Les retrouvailles

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— Ça ne peut pas être ce que je crois. Je ne vois pas au monde une personne qui peut réceptionner toute mon amertume.
Solange a hâte de retrouver Maître Albertine. Elle s’attend à des explications claires, nettes et précises.
Le lendemain, un certain mercredi, Solange sillonne avec sa voiture les artères de la grande ville de Dakar. Elle éperonne une fougue rocambolesque. Son désir de se mettre en face de l’avocate affiche des degrés extrêmement insoutenables. Les salutations ne sont pas trop les bienvenues. La solennité du moment aiguillonne l’envie fourmillante de la demoiselle au teint noir et à la forme de biche.
— Pourquoi autant de stress Solange ? J’ai le sentiment que tu es très harcelée par un problème. Ai-je raison ?
— Je sais que tu es une avocate de renommée. Tu es la plus grande avocate du pays, l’une des meilleures du continent. Donc, si tu me dis que j’ai un problème, je sais que tu en es sûre. Je veux savoir une chose.
— Waouh ! Tu vas bien Solange ? Dis-moi ce qui te préoccupe tant ?
— Je veux des explications sur ça ? Que fait cette photo avec toi ? Solange dépose la photo sur la table. Maître Albertine la récupère.
— Je pense que c’est moi qui dois te poser cette question. Tu entres chez moi. Tu prends une affaire confidentielle et tu me poses des questions si offensantes.
— Jules Albert Manga né le 12 août 1958 à Cabrousse, père de Solange Manga, tu veux que je continue ?
Les yeux de Maître Albertine s’empourprent. Ses pleurs aspergent sa poitrine. Les battements de son cœur augmentent. La voix émoussée, Maître Albertine sait que ses prières ont été entendues. Celle qu’elle cherchait depuis plus de vingt ans est en face d’elle. Sa fille est là en face d’elle. Comment vais-je affronter cette nouvelle ? Se dit-elle. Elle s’essaie au pragmatisme.
— Béatrice Solange Manga née le 27 décembre 1996 à Cabrousse. Fille de Jules Albert Manga et de Pascaline Diatta. Jumelle de Tony Albert Manga.
— Tu me connais ? Tu me suis ou pas ? Comment sais-tu tout cela de moi ? S’il te plaît, aide-moi. Je suis hyper empotée. Qui es-tu ?
C’est un visage livide qui escorte la réponse de Maître Albertine.
— Albertine Gomis l’amie d’enfance de Pascaline Diatta. Ta maman était ma meilleure amie. Nous nous sommes connues dans une maternité. Elle et moi accouchions ce jour-là dans la même salle. Elle avait donné naissance à des jumeaux, toi et ton frère. J’avais mis au monde une petite fille. Je ne pouvais pas la garder car j’étais malade et je ne pouvais pas sortir de l’hôpital. J’avais passé huit mois à l’hôpital. Ma famille m’avait abandonnée car elle s’était opposée à mon mariage. Je n’avais personne. Son papa l’avait récupérée. Il était parti en Gambie avec elle d’où il avait contracté un nouveau mariage. Deux ans après, il m’envoya une lettre pour me dire que ma fille était morte. Cette douleur immense avait conduit ta mère à me dire les mots suivants. « Albertine, le hasard a fait que nos enfants ont le même âge. Je ne peux pas te voir souffrir. J’ai des jumeaux. À partir de ce moment, saches que ma fille est la tienne. Veille sur elle. Je vais éduquer son frère. »
Deux mois après, j’étais venue à Dakar. Ta mère m’y avait rejoint lors des vacances. Elle était venue avec ses jumeaux. Avant de retourner en Casamance, elle m’avait donnée le plus beau des cadeaux de la vie, son enfant, celle qui est aujourd’hui en face de moi. Pascaline était repartie avec ton frère. Quand elle avait dit à ton papa qu’elle t’avait laissée avec moi, celui-ci était très mécontent. Il voulait coûte que coûte te récupérer. Il était venu jusqu’à Dakar. Il était reparti avec toi. Ta mère était peinée par son acte. Elle n’était pas au courant du voyage de Jules. À son tour, elle elle m’avait retrouvée une nouvelle fois à Dakar. Nous étions ensemble pendant cinq mois. Un jour, elle aussi allait recevoir un message lui notifiant que son mari avait épousé une autre femme. Quatre mois plus tard, après avoir divorcée, elle voulait venir vous voir. Malheureusement, elle était décédée en cours de voyage. Les vagues l’avaient emportée. Depuis lors, pour honorer le cadeau qu’elle m’avait octroyé, j’ai fait tout pour te récupérer. Mais c’est après que j’ai su que votre papa vous avait emmenés au Congo. Je t’ai cherchée partout. J’ai prié tous les dimanches pour te retrouver.
— Ce que tu me dis là est incroyable. Moi qui pensais que c’était maman la responsable de tout ce qui est arrivé à mon frère et moi. Papa nous a pas dit cela. Je comprends aujourd’hui pourquoi il nous demandait pardon avant sa mort. Après notre expédition au Congo, nous étions revenus au Sénégal. C’est ici qu’est décédé papa. Nous avons été internés dans un orphelinat par notre tonton Paul. Mon jumeau avait été adopté. L’année suivante, j’avais été adoptée par une famille. C’est comme ça que j’ai été séparée de ma famille biologique. Nous étions très jeunes. Je ne sais même pas comment je me suis ressouvenue de tout ça. De mon côté également, j’ai essayé de retrouver mon frère. Je ne sais pas s’il est en vie ou pas. Je m’excuse maman pour tout ce qui t’es arrivée à cause de moi. Désormais, saches que je suis là. Je veillerai sur toi. Je comprends maintenant d’où me vient cette passion d’être avocate. Ma mère doit être fière de toi. Tu es la meilleure amie qui ait existé.
Maître Albertine et Solange s’accoladent. Les émotions sont pleines. Solange sort un mouchoir de son sac et essuie les larmes de Maître Albertine. Elles s’asseyent de nouveau.
— Maman, tu penses que ta fille est décédée ?
— C’est ce que son papa m’a dit. Je crois qu’elle est morte.
— Encore une fois, je suis désolée.
La joie est revenue entre deux personnes qui se cherchaient parallèlement. Solange voulait connaître la vérité. Maître Albertine ambitionnait de se remémorer de sa meilleure amie.

La Division des Investigations Criminelle est depuis quelques temps sur une enquête. Un grand réseau de dealers est recherché. Un cartel qui œuvre dans le commerce de la drogue est poursuivi depuis un long moment. Aujourd’hui, une opération de démantèlement d’un de leurs lieux de rencontre a eu lieu. Ils étaient quatre dealers. Les trois sont morts après qu’ils aient été tirés par les policiers. Le quatrième a été arrêté. Cette opération doit permettre de connaître ceux qui sont derrière la commercialisation de la drogue au Sénégal. Maître Albertine qui peut regarder la télé depuis la cave a perdu sa parole quand elle a vu la personne qui a été arrêtée.

À suivre…

Pots Cassés 🥃❌Où les histoires vivent. Découvrez maintenant