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La musique phonk se fondait dans le décor de la salle privée, faisant doucement vibrer les enceintes aux quatre coins des murs ; des néons rouges plongeaient la pièce dans une ambiance étrange. Des verres s'entassaient sur la table basse, déjà envahie de petites boîtes aux contenus douteux. Sanzu venait d'avaler une gélule, claquant sa langue piercée contre son palais, assis à côté de Kokonoi qui comptait des liasses de billets entre ses mains expertes ; les frères Haitani lançaient des paris sur leurs téléphones ; Kakucho se servait son troisième verre d'alcool ; Mochizuki fumait une longue cigarette pincée entre ses lèvres alors qu'il comptait les bouteilles vides.

Mikey avait les pieds croisés sur la table basse, étalé dans le canapé, le regard rivé vers le plafond, absent. Les bruits extérieurs ne lui parvenaient plus aux oreilles, ils étaient comme étouffés ; les pensées de Mikey les asphyxiaient. Il se fondait entre deux eaux, perdu dans les méandres obscurs de sa tête, de son esprit cassé. Sa main gauche reposait sur le canapé en cuir qu'il n'avait pas quitté depuis deux heures, un fond d'alcool ambré maintenu dans un verre à whisky ceint dans sa main. L'autre main faisait des allers-retours entre le canapé et ses lèvres, ou plutôt : une cigarette. La fumée blanchâtre s'échappait, embrumait encore plus son esprit perturbé et le goût âcre ne lui faisait pas plus de bien que de mal. Le nuage de nicotine gazait ses poumons d'une vapeur glacée. Du froid, seulement du froid.

Mikey finit par soupirer et planta son regard métallique sur Sanzu qui l'observait d'une drôle de façon, un sourire au coin des lèvres. Mikey ne comprenait pas un traître mot de ce que son exécuteur numéro un lui disait.

Dégage, fut la seule chose que Mikey put dire dans un seul souffle avant de tirer sur sa cigarette, fixant d'un air apathique les volutes blanches qui voilaient le visage de Sanzu.

- J'ai quelque chose qui pourrait t'intéresser. (Sanzu chassa la fumée blanchâtre d'un bref mouvement de main et présenta un écran de téléphone à Mikey. Son téléphone qui plus est.) C'est à propos de Hanagaki Takemichi.

Le regard de Mikey s'assombrit encore plus qu'il ne l'était déjà, sa main se serra instinctivement sur son verre d'alcool et il partit écraser son mégot de cigarette dans un cendrier, bousculant un peu Sanzu au passage. Déjà accablé par un mal de crâne peu supportable, le sang de Mikey bouillait dans ses veines. Il ne pensait plus rationnellement. Après tous ses efforts durant des semaines et des semaines, tout cela allait peut-être être réduit à néant ? Cela ne pouvait être qu'une vaste blague. Sa colère hurlait dans son crâne, à la même intensité que ses maux ; le souffle de Mikey siffla entre ses lèvres et, d'une animosité accrue, son verre vint heurter de plein fouet le mur derrière lui, se brisant en mille morceaux et le liquide ambré coula du mur gris anthracite.

Tous les membres du Bonten se tournèrent vers Mikey comme un seul homme, interrompant leurs activités, avec une expression de surprise dans leurs regards. Même si les yeux obsidiens de Mikey ressemblaient à des nuages d'orage violents, sa colère se distillait peu à peu dans une peur incontrôlée. Ses épaules et ses poings serrés tremblaient sous le coup de la frénésie. Aveuglé par la rage, Mikey ne voyait qu'au travers la consistance opaque de l'Abysse. Ses cernes noires le rendaient encore plus fatigué que jamais.

Dans un changement imperceptible, Mikey avait arrêté de tressaillir ; il était d'un calme parfaitement inquiétant. Le silence total. Il se dirigea à pas lents vers la table, saisissant un verre vide, le remplit de moitié, fixant le liquide mélangeant deux alcools s'égoutter à l'intérieur, d'un œil rapace. Mikey s'installa de nouveau dans le canapé, ne semblant même pas remarquer que les exécuteurs du Bonten n'avaient pas bougé d'un millimètre mais ils n'osaient plus regarder leur Boss. Mikey porta le verre à ses lèvres, non dérangé par l'odeur piquante et étourdissante, et se stoppa. Sans porter un seul regard à Sanzu, Mikey esquissa un fin sourire, peu apparent, mais il l'avait clairement senti sur sa lèvre inférieure. D'une voix blanche, Mikey s'adressa à son exécuteur numéro un :

- Réponds-lui que je viens le voir demain. On va s'expliquer.  

𝐭𝐚𝐤𝐞 𝐲𝐨𝐮 𝐭𝐨 𝐡𝐞𝐥𝐥 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant