Il faisait très froid, ce jour là. Les températures négatives étaient normales dans cette partie du monde, mais en ce jour, le vent glacial était mortel. De plus, Ari n'était pas habituée à cela. Elle avait grandit en Inë, là où le soleil brûle la peau de ceux qui s'y aventurent sans se protéger. Heureusement, elle s'était enveloppée dans des couches et des couches de peaux de bêtes, si bien qu'elle avait la grâce d'un oiseau vivant sur la banquise. Mais elle était prête pour cette journée qui définirait le destin de Navaelith. Ses énormes bottes s'enfonçaient dans la neige, au même titre que les autres. Tous avançaient, déterminés à se battre jusqu'à la mort. Leurs pieds frappaient le sol à l'unisson, créant des vibrations audibles à plusieurs kilomètres à la ronde. Sur leur visage, on ne lisait ni la peur ni le regret, mais l'envie de tuer, de se venger, ou tout simplement de défendre son peuple. Ari était en tête, bien droite. Elle n'avait absolument rien à perdre. Ceux qui allaient se tenir en face d'elle méritaient de mourir.
Quand ils aperçurent les guerriers ennemis, ils s'arrêtèrent un moment. Les regards meurtriers pleuvaient sur chaque camp sans ébranler aucun soldat. Cette fois-ci, c'était la fin. La fin d'une guerre épuisante qui avait fait de nombreux morts. Sans qu'aucun signe ne soit fait, les premiers s'élancèrent. Ari savait que cet affrontement serait une boucherie anarchique et que la stratégie initialement prévue ne serait en aucun cas respectée. Tout simplement parce que beaucoup de métamorphes avaient soifs de sang, et qu'ils laisseraient leur partie animale gouverner. D'un mouvement d'épaule, elle se débarrassa de son manteau, trop gênant pour se battre, et chargea, armée de ses longues griffes acérées. De tous les côtés, ses alliés couraient à toute vitesse, certains slalomant entre les autres. Quelques-uns avaient déjà adoptés leur autre forme, trop impatients. La terre tremblait, foulée par des dizaines de milliers de pattes et de jambes. Quand Ari reçut une giclée de sang sur le visage, elle sût qu'elle était arrivée parmi les ennemis. Il fallait faire attention, parce que même si ceux-ci étaient moins nombreux, ils connaissaient parfaitement le terrain et ne craignaient pas la morsure du froid. Ari savait que leur chance de vaincre seuls étaient minces, et tout reposait sur l'arrivée de Rës.
Il avait assuré qu'il arriverait avec des renforts. Avec ceux qui accepteraient de goûter à la puissance. Mais Ari avait peur qu'il n'arrive trop tard. Ils se devaient de défendre Navaelith, de rétablir l'équilibre. Car ceux contre qui ils se battaient n'avaient plus aucun respect pour leur terre natale.
La jeune femme trancha la gorge d'un de ses ennemis, avant de venir en aide à un homme qui était submergé d'attaques. De toute façon, que pouvait-elle craindre? Elle avait eu le droit à goûter aux larmes de l'âme...
***
Soudain, je me retrouve en plein milieu de la bataille. Je ne suis plus simple spectatrice, je suis là, parmi les cadavres et le sang. Mais il y a désormais plus de morts que de vivants, et certains battent en retraite. Le vent souffle dans mes cheveux qui s'emmêlent et me brouillent la vue. L'odeur est immonde, si bien qu'elle me donne envie de vomir. Je déglutis, et tente de respirer par la bouche, mais les effluvent parviennent néanmoins à se faire ressentir. Je dégage mon visage et fixe un point au loin. Mais je suis incapable de marcher sans regarder ou je met les pieds. A chaque fois que j'essaie, je sens la chair molle et encore chaude des corps, la fourrure humide et la neige fondue sous mes pieds nus. C'est alors que je m'aperçoit que je ne porte qu'une maigre couche de tissus pour couvrir ma poitrine et une autre au dessus de mes hanches. Si cet accoutrement est adapté au climat tropical, je commence à ressentir la morsure du froid. Sur chaque parcelle de ma peau, l'air tranchant me brûle, comme s'il parvenait à me couper. Je croise les bras et camoufle mes mains sous mes aisselles pour tenter de ne pas congeler, mais cette position finit par devenir handicapante. Déséquilibrée, je trébuche sur une jambe et, n'ayant pas le temps de me rattraper, je finis étalée sur le sol. Lorsque je rouvre les yeux, je fais face à un visage livide. La bouche entrouverte, le mort semble encore vouloir parler. Ses pupilles bleues ont perdu leur éclat de vie. Elles regardent dans le vide, un endroit lointain que je ne peux voir. Une immense douleur envahit ma poitrine. Je dois partir d'ici, au plus vite. Je sais que ce n'est pas la réalité, mais je ne peux pas rester là.
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Sul'Een T2: La voie de la sagesse
ParanormalNinah doit s'adapter non sans mal à son nouvel environnement. Ici, les règles ne sont plus les mêmes et pour y parvenir elle devra faire des sacrifices. Tous les autres se reposent sur les épaules de Sul'Een sans qu'elle ne sache réellement ce qu'el...