Chapitre 5 - Finn

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Aux cris des combats, Finn préférait largement ceux du triomphe.

Rompu par la fatigue, le jeune homme chassait la mélancolie qui menaçait de poindre en contemplant la joyeuse troupe d'Élytres célébrant leur victoire. Cette allégresse n'était pas feinte, même si l'archer savait ce qui se cachait sous ces sourires goguenards et ces danses.

Ils avaient payé la victoire au prix fort.

Plus que la douleur de voir ses compagnons ainsi fauchés, c'était de ne pas avoir pu honorer les défunts qui l'importunait à présent. Même s'ils avaient pu repêcher les dépouilles du courant furieux, il aurait été dangereux de rester dans les parages de l'affrontement.

Cela n'en adoucissait pourtant pas la réalité macabre.

Ava, son naturel piquant aucunement troublé par le combat, l'avait questionné sur une telle lubie. Pourquoi s'attarder sur un détail lorsque leur mission avait été un succès et que sur ou sous la terre, les morts le resteraient ? Au lieu de se perdre dans une énième joute philosophique, Finn s'était contenté de peu.

Parce que c'était juste.

De toute manière, l'oeil perçant de la femme était autrement plus occupé à présent : toute l'attention de l'Élytre s'était rivée sur le Novice qu'on avait récupéré inconscient. L'Encaraï était visiblement celui qui était sorti le plus chanceux du combat. Difficile de contenir l'humeur meurtrière qui avait plané sur ses compagnons à la vue du garçon complètement indemne, pour autant ses ordres avaient tenu bon. Il ne s'abaisserait pas à faire vivre le même supplice qu'on infligeait aux opposants à l'Hégémonie.

Le seul rayon de lumière dans ce carnage provenait des Moissonnés, retrouvés sains et saufs à quelques pas du convoi. La poignée d'enfants terrifiés avait cru à un second enlèvement, avant que Finn et ses compères ne les rassurent : ils étaient sains et saufs. A présent, blottis les uns contre les autres près du grand feu, ils se laissaient peu à peu gagner par la liesse ambiante. Et pourquoi ne partageraient-ils pas l'allégresse des Élytres ? C'était pour eux qu'on s'était battus. Finn briserait bien assez tôt leur paix relative en leur expliquant qu'ils ne pourraient jamais revenir auprès des leurs. Une voix aimante vint faire écho à ses pensées.

Délie-toi de tes racines et crois.

Il savait mieux que quiconque qu'il était difficile de tout quitter.

Perdu dans les flammes, Finn se secoua pour accueillir l'Élytre qui avançait jusqu'à lui. Petit et fin là où Finn était grand et robuste, Devhon était un côtier pur souche. Sa peau blanche était presque translucide, ses cheveux platines achevant de lui donner des airs de fantôme. Finn aurait pu s'entendre à merveille avec l'homme d'âge mûr, si ce n'est qu'il était davantage ici pour donner libre court à ses instincts meurtriers que pour porter leur cause.

Des brigands, des coupe-gorges et des criminels. Là était le lot que Corvo avait cru bon de lui confier. Finn n'était pas irréprochable, bien au contraire : il mentait comme il respirait, trichait et volait avec aisance. Il avait déjà tué comme ces hommes, mais à la différence nette qu'il n'en avait éprouvé aucun plaisir, et que ce n'était certainement pas par choix qu'il avait fait couler le sang. Être à la tête d'une telle troupe...

On ne s'opposait pourtant pas à un tyran en reproduisant ses méfaits. Là encore, ses idéaux différaient cruellement de ceux des Élytres sagement confinés dans les dômes de Kobalis. Parfois, Finn se prêtait à songer que leur lutte n'était pour eux qu'un prétexte, que le conseil de ces sages vétérans n'était qu'un ramassis de crétins vexés de s'être fait oustés de leurs fiefs d'antan.

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