Chapitre 8 - Caleb

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Une énorme rafale agita les bannières accrochées aux remparts.

Ivre de colère, Caleb se força à vriller ses prunelles céruléennes sur ces draperies, ses yeux froids suivant le liseré doré de la couronne hégémonique. Enfant, il avait appris à différencier chaque Maison par leurs écussons alambiqués. Pas par plaisir, ni par passion, simplement parce qu'à choisir entre briser toutes les vitres de leur demeure et se rappeler d'une poignée de blasons, il avait opté pour la facilité.

Cela avait été l'un des premiers dilemmes auxquels il avait été confronté, le premier d'une longue lignée : laisser libre-court à la violence ou se plier ? Jouer au bon petit soldat ou tout envoyer valser ?

Vouloir sauver son maître d'armes ou abandonner ?

S'il avait su quel chemin prendre, il s'y serait engouffré sans réfléchir. Au lieu de quoi, tout ce qui lui semblait clair l'espace d'un instant se révélait toujours être la pire décision à prendre.

Était-ce lui, le problème ? Envenimait-il toujours la moindre situation, tel un oiseau de mauvais augure ? Peut-être que la disparition d'Eredan n'avait été qu'un prélude. Une suite de pièces qui se seraient abattues les unes après les autres, partant de la plus anodine des raclées et culminant par lui, hurlant, traitant Maveth de tous les noms sous la détonation de ses tempes.

Comment osez-vous, comment osez-vous !

Ses ongles raclèrent un peu plus durement l'intérieur de ses paumes à vif.

Il ressentait encore l'étreinte de son père comme une brûlure autour de son corps. C'était toujours cette sensation qui prévalait lorsqu'une crise arrivait, malgré la douleur qui labourait son crâne et les spasmes qui venaient agiter ses membres fous. Il ne retenait que ces bras forts, ces mains détestées, ce contact qu'il avait passé son enfance à vouloir et qui ne venait que lorsque toute l'étendue de son pouvoir le trahissait.

Il n'y avait aucune affection dans ce geste, rien qu'un étau pour l'empêcher de se briser les os ou d'avaler sa propre langue : c'était une humiliation, un ascendant de plus que son père détenait sur lui. Une façon de montrer qu'il n'était ni à la hauteur de son don, ni de sa famille. Après tout, que dirait-on si on savait que le digne Aspirant se roulait par terre comme un animal fiévreux ? La précieuse réputation de Maveth volerait en éclats.

C'est pour cette unique raison que ce dernier l'avait enlacé en l'exhortant au calme, piétinant un peu plus son esprit fracassé en répétant : dehors dehors dehors comme si Caleb pouvait expulser ce mal d'un simple revers de manche.

Il ne voulait plus de ce don imprévisible, cette... chose qui lui glissait entre les doigts et profitait des mailles de sa colère pour tenter de le briser.

Et il ne voulait certainement plus se réveiller pantelant pour voir Maveth à son chevet.

Son corps se tendit.

Un seul avantage était ressorti de cette entrevue désastreuse... Les demandes que Caleb avait faites avant la crise lui avaient été finalement accordées. Peut-être devrait-il manquer de se briser les dents plus souvent, car non seulement il avait pu insulter son père pour lui avoir caché la capture d'Eredan, mais l'arrestation de Wade et de Kiraz n'aurait aucune funeste conséquence.

C'était la toute première chose qu'il avait dite en reprenant conscience. Ignorant les tremblements de ses jambes, il s'était relevé pour faire face au Maître de l'Esprit. Caleb avait alors déclaré que son père leur épargnerait la potence, parce qu'ils savaient tous les deux qu'aucun n'était responsable de la disparition d'Eredan.

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