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Tokyo, soirée.

La grande baie vitrée laissait entrer à foison les lumières vives et nocturnes de la capitale nippone à l'intérieur, éclairant une salle de réunion à la taille conséquente ; une longue table en verre noir pouvant accueillir une vingtaine de personnes trônait au centre de la pièce et peu de décorations rendait l'ensemble aussi froid qu'un bloc de glace. Des chaises étaient vacantes. Dans cette salle de réunion, il n'y avait personne d'autre que Mikey — il avait d'ailleurs les jambes croisées sur la table, le regard abyssal souligné par ses cernes et sa figure ne laissait transparaître aucune émotion —, et deux autres hommes en face de lui. L'un se tenait un peu plus dans l'ombre, les bras dans le dos, l'autre était assis correctement et un sourire en coin ne quittait pas son visage. C'était deux hommes d'affaires véreux qui souhaitaient s'affilier avec le Bonten pour des raisons évidentes : le pouvoir.

Celui qui était assis se nommait Homare Muroo, à ses côtés : Muneaki Seizô. Ils étaient plutôt influents dans le Sud du Japon, connus pour des histoires de trafics de drogues et d'armes, la police ne trouvait jamais leurs traces ; faire du Bonten leurs associés allaient les propulser au sommet d'une gloire certaine et d'être pour de bon invincibles. Le monde n'était qu'à une poignée de mains d'eux. Seizô ressemblait à une armoire à glace à cause de sa stature imposante, son crâne rasé était tatoué de tout son long par des signes tribals et son costume noir semblait trop petit pour lui. Muroo restait tout son contraire ; plutôt fin, les traits du visage sévère et toujours rieurs, les yeux d'une couleur clair inhabituelle au Japon — du fait de son métissage —, des doigts longs, bagués et tatoués, un piercing lui traversait l'os du nez à l'horizontal et une balafre à son front coupait son sourcil droit en deux. Son costume, par ailleurs, lui donnait de larges épaules.

Mikey rejeta ses cheveux platine en arrière, déjà profondément ennuyé par la situation. Il aurait bien voulu envoyer Kokonoi à sa place ou même Kakucho, mais ces deux hommes avaient tenu à ce qu'il soit présent. Mikey ne voulait pas prendre le risque qu'un de ses hommes se fasse descendre. S'ils devaient se faire tuer, ce serait uniquement par lui-même. Mikey écouta d'une oreille distraite ce que Muroo lui disait. Il ne saisissait que des bribes d'informations, mais c'était suffisant pour lui. Il en avait assez entendu.

- Non, déclara-t-il, tout simplement.

Sa réponse négative résonna dans la pièce, presque en écho. Le sourire de Muroo se dissipa quelque peu, mais ne quitta pas son visage. La stupéfaction frappe en contrepartie ses yeux. Seizô ne tressaillit pas. Inutile de s'emporter. Le chef du Bonten n'allait pas refuser une offre aussi...

- Non, répéta Mikey et son regard taillé dans le marbre se planta sur Muroo. Vous n'obtiendrez rien du Bonten. Ni maintenant, ni jamais, ajouta-t-il sous-entendant une menace.

- Vous allez rater une occasion. Un gamin comme vous ne comprend rien au monde d'aujourd'hui : l'argent régit ce monde. Pourquoi jouer à l'entêté ?

Mikey ne répondit rien. Ses yeux se détachèrent de l'homme en face de lui, il décroisa les jambes et se leva. Sa chaise se renversa brusquement sur le sol et un clic parvint à ses oreilles. Immobile et froid, Mikey était le genre d'homme à avoir l'habitude d'être menacé par une arme à feu.

- Assieds-toi.

Muroo lui désigna une autre chaise d'un geste assez théâtral. Mais sa main se stoppa en plein mouvement : Mikey n'avait toujours pas bougé, il le fixait sombrement. Muroo laissa un rire sans joie éclater de sa gorge et posa ses coudes sur la table, les doigts entrelacés.

- Mikey. (L'accent du Sud dans sa voix rendait son nom comme une insulte.) Tu es obligé d'accepter notre proposition.

Au diable les bonnes manières avec lui, il ne nous écoutera que de cette façon.

- Au moins une cinquantaine de mes hommes sont infiltrés dans votre tour soi-disant impénétrable. Rends-toi, et aucun mal ne sera fait.

- Qu'est-ce que tu attends pour tirer ?

Mikey ignorait complètement Muroo à présent et son regard s'était déporté sur Seizô. Mikey arborait un sourire glacial qui aurait donné des frissons à n'importe qui. Seizô le gardait encore en joue. Il avait enlevé la sécurité de son arme tout à l'heure. Un seul signe de son chef et il n'hésiterait pas à tirer. Les bras le long du corps, Mikey n'avait d'attention que pour lui.

- Vous ne faites qu'aboyer. Il faudrait penser à ramener la baballe.

Son ton hautement moqueur, les prunelles de Mikey étincelèrent d'une leur hostile. Muroo abattit son poing sur la table, la faisant violemment trembler et une détonation rugit dans la pièce, charriant avec elle une effusion de sang et de morceaux de chair.

Mikey contempla le trou dans le mur juste derrière lui d'un geste tout à fait banal et pencha légèrement la tête sur le côté, il se rembrunit. Le corps de Seizô venait de s'effondrer sur le sol, sa tête gisait dans une mare de sang ; Muroo eut un violent mouvement de recul, le faisant irrémédiablement tomber de sa chaise. Mikey fit lentement le tour de la table alors qu'une silhouette se découpait dans la pénombre d'une porte.

- Ils sont tous morts, annonça Kakucho d'une voix détachée sans quitter Mikey des yeux.

Mikey ne lui adressa pas la parole et se rapprocha de Muroo. Le mafieux ne s'était visiblement pas attendu à ce que la situation tourne au vinaigre pour lui, combien même on l'avait prévenu que le Bonten était impitoyable. Mikey le regarda de haut, plus sinistre que jamais, des fourmillements dans les mains.

- Bute-le.

Sans pouvoir prononcer une seule supplication, la tête de Muroo cogna contre le sol à cause d'un violent coup de pied en pleine tempe et une balle se logea au beau milieu de son front sans aucune pitié. Mikey contourna le cadavre, ne voulant pas se souiller les mains et sortit de la salle de réunion, passant à côté de Kakucho sans lui accorder un regard.

Dans la pénombre du couloir, la lumière du téléphone de Mikey lui éclairait son visage. Il n'avait pas pu répondre de la journée à Takemichi. Maintenant qu'il avait le temps, son cœur se froissa et ses sourcils se froncèrent.

takemichi >

je suis allé chez
les parents de Meika
aujourd'hui...
j'ai débarrassé ses
affaires avec sa mère
bref... je suis pas
au top de ma forme
j'ai récup un carton
à demain peut-être
bonne nuit

manjiro >

ah...
je passerai te voir
demain si tu veux

Mikey renvoya un message juste après.

manjiro >

quel carton ?

Takemichi ne mit pas beaucoup de temps pour répondre bien qu'il soit tard.

takemichi >

rien de spécial

manjiro >

???

takemichi >

c'est personnel

Mikey s'arrêta au beau milieu du couloir, la main crispée sur son téléphone. C'était la première fois que Takemichi ne lui disait pas quelque chose. Même si cela paraissait extrême, Mikey aurait dû envoyer Ran sur la piste de Takemichi pour le surveiller, au moins aujourd'hui. Le carton intriguait Mikey. Qu'est-ce qu'il y avait à l'intérieur ? Cela ne lui plaisait pas du tout mais il modéra sa réponse à Takemichi pour ne pas l'éloigner.

manjiro >

désolé
je me suis montré
trop intrusif
bonne nuit michi

takemichi >

pas grave !
je n'aurais pas dû
te parler comme ça
surtout :(
tu me manques

vu.

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je suis gentil.le donc je vous poste deux updates <3

𝐭𝐚𝐤𝐞 𝐲𝐨𝐮 𝐭𝐨 𝐡𝐞𝐥𝐥 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant