7. Cache-cache

8 2 0
                                    


Ne sachant pas vraiment ce qui se cache dans notre dos, je me précipite derrière l'adolescente. Mais, grâce à un cri terrifiant, j'ai la certitude qu'il ne vaut mieux pas pour moi que je me retourne. Lethi me crie de me dépêcher, mais je ne suis pas à l'aise parmi les herbes, et je trébuche plusieurs fois en m'emmêlant les pieds.

Soudain, je sens un liquide gluant couler dans ma nuque, et je hurle d'effroi, alors que je suis happée en arrière par une matière chaude et humide qui entoure ma taille. J'essaie de me dégager de la chair rose qui m'emprisonne, mais je n'ai pas assez de force. Je suis entraînée sans pouvoir me retourner pour voir ce qui veut me manger. Dans une tentative désespérée, je griffe, j'enserre de toutes mes forces ce qui m'empêche de m'échapper, mais en vain. La panique s'enflamme en moi, et je ne peux plus respirer. Je vois Lethi disparaître parmi les herbes, parmi le fouillis vert qui m'avale. Je ne peux plus hurler, trop peu d'air entre dans mes poumons.

Au bout de ces quelques secondes qui m'ont paru des heures, je sens un immonde souffle sur ma peau, et tous mes poils se hérissent. L'animal desserre légèrement sa prise, et j'en profite pour faire une tentative d'évasion. A mon grand étonnement, je parviens à glisser jusqu'au sol, et sans me retourner, pour ne pas perdre de temps, je détale. Je sais que je suis suivie, et je me concentre pour ne pas tomber. Je cours en zig-zag, essayant de semer mon prédateur dans ce labyrinthe végétal. Les herbes me fouettent le visage, accrochent mes cheveux et me griffent les mollets. Mais je sais que la créature est toujours derrière moi je l'entends.

Plus loin, je distingue la voix de Lethi qui m'appelle. Mais je suis trop essoufflée pour répondre. En temps normal je suis très endurante, mais mon souffle ayant été préalablement réduit, je peine à garder le rythme.

Et puis, un silence de mort s'installe. Je m'arrête immédiatement de peur qu'on me reprenne en chasse. Je suis terrorisée. A un tel point que je prie pour que personne ne puisse entendre mon cœur battre à travers ma poitrine. Je retiens mon souffle et m'accroupis. On n'est jamais assez prudent. Si l'animal qui me poursuit est assez intelligent, il a dû adopter la même stratégie que moi. Attendre silencieusement jusqu'à ce que l'autre fasse un mouvement. Un simple pas, et l'autre pourra connaître sa position. Je déglutis. Je ne peux rien faire d'autre que de rester là en priant pour que la créature ne me repère pas. Je ne sais pas me battre, pas me défendre. De toute façon, mes muscles sont trop endoloris, et mes articulations trop ankylosées.

Je distingue un bruissement à ma gauche. Les sens en alerte, je me concentre sur le potentiel danger qui m'attend. Je n'ai pas vu ce qui m'a attaqué, mais peu importe ce que je verrais, je le fuirai. Je n'aurais même jamais envisagé que je puisse aussi facilement me faire attraper.

Le bruit semble petit à petit s'éloigner, et je souffle silencieusement. Puis, je pense à Lethi, et je me redresse d'un coup. Elle est peut-être, elle aussi en danger. Mais je ne peux pas l'appeler en criant, ce serait signaler ma position. Je suis persuadée que j'aurais pu être efficace en changeant de forme, mais ça me rendrait trop vulnérable pendant un moment, et je ne sais pas si je pourrais le faire silencieusement.

Avec toute la délicatesse qui m'est possible, j'avance doucement. Malgré ma volonté d'être le plus silencieuse possible, je sais que c'est loin d'être parfait. J'essaie de retracer le chemin d'où je viens en marchant là ou les herbes sont déjà couchées, mais je ne suis pas totalement sûre que ces traces de passage proviennent de moi. Si elles viennent de la créature qui m'a poursuivie, alors je me jette dans la gueule du loup...

Quand je distingue une substance gluante étalée sur le sol, je déglutis. Elle a la même odeur que celle qui avait entouré mon corps lorsque l'animal m'avait attrapé. Je me penche pour tenter de l'analyser de plus près. C'est un étrange liquide translucide à la texture gélatineuse. En regardant de plus près, je remarque que tout autour de cette flaque visqueuse, les végétaux ont commencé à brunir, comme s'ils avaient été brûlés par le soleil. Comme par automatisme, je porte mes mains à ma taille, et je jure intérieurement. Ma peau est rougie tout autour de mon ventre. Ce n'est sans doute pas très grave, mais ça fait un mal de chien. Comme un mauvais coup de soleil. J'ai envie de hurler. Mes mains, et maintenant ça ? Oui, vraiment, j'ai l'impression d'être une incapable. Et j'en ai vraiment assez.

Sul'Een T2: La voie de la sagesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant