𝐭𝐚𝐤𝐞 𝐲𝐨𝐮 𝐭𝐨 𝐡𝐞𝐥𝐥 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫

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Meika fermait les yeux paisiblement. La jeune fille s'était rendue chez ses parents pour profiter d'au moins un jour de repos ; entre la FAC et son stress permanent, elle n'avait pas eu le temps de souffler une minute. Chez Yuzuha et Hakkai, il y avait souvent du monde. Se reposer n'était pas chez eux une priorité. Meika ne voulait plus bouger de son lit, ni bouger tout court. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait pas pu se vider la tête.

Ni...

Une masse s'affaissa sur le lit et Meika sentit l'air violemment quitter ses poumons avant qu'un rire ne parvienne à ses oreilles. Le rire très aigu de sa petite-sœur qui n'avait visiblement pas l'envie de la laisser dormir en plein jour. Kaya secoua sa grande-sœur et bondit partout dans la chambre, tel un cabri.

- Viens dessiner avec moi ! Allez, s'il te plaît, s'il te plaît !

Déconcertée, Meika s'efforça à sortir du lit, les paupières tirées par la fatigue et Kaya la tirait déjà par la manche, très pressée de dessiner. Meika jeta un dernier regard vers le lit défait. Ce n'était pas tout de suite qu'elle allait pouvoir dormir. Si Kaya réussissait à dormir avant 15h00, Meika pourrait gagner au moins deux heures de sommeil en plus. Ce n'était pas grand-chose mais c'était déjà ça.

En sortant de la chambre, les deux sœurs franchirent un long couloir et arrivèrent dans la salle de séjour. La cuisine était ouverte sur le salon et le soleil par la baie vitrée donnait une chaleur supplémentaire à la pièce. Kaya avait déjà disposé son attirail sur la table basse du salon en face de la télévision qui diffusait un dessin animé.

Des crayons de cire de toutes les couleurs étaient rangés dans l'ordre à l'intérieur d'un pot en carton et des feuilles blanches A4 recouvraient presque toute la table. Comme Kaya était assez maladroite, il suffisait d'un seul coup de crayon de travers pour qu'elle repeigne le bois. Meika s'assit sur le canapé, observant de haut sa petite-sœur qui se mit en tailleur sur le tapis en coco.

- Tu vas dessiner quoi ?

- Mhhh, je ne sais pas. (Kaya piocha un crayon de cire au hasard dans sa boîte et leva son index en l'air.) Un océan !

- Avec des poissons, des coraux et des pêcheurs ?

- Mhhh... moui. Et des tortues.

Le poing refermé sur son crayon, Kaya s'affairait à tracer une ligne de séparation entre l'océan et le ciel. Elle n'arrivait pas à dessiner sans sentir le crayon pleinement dans sa main. La ligne ondulait. Kaya rangea le crayon, en prit un de couleur grise et fit des cercles pour faire les poissons.

Le dessin prenait petit à petit forme. Des dizaines de cercles nervurés d'écailles en pont, des ronds verts à pattes pour les tortues, des éclairs orangés à l'envers pour les coraux et des coques noires pour les bateaux de pêcheurs. Meika regardait le dessin puis sa petite-sœur. Cette dernière tirait sur l'élastique de sa couette pour rester concentrée sur son dessin. Par ses mouvements de bras, elle avait fait tomber quelque chose de son oreille.

Meika se pencha pour l'attraper et le petit appareil gris resta quelques instants entre son index et son pouce. Parfois, Kaya ne ramassait pas son appareil auditif. Elle n'en affichait rien mais dès qu'elle l'enlevait pour des besoins urgents ou pour dormir, elle savait que plus rien ne serait comme avant. Qu'elle entendrait toujours mal de son oreille droite et plus jamais de son oreille gauche. Comme ce n'était pas facile à l'école non plus, Kaya prenait des cours sur Internet. Kaya ne se plaignait jamais, pas plus qu'on ne pouvait savoir si elle était en colère, ou triste, ou joyeuse. Elle souriait tout le temps, gardait un rythme hyperactif, se passionnait pour le dessin et le journalisme, les deux choses primordiales dans sa vie qui suscitaient un taux d'intérêt très élevé chez elle. Tant que sa grande-sœur restait à ses côtés aussi, Kaya ne ressentirait rien qui s'apparenterait à de l'ennui.