Bon, ma vie s'écroulait littéralement...
Chilla voulais me marier au frère de Felama et c'était le choix le plus intelligent que je pouvais prendre, donc...
Enfin au moin je ne serais ni vendue ni à la rue. J'espérais juste une chose: que Félicia resterait avec moi.
Oui parce que je ne voulais pas avoir fait tout ce chemin pour rien. Chilla m'enroula les épaules avec un long tissu turquoise et une fois son oeuvre terminée se posa devant moi.
- Tu es magnifique, il va t'adorer, me dit elle un grand sourire aux lèvres.
Parce que oui, 《il》était le frère de Felama, invité à peine deux heures après ce fameux dîné et aujourd'hui je devais me présenter à lui.
- ...et en plus, tu as de la chance: il est en train d'apprendre le français et va sûrement te demander de dialoguer avec lui en français...
Oh mon dieu! Elle parlait dans le vide, comme si j'allais l'écouter après ce qu'elle m'avait fait: elle m'avait mise à la porte! Alors qu'elle avait promis de m'héberger... quelqu'un toqua à la porte de ma chambre et dit:
- He is here!
Chilla recula, défit un dernier pli de mon vêtement et me demanda de sortir.
*
Assise sur un coussin à même le sol je comptais les bagues que portait les doigts de l'homme. Il disait s'appeler Emira et était loin de ressembler à l'homme que je pensais rencontrer: il portait un costume-cravate beige, avait un cerle rouge peint sur le front et s'était probablement lui même coupé les cheveux. Je l'avais imaginer comme étant un gars traditionnel de l'Inde qui passe dans les films: je pensais qu'il porterait un chapeau indien, et un vêtement traditionnel... enfin bref.
- Ji souis sour qui ji vais bien m'entendre avic Maria... quel âge afez vous dijà?
L'homme s'était tourné vers moi et me regardait avec insistance. Certes, je n'avais presque rien compris à son français mal prononcé mais j'essayais de répondre à sa question. Ça pouvait paraître vraiment simple, mais c'était la question la plus difficile du monde! Ça faisait des mois que je n'y avais pas pensé, mon âge n'était plus qu'un simple calcul mathématique: j'étais tombée enceinte alors que j'avais seize ans, en mai. Mai plus neuf mois de grossesse nous amène donc à février, et la petite avait maintenant trois mois donc nous étions en mai... j'avais donc dix sept ans et un mois. Mon coeur se serra, de toute manière, il ne savait faire que ça: se serrer et me faire du mal. S'était incroyable, j'avais l'impression d'être ici depuis des années...
Emira se racla la gorges:
- Maria?
J'avais sursauté. Il fronça les sourcils.
- Euh... j'ai dix sept ans.
J'avais sorti ces mots avec une horrible voix chevrotante qui me dégoûta de ma propre personne.
- Oh... tou es très jeune!
Il sourit et chuchota quelque chose à Felama.
Il me regarda droit dans les yeux et avec un grand sourire déclara:
- Ji vais la marier. Chilla est ce que tou pourrais me présenter son père?
Chilla devint subitement nerveuse, il n'y avait pourtant rien de grave à ce qu'il demandait.
- Eh bien... en fait, Maria a perdu son père et est sous notre responsabilité.
L'homme se racla la gorge et paru soudain dégoûté, pourtant il n'y avait rien de grave à ne plus avoir de père. De toute façon, mon père avait été un lâche, il avait bien fait de se suicider, je ne l'aimais pas et je ne l'aimerais jamais. Emira tira un faux sourire et dit:
- Pas di souciss! J'aimerait qui li mariage soit célébré samidi. Chilla ji vous fais confiance pour choisir la robe.
Il fouilla dans la poche de son costume et en sorti une liasse de billets qu'il tendit à Chilla. Elle regarda l'argent comme si il s'agissait d'une divinité vivante qui venait la sortir de se trou pommé de l'Inde. Elle acquisa sans lever les yeux.
- Très bien, déclara l'homme, ji vais vous laisser vous organiser tranquillement. À samidi Maria!
Il se leva et me fit un signe de la main.
Samedi, c'était dans trois jours...
En fait je n'avais pas réalisé que tout ça se déroulait réellement, jamais je n'aurais pensé qu'un homme trois fois plus âgé que moi puisse m'épouser, cela n'arrivait que dans les mauvais films dramatiques de ma tante mais ne pouvait pas être basé sur la réalité... Ma vie était-elle donc gâchée? Il y a quelques mois je ne m'en serais pas soucié, mais aujourd'hui...
J'entendis Félicia crier. Elle n'avait vraiment rien de mieux à faire que de pousser d'horribles hurlements? Si j'y réfléchissais bien, ma vie n'était gâchée que par sa faute et seulement par sa faute, alors peut être valait-il mieux qu'elle meurt? À cette pensée, mon être tout entier se chauffa et devient un véritable hammam à bonheur. Et même si j'avais fait tout ce chemin pour la garder, je ne pouvais pas m'empêcher de vouloir retourner chez ma tante sans elle. Quoi que si jamais je décidais de retourner en France, il me prendraient sûrement la petite. Tout à coup je m'étais figée, j'avais compris ce qu'il y avait de mieux à faire.