Le pire accident

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Djibril ouvre grand les yeux. Il est sans mot. Ce qu’il vient de découvrir, si c’est la réalité, peut changer le cours de l’histoire.
Maître Albertine s’assoit. Stupéfaite, elle met ses deux mains sur sa tête. Aussi impensable que cela puisse être, ce qui vient de se révéler ne doit rien changer au contenu de l’affaire. Le professionnalisme de l’avocate s’établit.
— Si après cela, il y a encore les lois du hasard qui imposent leur force, je ne pourrais plus rien penser. Les coïncidences sont assez manifestes pour être toutes invraisemblables. Déjà, les implications sont communes. Je suis très confuse mais j’ai toujours fait confiance à mon sixième sens. Il ne me trompe qu’assez rarement. S’extasie la robe noire.
— Crois-moi maman. Je suis tout aussi confus. Je ne peux pas accepter que Grégoire, mon meilleur ami, puisse me faire un tel sale coup. Ce serait vraiment un acte ignoble. Sérieusement, Maître, tu penses qu’il y a quelque chose entre Stéphane et Grégoire ?
— Écoute-moi Djibril. Nous ne faisons que des suppositions. Rien n’est confirmé. Rien n’est vérifié. Il n’y a que deux possibilités. Soit ils se connaissent et dans ce cas ils seraient certainement derrière cette histoire. Soit ils ne se connaissent pas même s’ils ont le même nom de famille et dans ce cas il n’y aurait pas de raison de trop s’inquiéter.
Les mains de Djibril couvrent son visage. Cette discussion ne le prélasse pas. Au contraire, elle le met mal à l’aise.
— Alors qu’attendons-nous ? Appelle Grégoire et dis-lui que nous avons des choses à nous dire ?
— Mon fils, ne pars pas trop tôt en besogne. Il serait bête et imprudent d’agir ainsi. Car il se pourrait qu’il se protège. Aussi faudrait-il qu’on ne fasse pas l’erreur d’accuser un innocent.
Djibril est désolé. Il sait qu’il n’a pas trop de chance. Il a déjà avoué avoir violé Raïssa. Tout propos contradictoire serait mal venu. Il y va de son image. Quelle image ? Une image qui s’est détériorée en cinq minutes. Une image écornée par une presse déstabilisatrice.
— Tu te poses des questions. Je sais que tu regrettes tout ce qui s’est passé. Mais tu dois croire aux mystères de la vie. Tu dois donner beaucoup plus de valeur au destin.
— Quel destin ? Quels mystères de la vie ? La voix cassée, Djibril vomit de colère.
— Mon fils, écoute bien ce que je vais te dire. Parfois tu as besoin de sentir la douleur et la piqûre de la défaite pour activer la vraie passion et le but que Dieu a prédestinés à l’intérieur de toi. Dieu dit, dans « Jérémy », qu’il connait les plans que j’ai pour toi, desplans pour te faire prospérer et ne pas te nuire, des plans pour te redonner espoir. Lorsque tu atteindras le sommet de la colline et que tu décideras de tes prochains emplois, de tes prochaines étapes, de tes prochaines carrières, de ta formation, tu préféreras trouver un but plutôt qu’un emploi ou une carrière. Le but traverse les disciplines, le but est un élément essentiel de ta personne, c’est la raison pour laquelle tu es sur cette planète, en ce moment particulier de l’histoire. Ton existence même est enveloppée dans les choses que tu es destiné à accomplir. Quoique tu choisisses pour un chemin de ta carrière, rappelles-toi que les luttes sur le chemin ne sont destinées qu’à te façonner pour ton objectif. Quand Dieu a un destin pour toi, peu importe celui qui s’y impose, Dieu déplacera quelqu’un qui te retiendra loin de la porte et il placera quelqu’un qui l’ouvrira pour toi, si c’est vraiment fait pour toi. Je ne sais pas quel est ton avenir mais si tu es prêt à prendre le chemin le plus difficile, le plus compliqué, celui avec le plus d’échecs au début puis de succès, celui qui a finalement prouvé qu’il avait le plus de sens, le plus de victoires, le plus de gloires, alors tu ne le regretteras pas. Ce jour-là, moi ton avocate, je te dirai que maintenant c’est ton jour, la lumière d’une nouvelle réalisation brille pour toi, l’héritage n’est pas enveloppé dans l’argent que tu vas faire mais dans les défis que tu vas choisir de relever. Alors que tu t’engages sur tes chemins, continues d’avancer avec fiertéet détermination. Ta peur la plus profonde n’est pas d’être inapte, elle est que tu puisses être doté d’un pouvoir sans commune mesure, c’est ta clarté pas tes zones d’ombres qui t’effraie, tu n’apportes rien au monde en te dévalorisant, il n’est pas éclairé de te faire plus petit que tu l’es simplement pour rassurer les autres autour de toi, tu es conçu pour briller comme les enfants, ce n’est pas donné qu’aux autres comme Grégoire, Stéphane ou moi-même, c’est en toi, en laissant briller ta propre lumière, tu donnes inconsciemment aux autres le pouvoir d’en faire autant, si tu te libères de ta propre peur, ta présence seule pourra aussi libérer les autres. T’hésites, tu sais que tu dois y aller mais tu as peur, tu penses aux conséquences et là tu te dis que tu ne devrais peut-être pas le faire parce que, là maintenant, tu ne le sens pas, ce n’est pas le bon moment et puis de toute façon tu pourras réessayer, revenir une prochaine fois. En réalité, tu ne réussiras jamais parce que tu sais très bien que tu auras toujours une bonne excuse pour ne pas le faire, la vérité c’est que tu es dominé par la peur, la peur d’essayer, la peur du regard des autres, la peur que l’on doit comme un minable, la peur de ce que l’on dira de toi, la peur de ce que tu penseras de toi parce que tu sais que tu pourrais échouer alors tu préfères ne rien essayer. Mais ne rien essayer, c’est tirer une balle dans le dos de tes rêves, c’est étouffer ton potentiel, c’est briser tout espoir. Ne rien essayer, c’est ne pas vouloir avancer, mais lorsque tu n’avances pas, lorsque tu restes dans le doute, tu recules. Avances parce que le monde lui, n’arrête pas d’avancer et ne t’attendra pas, alors c’est à toi de prendre les choses en main maintenant parce que demain il y aura quelqu’un qui aura, peut-être, le même rêve que toi et qui, peut-être, sera moins bon que toi, c’est vrai ça, mais lui il aura décidé d’aller de l’avant, il aura eu l’audace de le faire, il se moquera de ce que l’on pense de lui, il se dira qu’il est temps de se battre pendant que toi tu seras noyé dans la peur de l’échec, à te poser la question, est-ce que je dois le faire ou pas ? Mais le jour où il prendra tes rêves, ton doute se transformera en regret. Il en est hors de question, il est hors de question de vivre dans les regrets, non, il est hors de question de laisser la peur diriger ta vie, jamais, il est hors de question que tu laisses tes rêves mourir, hors de question, il est hors de question de reculer, il est hors de question de fuir comme un lâche, il est hors de question de ne pas croire en toi, il est hors de question de ne pas libérer ton potentiel, vas-y, tu peux le faire, tu peux grandir maintenant il faut arrêter de jouer les petits pour entrer dans la cour des grands, libères ce lion qui est en toi. Le doute a brisé plus de rêves que d’échecs alors tu as à te foutre de l’échec, la véritable défaite serait de ne pas essayer, c’est maintenant ou jamais, tu y vas, parce que l’opportunité que tu as là maintenant devant toi, peut-être que demain, elle ne sera plus là et vivre dans la peur, ce n’est pas une vie, tu vaux mieux que ça, bats-toi, bats-toi, bats-toi, tu sais que tu peux le faire, fais-le. Te libérer du regard des autres, muscler ton âme c’est apprendre à dominer tes émotions et ne pas laisser les émotions dominer ton cœur parce que si tu laisses les émotions dominer ton corps, ton cœur, tu ne te maîtrises pas, ce sont les émotions qui te maîtrisent, c’est la peur, alors à toi de faire le grand pas.
Attentif à tous les mots de Maître Albertine, Djibril ne peut qu’être soulagé. S’inscrivant dans cette optique, il lui demande.
— J’ai tout entendu. C’est plus facile à dire qu’à faire. Je comprends ta réaction car tu n’as jamais tué une personne. Tu ne connais pas la mort. Maman, je t’assure que la mort de Raïssa m’afflige.
— Certaines morts nous laissent de vraies leçons de vie. Certains qui sont malades savent que demain, ils pourraient qu’ils ne se réveilleraient pas. L’idée n’est pas de te culpabiliser, mais, de te demander, qu’est-ce que j’ai fait, pendant tout ce temps. Parfois tu voudrais faire des choses mais tu te plains, au même moment quelqu’un qui n’a pas les moyens essaie de le faire. Quelle est la chose la plus importante dans cette vie ?
— Je ne sais pas, dis la moi, maman.
— C’est l’amour. L’amour pur. L’amour sincère. Je sais que tu aimais Raïssa. Donc, tu n’as pas à t’inquiéter. Arrivera ce qui doit arriver. Arrivera surtout ce que Dieu aura prescrit avant ta naissance.
Le téléphone de Maître Albertine sonne. C’est un numéro inconnu. Elle coupe sa discussion avec Djibril pour répondre.
— Allô ! Allô ! Allô ! Vous me recevez ? La personne qui appelle ne répond pas.
Maître Albertine raccroche. Elle continue son explication.
— Djibril, si Dieu le veut, aujourd’hui même tu peux quitter cette prison. Maître Albertine ne peut pas réussir ce que Dieu n’a pas décidé.
Le numéro inconnu rappelle. Cette fois-ci, c’est bon. Une voix féminine s’entend.
— Allô ! C’est Maître Albertine, j’espère ?
— Oui, c’est moi. Qui est au téléphone ?
— Une personne qui veut être quitte avec sa conscience. Une personne qui est prête à vous aider. Une personne qui s’appelle Salla. Je suis la réceptionniste de l’hôtel d’où s’est passée l’affaire ayant conduit à l’arrestation de votre client.
— Comment allez-vous ma chère Salla ?
— Je n’ai pas le temps à la discussion. J’ai une chose importante à vous dire. Une chose qui va éclore toute la vérité. Une chose qui vous permettra de tout comprendre concernant cette affaire.
— Alors je vous écoute.
— Non pas au téléphone. Retrouvez-moi à Pikine. Je vais vous envoyer l’adresse exacte. Je ne peux pas trop attendre. Nous nous retrouverons d’ici trente minutes. Ciao.
— Ciao ma chérie.
L’avocate se met debout. Elle fait une brève explication à Djibril qui veut savoir la personne qui appelait.

Très contente et soulagée d’en finir avec cette affaire, Maître Albertine démarre sa voiture. Elle contourne les quartiers qui polarisent Rebeuss un à un. Elle s’arrête dans une station d’essence. Elle reprend le trajet. Son téléphone portable sonne une nouvelle fois. Elle décroche. C’est son ami avocat qui l’appelle.
— Maître, tu as oublié notre réunion ou pas ? Depuis une heure, on vous attend.
— Vous avez raison. Je suis désolée. J’avais une urgence. Je vais venir après. Vous pouvez commencer. Je vais vous rejoindre.
Non ! Non ! Non !
Maître Albertine crie à haute voix. Sa voiture vient de heurter une jeune fille qui traversait la route. C’est l’hécatombe. Un groupe encercle la jeune fille au ventre ensanglanté. Maître Albertine descend timidement de sa voiture. Elle se rapproche de la foule. Elle s’agenouille à côté de la jeune fille. Ses larmes tombent. Elle lit sur la carte de la fille :
« Nom : Ndiaye 
Prénom : Salla
Profession : Réceptionniste ».
C’est la catastrophe.

À suivre…

Pots Cassés 🥃❌Où les histoires vivent. Découvrez maintenant