Nocturne (Livaï x OC)

Chapitre 9 : Réalité

Lily avait l'impression de retenir son souffle. Son rôle était simple : accueillir les soldats au retour de l'expédition, procurer les soins de première urgence avec l'aide des médecins de l'hôpital de Trost, rentrer avec le bataillon et prendre soin des soldats restants.

Le bataillon, pour cette première sortie extra-muros depuis la chute de Maria, allait se charger de commencer les repérages en vue de la future reconquête du mur. Le gouvernement envisageait des mesures drastiques. Mais avant cela il fallait s'informer, s'informer toujours plus. Le but du bataillon était toujours le même : établir des bases, des postes d'observation et recueillir des informations sur les titans mais en vue non pas cette fois de l'expansion de l'humanité, mais de sa réplique.

L'humanité avait reculé d'un pas face aux titans, et c'était bien ce qui empêchait Lily de dormir cette nuit-là. Tous les efforts fournis par le bataillon ces dernières années avaient été anéanti en un seul coup de pied, et on leur demandait de retourner mourir avec cette fois un temps de retard sur les titans ? Et même si par miracle les missions de reconnaissance réussissaient, comment le gouvernement comptait-il reboucher le mur ? Avec la montagne de cadavre qu'il allait laissé derrière lui en usant de ces manœuvres désespérées ?

Ce fut cette dernière pensée qui porta le coup de grâce au sommeil de Lily, la veille de l'expédition. Elle imaginait le sort réservé à ses nouveaux camarades, leurs visages superposés à celui de Sarah, hurlant pour un miracle qui ne viendrait jamais.

Alors qu'ils allaient prendre la route pour Trost au petit matin et ignorant la remarque de Livaï sur sa « tête de six-pieds de long », Lily se dirigea vers l'escouade Hanji et embarqua dans une petite charrette comme à sa première venue. La jeune femme n'avait pas décroché un mot de tout le trajet, malgré les tentatives répétées d'Hanji pour détendre l'atmosphère. Lily se rongeait les sangs et la boule coincée en travers de sa gorge l'empêchait d'aligner deux mots.

Une fois arrivée à destination, la jeune femme se laissa déposer à proximité de l'hôpital. Mais avant de laisser s'éloigner le bataillon elle essaya d'adresser un encouragement à son ami·e :

- Hanji je... Bon courage...

- Ne t'en fais pas, tout va bien se passer ! Fit Hanji dans un sourire radieux.

Lily lui répondit elle aussi dans un sourire avant de les regarder s'éloigner. Ces cinq derniers mots, "Tout va bien se passer", Lily les avait aussi adressé à ses patients à Shiganshina. Elle savait pertinemment qu'ils constituaient un mensonge, mais elle les laissa résonner en elle comme l'espoir de les voir revenir en vie.

C'est sur ces mots que Lily attendit pendant deux jours interminables le retour de ses compagnons. Le directeur de l'hôpital l'avait accueillie, honorant la dette qu'il avait envers elle depuis cette fameuse nuit. La jeune femme avait effectué plusieurs gardes pour se rendre utile, mais également pour éviter de trop penser à ce que le bataillon traversait, là-bas, quelque part derrière les murs.

Ce fut à la fin du deuxième jour, au son cinglant des cloches du district que le cœur de la jeune femme sembla s'arrêter un bref instant : ils étaient rentrés.

*

Pour préparer le retour du bataillon, Lily s'était entretenue avec le directeur pour décider de la marche à suivre pour accueillir les blessés. Ils s'étaient mis d'accord pour adopter la même stratégie de triage que la nuit de la chute du mur, mais cette fois à plus petite échelle et avec un personnel mieux préparé. A l'arrivée du bataillon devant l'hôpital, son cœur se serra devant le spectacle qui s'offrit à elle. Concernant les dommages que pouvaient infliger les titans, elle n'avait connu que le mouvements effréné de la foule cherchant à fuir et la cohue provoquée par l' amassement de dizaines et dizaines de victimes à l'hôpital. Mais la scène qui se jouait devant elle semblait se dérouler au ralenti. Les soldats trainaient des pieds, la mine sombre plongée dans le vide, leurs vêtements salis de terre et de sang. Les charrettes qui transportaient initialement du matériel étaient désormais pour certaines remplies de blessés, ou de cadavres. Lily accueillit les soldats avec le reste des infirmières en les guidant dans les zones correspondantes à leurs blessures. Comme la dernière fois, la jeune femme agit mécaniquement pour ne pas se laisser submerger par ses émotions. Elle considérait qu'elle n'avait pas le droit de craquer face à eux, pas après le courage dont ils avaient fait preuve.