Chapitre 14 - Eredan

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Tu verras la Lumière, lui avait-on maintes fois décrit, et elle te rappellera.

Alors pourquoi l'obscurité l'entourait-elle ainsi ?

Eredan voulut tendre la main pour retrouver son chemin, mais son corps était absent. Eredan n'était plus que le filet d'une idée qui s'effaçait peu à peu dans l'Abysse dévorante, et, plutôt que de rejoindre la fin de ce sentier, il se retrouvé happé en arrière : novice, fils et enfant s'entrechoquèrent dans un tourbillon indistinct.

* * *

Papa le soulève pour le mettre en selle. Oh, le poney n'est pas bien grand, mais à trois ans à peine, l'animal lui semble être aussi gigantesque et dangereux qu'un drazard. Bien déterminé à ne pas avoir peur cette fois-ci, Eredan se tient le dos droit, comme papa a pris soin de le lui expliquer, en serrant bien fort malgré tout les rênes entre ses mains moites. Il ne craint rien, papa tient la bride et jamais il ne laisserait quelque chose lui arriver. De ça, il en est certain.

Alors pourquoi son cœur se serre-t-il ainsi ?

* * *

— Tu l'as trouvée ? le questionne Caleb à bout de souffle lorsqu'il le rejoint à leur point de rendez-vous habituel.

Penaud, Eredan secoue la tête. Il avait compté sur l'intelligence de son aîné pour débusquer leur cible, après tout il arrivait toujours à trouver ses plus difficiles cachettes, mais maman, malgré sa grande taille, reste et restera meilleure qu'eux à ce jeu.

— Crotte de drazard ! Bon alors reprenons... Tu as regardé dans la cuisine.

Le plus jeune opine vivement de la tête en omettant de préciser qu'il en a profité pour engloutir une ou deux tartelettes au passage. Ça aurait été du gaspillage : elles sortaient à peine du four et étaient toujours meilleures chaudes !

— Je suis passé dans toutes les chambres.

A la manière dont son frère insiste fièrement sur le "toutes", Eredan ouvre grand les yeux, admiratif. La chambre de papa et maman leur est interdite, mais évidemment Caleb s'octroyait tout le temps le droit d'y aller. Selon lui, il était toujours plus amusant de braver les règles, cela permettait d'aiguiser ses sens.

C'était surtout un excellent moyen de venir ensuite fanfaronner.

— Je suis aussi allé au grand salon, rajoute Eredan car, quand même, il n'avait pas passé tout son temps qu'à manger.

— Hum... fait Caleb en se frottant le menton. Elle doit pas être dans le bureau, car ça serait trop de la triche. Et puis papa doit y travailler.

— Oh ! s'exclame soudain le plus jeune en tapant dans ses mains, éclairé d'une merveilleuse idée. On pourrait demander à papa ! C'est son amoureuse alors c'est sûr qu'il sait où elle se cache !

Le regard incisif que lui lance alors Caleb suffit à réduire sa pensée à néant. N'empêche que papa les aurait aidés avec plaisir ! Il aimait beaucoup trop embêter maman, ça se voyait : ses yeux pétillaient toujours quand elle lui lançait son regard noir ou rouspétait après lui.

Un rire explose dans l'arbre.

— Ou sinon vous pourriez apprendre à relever la tête mes petits enquêteurs, leur recommande alors une voix hilare au-dessus d'eux.

Épris d'un espoir soudain, Eredan et sa version miniature obéissent aussitôt. Mais le souvenir s'est déjà estompé.

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