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- Si tu savais comme j'ai eu peur...

Les doigts crispés sur ses genoux, Kazutora pleurait à chaudes larmes dans l'hôpital, le dos courbé, alors que Chifuyu esquissait un faible sourire rassurant, la tête enroulée dans de gros bandages. Le jeune homme était resté sous surveillance pendant deux jours après l'accident à cause d'un hématome autour du cerveau. La chirurgie décompressive avait été réalisée en urgence pour éviter une compression du cerveau et entraîner des conséquences psychologiques. Chifuyu tenait son masque à oxygène entre les mains ; il l'avait aidé à respirer pendant plusieurs heures et la sensation était si étrange qu'il ne voulait plus le remettre, même sous le conseil de son infirmière.

- Et... apparemment, tu devrais sortir d'ici une ou deux semaines ?

Chifuyu hocha simplement la tête, les paupières assez lourdes ; les effets secondaires de l'anesthésie ne lui permettaient pas de totalement péter la forme. Malgré tout ça, Chifuyu était soulagé que le choc n'ait pas été aussi grave que ça. La voiture avait dévié au dernier moment mais ça n'avait pas empêché la tête de Chifuyu de se cogner contre l'un des phares de la voiture alors qu'il ramassait son collier défait sur le macadam. Si cela avait tout l'air d'un accident, Chifuyu en était convaincu que non. Que ce n'était pas le fruit du hasard si la voiture avait soudainement accéléré et essayé de le renverser. Un long et mauvais pressentiment remontait le long de son échine, Chifuyu cacha cette énergie négative à Kazutora pour ne pas l'inquiéter davantage. Les larmes ravageaient déjà ses joues d'une façon monumentale, Chifuyu n'allait pas en rajouter une couche. Il déglutit, triturant encore le masque à oxygène qui devrait être sur son visage.

- Les infirmières m'ont dit que je ne raye pas... que je n'aurais pas de séquelles sauf... ça.

Sauvé physiquement, Chifuyu allait garder des tics de langage. Des lapsus de son cerveau. Il aurait beau être très concentré, son lobe frontal allait lui jouer des tours. Une rééducation pourrait marcher autant que la perte d'un langage fluide serait définitif. Un décalage. Chifuyu ne regarda pas Kazutora dans les yeux, persuadé d'y trouver autant de pitié que de tristesse et poursuivit, sur un ton interrogatif :

- J'imagine que Takemichi ne t'a pas rangé... parlé.

- ...Non. Mais, il s'enferme dans son boulot. C'est mauvais. J'ai vraiment l'impression qu'il nous cache quelque chose.

- Ah. Toi aussi.

Les yeux de Kazutora s'arrondirent, surpris. Ils pleuraient encore, mais plus silencieusement ; les sanglots ne restaient pas coincés dans sa gorge. Chifuyu cessa d'éviter son regard et le regarda avec une assurance sans pareil, couplée à une douce amertume. Les deux jeunes hommes ne s'échangèrent mot. Leur complicité faisait qu'ils n'avaient pas forcément besoin de se parler pour se comprendre.

- D'ailleurs...

Chifuyu arqua un sourcil. Kazutora fouilla dans sa poche arrière de survêtement et tendit un petit paquet mal enrubanné, devenant timide.

- Je ne sais pas si c'est le bon moment mais tiens. C'est un remerciement.

- Oh ?? Il ne fallait pas ! La mère... merci.

Chifuyu prit délicatement le paquet dans sa main, étirant ses épaules endolories par la même occasion contre son coussin de chambre, et l'ouvrit. Ses yeux s'écarquillèrent au fur et à mesure qu'il découvrait ce que Kazutora venait de lui offrir.

Une carte joliment décorée avec une montgolfière au milieu ; le verso affichait un code et quelques informations ciblées pour comprendre de quoi il s'agissait. Chifuyu ne pouvait malheureusement pas sauter partout mais la myriade de paillettes de lumières qui brilla dans ses yeux, démontrait une joie incommensurable ; le jeune homme était bien trop ému pour parler. C'était vraiment le meilleur cadeau que Kazutora lui avait offert depuis qu'ils se connaissaient.

- J'ai bien visé sur ce coup-là ! s'exclama ce dernier en se grattant la nuque, gêné et à la fois content. On pourra y aller à deux en plus, c'est encore mieux !

Chifuyu écarta ses bras, invitant Kazutora à lui faire un câlin. Les deux jeunes hommes se prirent dans leurs bras, profondément heureux alors que Chifuyu rêvait déjà d'atteindre les nuages à bord du gros ballon volant, l'index pointé vers les oiseaux et les paysages morcelés en carré de verdure, les maisons réduites à des maquettes et les cours d'eau comme des flaques de peinture.

Son plus grand rêve.

Et Kazutora allait l'aider à le réaliser. 

𝐭𝐚𝐤𝐞 𝐲𝐨𝐮 𝐭𝐨 𝐡𝐞𝐥𝐥 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant