efforts et tente de percer les défenses de Laurent, sans succès. Mais lui aussi me touche peu, j'esquive le plus gros et encaisse le reste.

Le chef s'énerve, pour lui ça traîne trop.

Est-ce que Laurent me prend en pitié en évitant de me mettre hors course de suite ?

Je n'en ai pas l'impression, j'ai toujours eu de bons réflexes, mais l'endurance va me faire défaut. J'ai à peine le temps d'y penser que je ne parviens pas à esquiver une frappe dans l'estomac qui me précipite au sol. Je suis séchée, impossible de reprendre mon souffle.

Laurent reste près de moi, il m'a vaincue. Je ne peux pas me mettre debout. Je cherche de l'air et je tousse.

— Tu attends qu'elle se relève ? s'énerve le chef.

— J'ai gagné, déclare-t-il en le fixant de ses yeux bleus.

— C'est moi qui le décide ça. Elle pourrait faire semblant, si ses abdos avaient été gainés ou mieux préparés, elle aurait pu encaisser et te sauter dessus.

— Mais ce n'est pas le cas et ce n'est qu'un entraînement, elle est au sol. Je n...

— Tu rien du tout. Une heure de cellule, pour réfléchir à ton insolence.

— Oui, chef.

Je me redresse en essayant de limiter les sons que produisent mes inspirations précipitées.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant