𝐭𝐚𝐤𝐞 𝐲𝐨𝐮 𝐭𝐨 𝐡𝐞𝐥𝐥 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫

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Takemichi plissa les yeux pour mieux voir dans cette ancienne bouche de métro. Avant, des centaines de personnes s'y retrouvaient ; mais il n'y a plus aucune agitation, plus l'ombre de la moindre publicité, seulement des vestiges. Les pas de Takemichi résonnaient sur le sol. Il ne savait pas pourquoi il était là. Ce rêve était complètement différent de ceux qu'il avait fait avant. Takemichi glissa un regard sur les graffitis effacés par le temps. Il déchiffra des traces de peinture qui formaient un dragon noir.

Cet horrible sentiment familier l'envahit à nouveau.

Il connaissait ce passage. Mais c'était aussi comme s'il ne l'avait jamais emprunté ; il ne savait même pas où il se trouvait. Il pouvait autant être à Tokyo qu'ailleurs.

Un rat lui fila entre les pieds et Takemichi s'écarta d'un bond, éclatant une flaque huileuse sous ses pieds. Il suivit le petit animal brun des yeux et ce dernier disparut sous une porte. Une porte encastrée dans un mur de briques rouges.

Takemichi arrêta sa progression pour fixer longuement la porte. Pourquoi se dressait-elle là au milieu de nulle part ? Il ne devrait pas y avoir une telle porte à la fin d'une bouche de métro. Ce rêve devenait bizarre.

Un grincement parvint à ses oreilles.

La porte aux gonds rouillés et d'une couleur sombre s'entrouvrit, laissant passer un filet de lumière cinabre.

Attiré, Takemichi se dirigea vers cette ouverture.

Doucement.

Inexorablement, il allait l'atteindre.

Jusqu'à sentir un liquide froid sur lui. Takemichi vit une tache sombre s'étendre sur son tee-shirt, et...

- Je suis profondément navré !

Meika étira son sweat pour éviter qu'il ne colle trop à sa peau et qu'elle n'aie froid. Yuzuha s'écarta de la banquette pour laisser passer son amie alors que le serveur n'arrêtait pas de s'excuser pour avoir renversé une boisson sur sa cliente. Meika le rassura avec un grand sourire.

- On dirait que j'ai de la chance aujourd'hui, j'avais prévu un vêtement de rechange ! Mais ce n'est pas grave, je vais pas mourir à cause de ça.

Meika prit son sac avec elle pour traverser le café bondé entre les tables et s'enferma dans une cabine de toilette pour se changer. Le sweat taché de thé glacé fut essoré et mit dans le sac. Meika enfila un autre sweat de couleur jaune qui lui descendait vers les genoux. Elle vérifia l'état de ses tresses et au moment de sortir de la cabine, son téléphone vibra dans son sac.

Meika le déverrouilla. Numéro inconnu. Meika se figea et lut attentivement le message, non sans écarquiller les yeux.

Thé glacé ? J'aurais plutôt choisi un ristretto.

Sans perdre de temps, Meika bloqua le numéro mais garda la conversation. Cela pourrait toujours servir. Elle souffla nerveusement. La poignée de la porte s'éloignait de son champ de vision. Meika ne voulait pas la tourner pour sortir. Quelque chose l'en empêchait. Son bon sens ? Sa peur ? Elle se distillait dans son sang.

meika >

yuzuha... tu peux
venir s'il te plaît ?

Meika éteignit son téléphone et le rangea dans sa poche. Son cœur battait vite dans sa poitrine et elle n'osait plus bouger. Elle serra son sac contre elle, adossé contre le mur de la toilette. Elle le serrait comme si c'était un doudou. Elle avait beau rire pendant des situations stressantes, celle-là ne la faisait pas rire du tout. Elle avait reçu un message le matin et la veille-même dans ce style.

Huit heures de sommeil, c'est important pour le corps.

Tourne tes clés à double tour quand tu sors de ton appartement ! <3

Yuzuha ne répondait toujours pas. Le stress de Meika monta en flèche et serrer son sac contre elle n'était plus suffisant. Les murs des toilettes semblaient se rapprocher.

Inspire.

Expire.

Inspire.

Expire...

La porte bougea un peu. Quelqu'un venait de s'y poser. Meika sursauta sans un bruit, motus et bouche cousue.

- Alors comme ça tu fais des recherches sur Manjiro ?

La jeune étudiante n'avait jamais entendu cette voix.

Calme, arrogante et... malaisante.

Elle resta silencieuse, les lèvres cimentées. La personne derrière la porte ricana puis le silence retomba.

- Tu ne trouveras rien sur lui.

Les soupçons de Meika quant à la nature suspecte de Manjiro se confirmèrent. Il ne restait plus qu'à savoir qui était cet inconnu. Sûrement celui qui envoyait les messages. Meika déglutit, les pensées entremêlées alors que son cœur battait de plus en plus vite. L'autre bout de la Terre pouvait l'entendre.

- Qu'est-ce que tu tiens à prouver ? Ta médiocrité ? Tes insécurités ? On n'en a pas fini avec toi.

Les pas s'éloignèrent.

Avant que Meika n'ait le temps de souffler, elle tourna le verrou de la porte et les pas revinrent rapidement. Manquant d'attraper un arrêt cardiaque, Meika lâcha son sac. Une main se posa sur la porte.

- Meika ?? ça va ??

Yuzuha écarquilla les yeux et prit Meika par les épaules.

- Je m'inquiétais comme tu ne revenais pas !

L'âme de Meika était sur le point de quitter son corps mais une question tarauda son esprit.

- Je... y'avait un mille-pattes...

Meika alla aux lavabos pour s'asperger le visage d'eau et ses mains restèrent sur les bords. Elle évacua toute la pression dans un soupire même si elle savait qu'elle allait jouer avec le feu. Et elle ne risquait pas seulement de se brûler le bout des doigts.

Yuzuha se tenait non loin d'elle, la mine inquiète mais elle n'osa pas interroger son amie à ce sujet.

- Tu as vu quelqu'un en entrant dans les toilettes...?

- Hein ?

Meika se tourna vers Yuzuha.

- Tu n'as vu personne avant d'entrer ?

- Mh, non pourquoi ? Quelqu'un est venu ?

- Non.

Si Meika était une tête brûlée impulsive, entraîner les autres dans sa bêtise, ce n'était pas sa tasse de thé. Meika conclut par un sourire.

- Ne t'inquiètes pas pour moi.

Par "on", qu'est-ce qu'il sous-entendait ? S'il connaît Manjiro, ça veut dire qu'ils ne sont pas deux mais plusieurs. Merde... mais dans quoi je me suis foutue...?

Même si elle n'avait que peu de preuves, la lettre et les SMS allaient suffire. Meika se décida à aller voir la police le lendemain après ses cours.