Je regarde avec suspicion la bouillie que l'on m'a servie. Qui sait ce qu'il peut y avoir à l'intérieur... Le fait que je me pose ce genre de questions n'est pas bon signe. Je deviens complètement paranoïaque. Il faudrait que j'avertisse les médecins avant d'être réellement bonne à enfermer. Mais une part de moi, sûrement celle qui est déjà foutue, me retient avec des « et si ? ». Car, si jamais les mises en garde dans ma tête sont réelles, c'est que tout mon monde ne tourne pas rond. Si je n'avais pas vu le militaire et l'énorme blindage de ma chambre, je n'aurais peut-être pas autant de doutes. Pourquoi est-ce que je suis gardée par un homme armé d'une espèce de grosse mitraillette ? Pourquoi la voix s'arrête-t-elle quand la porte se ferme ?
Un terrible pressentiment m'oppresse, car j'ai l'impression que tout va changer et je ne suis pas prête. Mes questions sont légitimes, mais je n'ai pas le courage de les poser, peut-être par peur qu'ils le prennent mal ou pire que les réponses ne me conviennent pas.
Pour me reprendre, je décide de faire un premier pas et de me laver pour accomplir quelque chose de normal. Je perds pied, je le sens et rien de tel qu'une bonne douche pour me délasser, puis si possible, remettre mes idées en ordre. Me dévêtir me demande un effort mental incommensurable. Qui sait combien de personnes me regardent ?
Une mauvaise surprise de plus me tombe dessus, lorsque je me rends compte qu'il est impossible de régler la température de l'eau.
Énervée et complètement à bout, je commence à m'acharner sur les boutons. Cet accès de colère ne me donne pas plus chaud pour autant, puisque je grelotte.
Je craque, je me mets à taper du poing sur cette foutue machine. Pourquoi même le truc le plus simple ne va pas ? Je ne peux pas manger, sortir ou m'habiller, comme je veux et maintenant même l'eau de cette maudite douche ne peut pas me satisfaire !
Je ne demande pas la lune ! Je souhaiterais simplement me détendre, est-ce vraiment trop ?
J'ai froid, bordel !
Je m'emballe, sûrement un peu trop, mais je ne m'attendais pas à la suite.
La buse arrête soudainement de couler. La première idée qui me vient à l'esprit, c'est que les gens qui m'observent ont coupé l'arrivée à cause de mon comportement. Puis, la réalité me frappe avec l'équivalence d'un bus qui me percute à pleine vitesse.
La bouche ouverte tout aussi grande que mes yeux, je regarde mes mains, le pommeau de la douche, puis le sol où mes pieds sont prisonniers de glace. Glace qui recouvre tout ce qui a été mouillé et qui forme des stalactites au-dessus de ma tête. Je tente de bouger, mais je suis impuissante, statufiée par cette gangue glacée.
Paniquée, je m'ébroue et finis par briser la fine pellicule qui me recouvrait. Je ne suis pas coincée. Même si mon cœur ne s'est pas calmé, me voilà un peu soulagée. Immobile, je peine à comprendre les choses, car je suis toujours à un stade proche de la panique. Puis, merde ! Pourquoi tout a gelé ?! Est-ce que j'ai tapé trop fort et endommagé les canalisations derrières ? Mais qui aurait un circuit réfrigérant dans les murs ? Rien n'a de sens !
La porte s'ouvre, mais j'y suis indifférente, je ne remarque pas les médecins non plus et encore moins d'autres gens dont l'utilité reste à déterminer. Je suis comme déconnectée du monde extérieur. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé. Je deviens folle, c'est la seule explication. Je dois avoir des hallucinations. Je n'avais pas tort, je perds la boule. C'est forcément ça ! Quoi d'autres sinon ?
Pourtant, le froid me semble si réel. Les personnes brisent bel et bien la gangue de glace. Leurs regards sont indéchiffrables, mais ils ne paniquent pas, c'est que tout est normal. Je ne comprends pas comment un circuit de refroidissement – ou peu importe ce que c'est – a pu geler même ce qui se trouve dans la pièce. Peut-être que ce n'est même pas ma colère qui a engendré tout ceci. C'est peut-être pour cette raison que je ne pouvais pas monter la température, le problème était là avant. Je m'accroche à cette explication, balayant d'un geste toutes les autres, avant même de les esquisser, même si j'ai conscience que mon raisonnement a des lacunes.
VOUS LISEZ
Au pied du mur
ParanormalUne mystérieuse maladie frappe tous les adolescents d'un pays dont très peu réchappent, mais ces derniers ne demeurent qu'en sursis. Et ils le savent. Dans le camp isolé du monde dans lequel ils sont soignés, Dana et ses amis vont devoir affronter u...