Chapitre 14

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Je peine à m'extirper de la cage. J'ai les muscles tétanisés et les articulations qui ne semblent plus être capables de reprendre une position normale sans me faire souffrir le martyre.

Laurent galère plus que moi, chacun de ses gestes est haché et ses jambes ne le portent pas quand il parvient enfin à glisser à l'extérieur de sa prison.

— Tu es beaucoup moins arrogant quand tu es remis à ta place, déclare le chef en le toisant.

Je n'ose pas aider Laurent de peur que le chef décide que ça n'est pas ce que je dois faire.

— Bien, à demain, finit-il par lâcher en partant.

Laurent et moi répondons en cœur, mais je pense que nous sommes tous les deux soulagés qu'il ne soit plus là pour nous juger. Nous nous offrons quelques secondes pour nous dérouiller.

— Si je m'écoutais, j'irais directement me laver et au lit, cette journée m'a paru interminable, sourit Laurent.

Je suis épuisée et je ne sais pas quoi répondre.

— Allez, viens, reprend-il.

Docile, j'obéis et nous traversons le long couloir pour rejoindre le réfectoire. Il n'y a plus que quatre ou cinq élèves qui se servent, tous les autres sont installés à leur table. Mais notre arrivée ne passe pas inaperçue. Il faut dire que les châtiments demeurent assez rares et depuis les semaines que je suis là, c'est la première fois que deux personnes sont punies en même temps.

J'attrape mon plateau et m'apprête à me rendre à un coin pour être seule, mais Laurent m'interpelle :

— Viens !

Je reste un moment immobile, puis sur un coup de tête je le suis et m'installe en face de lui à côté de Théo.

Nous sommes six à table. Je suis la plus jeune dans ce groupe, en termes de temps depuis mon arrivée dans le complexe sous-terrain. Au niveau de l'âge peut-être, sauf qu'il me semble que Théo a plus au moins mon âge. Je ne me sens pas si intruse que ça parmi eux, même si les autres les appellent les « vieux ».

Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que Camille me regarde. Je sais qu'elle envie les premiers d'être bientôt aptes à aller se battre. Elle les admire un peu. Si elle n'avait pas si drastiquement changé, elle serait heureuse et me bombarderait de questions quand nous nous serions retrouvées en tête-à-tête.

Sauf que tout ça n'existe plus et que ce constat me blesse à chaque fois.

J'ai l'impression de tourner en boucle. Je vais finir folle.

Zelda et Malou les deux filles de la tablée parlent de leurs dernières performances sur les machines. Les garçons leur répondent et quelques vannes fusent. Quentin et apparemment le clown de la bande, c'est lui qui taquine le plus les autres. Même Laurent se mêle parfaitement à tout ça après l'enfer que nous venons de supporter. J'ai de plus en plus de mal à faire semblant. Ma motivation du début s'étiole alors que je ne suis pas là depuis longtemps, contrairement à ceux qui m'entourent qui le sont depuis des années.

Si mes amis ne me rejoignent pas ici, je ne tiendrai pas et je n'ai pas le cœur à tenter de nouer de nouveaux liens.

Je mange avec automatisme. Je ramène mon plateau tout aussi mécaniquement et c'est sans entrain que je me rends à la porte. Les gardes ouvrent et nous nous engageons dans les escaliers. Certains ont plein d'énergie et se bousculent pour arriver à l'étage des dortoirs les premiers. Certains agissent de la sorte pour pouvoir choisir leur douche pour ceux qui n'ont pas profité du temps libre pour se laver. Bien que des élèves en prennent deux. C'est notre seul moment de détente, moi la première j'en abuse dès que je peux.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant