24. Des bribes de réponses

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Je regarde l'homme fouiller dans un immense coffre au fond de la pièce. Il m'a dit qu'il avait beaucoup de choses à m'expliquer et à me montrer. J'en profite pour détailler le décor qui m'entoure. Je n'aurais jamais cru qu'il était possible de se retrouver dans autant de bazar, mais visiblement je me trompais. Il n'y a pas un endroit ou l'espace n'est pas occupé. Sur chaque poutre apparente pendent d'innombrables bouquets de plantes séchées, ou bien ce que je suppose être des peaux d'animaux. Tous les murs sont agrémentés d'étagères gigantesques, lesquelles contiennent des récipients de toutes formes et taille. Parfois, on peut aussi y voir des os recouverts d'une épaisse couche de poussière. Même le sol est jonché de coffres et de jarres, si bien que pour se déplacer, Ankeii est obligé d'enjamber tout ce qui se trouve sur son chemin. Si ma mère entrait ici, elle serait folle, j'en suis certaine. En imaginant la tête qu'elle pourrait faire, un léger sourire se dessine sur mon visage. Je n'ai pas l'âme d'un individu bien organisé, mais je dois avouer que moi aussi, ce bazar me donnerait envie de participer à un grand ménage de printemps.

L'homme revient avec une planche de bois et plusieurs rectangles encadrés, eux aussi par un morceau de branche relativement droit. Il manque de trébucher sur un bout de corde étalé sur le sol et râle en se rattrapant. Lorsque, enfin, il finit son périple en me rejoignant, il lâche un profond soupir. Je me retiens de rire par politesse en plaçant ma main sur ma bouche.

- Oh, tu as le droit de te moquer, tu sais. Ça fait des années que je me dis que je devrais ranger un peu, mais je n'ai jamais le temps.

Un léger sourire compatissant se dessine sur mon visage. Il étale les cadres et je découvre de magnifiques tablettes ambrées, gravées avec minutie.

- C'est de la résine, il m'explique.

J'empoigne un des rectangles et observe les quelques milliers de symboles qui y sont dessinés. Ankeii s'affaire à les déchiffrer, et je conclus qu'il s'agit donc de l'écriture de mon peuple. Je me souviens que Nell m'avais dit que les connaissances ne se transmettaient presque que par l'oral, via des chants et contes. Ce que je tiens entre les mains doit donc être très précieux. Je repose donc délicatement le cadre sur le côté.

Le rideau qui nous cachait de l'extérieur est soulevé par une petite main et une silhouette s'avance en contrejour. Lorsque le bout de tissus retombe, je reconnais sans peine mon amie qui s'avance en s'efforçant de ne pas s'entraver parmi toutes les babioles qui jonchent le sol. Elle jure et soupire :

- Sérieusement, tu pourrais au moins dégager un passage.

Elle pose sa main droite sur sa hanche et scrute les étagères.

- Je suis sûre que la moitié de tous ces trucs sont pourris.

Son interlocuteur lève les yeux au ciel sans répondre, et ses lèvres s'étirent légèrement.

- Tu pourras faire tout ce que tu veux lorsque tu auras pris ma place, il affirme.

Pour toute réponse, sa fille hausse les épaules en lâchant un petit « hum ». Puis, elle vient s'assoir en tailleur aux côtés de son géniteur. Elle pose alors un regard insistant dans ma direction.

- Alors ? ça a été ?

Ce n'est qu'à ce moment que je remarque qu'elle est décorée de multiples bijoux et que de nombreux symboles sont peint sur son visage. Sur sa poitrine qui se soulève régulièrement repose une bonne dizaine de colliers, confectionnés de perles plus ou moins grosses et qui s'apparentent, pour certaines, à des coquillages. Ses cheveux, d'ordinaire ramassés en différentes coiffures plus ou moins complexes sont simplement lâchés et viennent encadrer son visage en formant une épaisse toison ondulée.

Sul'Een T2: La voie de la sagesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant