Après s'être rafraîchie avec quelques gorgées de houblon, Charlotte démarre son histoire.
– Je vous avez déjà parlé de ma grand-mère Agnès. Elle et moi sommes très proches. Je peux même dire qu'au fil des années elle est devenue une véritable confidente. En dépit de notre relation, ce n'est que très récemment qu'elle m'a parlé de son enfance. En particulier du temps ou elle vivait encore en Allemagne. C'est à cette époque qu'elle a été frappée par une sombre histoire. À l'âge de sept ans, elle vivait dans une petite ville située à quinze kilomètres de Munich avec ses parents et son frère Viktor, âgée de dix ans. La tradition voulait que chaque année pour Pâques, les enfants des écoles primaires participent à une chasse aux œufs géante organisée par les autorités de la ville. Lors de cette occasion, les enfants portaient des masques à l'effigie du lapin de Pâques qu'ils avaient eux-mêmes décorés. Une semaine avant les festivités, chaque enfant recevait par leurs enseignants des masques cartonnés vierges. À l'aide de crayons de couleurs, de rubans de papiers et de gouaches, ils laissaient libre court à leurs imaginations. Comme les autres enfants de leurs classes, ma grand-mère et son frère Viktor avaient décorés le leurs.
– La veille du Lundi de Pâques, mon arrière-grand mère, accompagné de ses enfants, partirent pour le marché dans le but d'acheter les provisions nécessaire pour préparer le repas du lendemain. Lors de cette sortie, grand-mère Agnès, qui a toujours été de nature plus réservée, restait collée aux talons de sa mère. En revanche grand-oncle Viktor était particulièrement excité. Durant les courses, il avait repéré un étal de masques de lapin derrière la vitrine d'une petite boutique. Après avoir harcelé sa mère pendant tout la durée des courses, elle céda et ils se dirigeaient tous vers le magasin en question. Un écriteau fixé sur la vitrine indiquait qu'il était tenu par un certain Hans Meline et que tous les masques étaient de fabrication maison. Bien mieux confectionnés que les masques en carton des enfants, les siens étaient fabriqués en cuir et étaient ornés de nombreuses arabesques. Une fois à l'intérieur, ils constatèrent que le vendeur était absent, ce qui n'empêcha pas le petit Viktor d'être fasciné par la beauté de la marchandise. Il voyait bien que ces derniers remportaient un franc succès car depuis son premier passage devant la boutique la moitié d'entre eux avaient été vendus. L'ambiance générale de la boutique était chaude de part la présence de nombreuses boiseries d'époque. Il y avait même une petite musique plutôt entraînante qui provenait de l'arrière boutique. Malgré la quiétude apparente, grand-mère Agnès était effrayée par la présence de tout ces objets atypiques. En s'enfonçant d'autant plus dans les jupons de sa mère, elle lui affirmait que son masque en carton lui suffisait et demanda à retourner au plus vite à la maison. De son côté, Viktor s'empressa de demander à sa mère s'il était possible d'en avoir un pour la chasse aux œufs du lendemain. Elle hésita un instant car elle aussi, ressentait un certain malaise dans cette boutique. Elle était sur le point de repartir quand soudainement la douce musique stoppa et le vendeur surgit de derrière un rideau. Il était assez âgé et tout de rouge vêtu. Il portait une longue cape brune, un chapeau haut de forme de couleur jaune et un piccolo en bois dépassant de la poche avant de son veston. D'une voix rauque et assuré, il faisait remarquer à la mère de famille que les prix de ces masques étaient raisonnables au regard de la qualité. Il ajouta que tous les masques avaient été réalisés par ses soins selon un savoir-faire hérité de son père. Fabriqué spécialement pour l'occasion, c'était une production d'environ une trentaine de modèles qui lui permettait de vivre convenablement le reste de l'année. Au bout de longues minutes de négociations avec son fils, elle accepta d'acheter pour une vingtaine de deutschemark, un magnifique masque de lièvre. Ce dernier était assez grand avec les oreilles bien droites. Remarquablement bien proportionné, un fin cordon de cuir permettait d'ajuster convenablement le masque sur le visage. Les trous laissés pour les yeux étaient rehaussés d'un liserai noir tracé au fusain. Le revêtement extérieur était agréable au toucher, il donnait la sensation d'une véritable fourrure. Le museau était orné de petits fils d'acier représentant les vibrisses de l'animal. À l'arrière, le cuir était convenablement tanné ce qui le rendait très confortable pour la personne qui le portait. Gravé au fer chaud, il était inscrit au bas du masque les initiales du fabricant. Empaqueté soigneusement dans une boite, les enfants et leur mère retournèrent chez eux. Pendant toute la soirée du dimanche grand-oncle Viktor ne tenait plus en place et la seule chose qu'il désirait était de pouvoir porter son masque. Son père, d'un tempérament plus autoritaire, lui demanda de se calmer et d'aller dormir. Ne voulant pas s'attirer les foudres de ce dernier, le petit s'exécuta et parti vite se coucher. Cependant, une chose intrigua ma grand-mère. Durant toute la soirée, son frère n'avait jamais cessé de fredonner la mélodie entendu plus tôt chez le vendeur de masque.
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ExoVerse : Désordres à l'Arche de Fer (Saison 1)
HorrorLien Instagram : https://www.instagram.com/dimension_exoverse/ Alors qu'il venait d'intégrer la plus prestigieuse bibliothèque de la Cité, Ethan Steambrook, un apprenti archiviste, a été victime d'un curieux accident. De retour après sa convalescenc...