Chapitre 47

6 3 0
                                    

Nous nous enfermons dans l'une des chambres, celle d'Estelle, Charlotte et Lily – qui sent le fauve. Cyril se charge de rester attentif de ce qui se trame en bas, mais je n'ai pas le temps de m'en soucier que certains me font des remarques.

La discussion devient houleuse, nous n'avions pas eu un aussi gros désaccord depuis un moment et à nouveau je sens la scission entre nous. Certains veulent fuir, trouver une autre ville et nous fondre dans la masse, d'autres veulent profiter de l'occasion pour envoyer les malfrats libérer nos camarades. D'autres, dont moi, veulent partir à l'assaut du Centre, mais certains espèrent la participation du trafiquant et moi non.

— Putain, y'a encore quelque temps une majorité d'entre nous voulait fuir. Je sais que c'est facile de changer d'avis, qu'on est un peu largués. Et qu'on a peur... Je crève de trouille, comme vous, dis-je. Les mecs en bas ne sont pas de confiance. C'est le genre à être intéressé que par le pognon. On a les compétences d'aider nos potes sans eux.

— Mais tu t'écoutes ! s'énerve Martin. On sait qu'on peut pas aider nos amis. Et pas parce qu'on serait pas capable de les libérer, mais parce qu'on sait que si on les libère trop tôt ils sont condamnés. Ça nous fait tous chier de les abandonner là-bas. Mais la dernière fois qu'on en a parlé on était d'accord ! C'est trop dangereux pour eux, comme pour nous.

— Donc on renvoie le Parrain et sa clique chez lui, dis-je. Au moins on est d'accord sur ça.

Cyril s'impose dans le cercle que nous formons.

— Non !

— Comment ça non ? m'étonné-je

— Je ne suis pas d'accord. Il est réellement prêt à tout pour son frère et je suis sûr qu'on peut lui faire confiance et lui expliquer pour la rechute. Et voir ce qu'il propose.

Je reste estomaquée. Le débat repart. La plupart des adolescents trouve que le pari de Cyril est trop risqué et qu'il va tous nous mettre en danger.

— Ça suffit ! intervient Laurent. Si on donne toutes les cartes en main au Parrain et qu'il parvient à sortir son frère. Ou mieux à libérer tout le Centre. On fait quoi ? Soit ça revient à donner une arme à un bandit, car j'imagine que son frère aura un don et qu'ils vont former la paire. Soit on se retrouvera avec des milliers d'ados, largués qui vont vouloir retrouver leur vie, avec le potentiel de faire du grabuge. Et je ne parle même pas du fait qu'une partie de nos camarades est endoctrinée et qu'on ne sait pas combien seront prêts à nous tuer.

Je soupire et me passe la main sur le visage. C'est insoluble. Les mêmes arguments reviennent encore et encore. Et même moi, je ne sais plus ce qui est juste. Je revois sans cesse le visage de Camille et me demande si elle est définitivement perdue. Et Vince ou Ilya ? Que deviennent-ils ? Sont-ils déjà endoctrinés ? Ou encore inconscient de ce qui se joue ?

— Le Parrain s'impatiente, annonce Cyril. Nous ne tombons toujours pas d'accord. Je n'oblige personne à me suivre. Mais moi, j'irai là-bas. Il y a les connaissances médicales pour survivre à la seconde poussée de fièvre. Et si on continue à trop attendre, ce sera des milliers de soldats avec des dons qui nous attendrons ou pire, ils viendront nous chercher. Sans papier on est obligés d'être des parias, on ne pourra jamais rien construire, jamais rencontrer qui que ce soit sans les mettre en danger. Et je refuse d'être égoïste en profitant de ma liberté, alors que si nous l'avons c'est par chance. Nous avons été au bon endroit au bon moment quand Dana c'est libérée et qu'elle nous entraînée avec elle. Bref, chacun est libre de ses choix, quant à moi je vais annoncer le mien au Parrain.

Cyril quitte la pièce à grand pas devant le regard médusé de tout le monde. Laurent ne tarde pas à me chercher des yeux attendant de savoir ce que je veux faire.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant