— Sois plus claire Solange ?
— Toi aussi maman, je ne t’apprends pas notre métier. Toute intuition n’est pas le fruit du hasard.
— D’après ce que j’ai compris, tu veux dire que tu doutes même de la mort de Raïssa. Hein ?
— Je ne sais pas. Je sais juste que les personnes mortes sont enterrées au Sénégal. Je n’ai jamais vu une défunte dont le corps reste introuvable.
Maître Albertine n’a jamais pensé à ça. Elle ne s’est jamais donnée le temps de savoir où est enterré le corps de Raïssa.
— Et si tes soupçons étaient fondés, où serait Raïssa ?
— Quelque part dans le monde. Raïssa est peut-être vivante. Qui sait ? Autant, elle peut être décédée, autant elle peut être en vie.
— Sacrée Solange, tu imagines toujours des choses bizarres. Essaies de voir autre chose. Raïssa n’est plus parmi nous.
— Tant que je ne verrais pas de mes propres yeux sa pierre tombale, je ne croirais pas à sa mort. Je n’attends que le procès pour faire une contre-expertise complète.
— C’est déjà fait ma fille ?
— Comment ? Quelle autorisation as-tu eu pour faire cette contre-expertise ?
— Aucune. Je l’ai faite en catimini. Je ne pouvais pas attendre le juge d’instruction. J’étais persuadée que c’était la seule issue pour innocenter Djibril. Hélas, Docteur Tounkara m’a certifié que c’était bel et bien l’ADN de Djibril qui y était trouvé.
— L’acide désoxyribonucléique de Djibril sur les lésions de Raïssa ? Hun ! Une macromolécule formée de désoxyribonucléotides, qui constitue le matériel génétique de toutes les cellules eucaryotes, des cellules procaryotes et de certains virus. L’ADN, cette longue molécule formée de répétitions de nucléotides constitués de quatre bases différentes (adénine, guanine, thymine, cytosine) et qui supporte l’information génétique, se présentant en simple brin ou en double brin (complémentaires et antiparallèles).
Solange tape son stylo sur la table. Ses idées semblent l’amener ailleurs.
— Et tu crois à ça ?
— Bien-sûr que oui. Docteur Tounkara est mon ami. Il est l’un des meilleurs médecins légistes du pays.
Solange est en train de rire. Ce matin, elle est venue avec ses questions. Apparemment, elle reste sur sa faim.
— Maman, dans ce monde, il n’y a pas d’amitié. Les gens sont tous faux. Ils sont des prédateurs à la recherche d’une proie vulnérable et facilement attaquable.
— Je ne suis pas d’accord ma fille. L’amitié existe réellement. Ta mère était ma meilleure amie. Donc, si je te dis que l’amitié existe réellement, tu peux me croire.
— D’accord, je te le concède maman. D’ailleurs toute règle a une conception. La seule règle qui n’a pas d’exception est que toute règle a une exception.
— Ce matin, je n’ai pas la visite d’une avocate mais d’une philosophe. Décidément, t’es devenue une sceptique.
— Sceptique, non ? Je préfère être une cartésienne. Mon doute est rationnel car étant illimité et hyperbolique.
— Ça c’est vrai. Tu es très courageuse. Tu es comme moi à l’entame de ma carrière.
— L’amitié a des racines amères mais ses fruits sont…
— Doux. Continue Maître Albertine.
— Non, ses fruits sont amers aussi.
— Solange, c’est quoi le problème ? T’as découvert quelque chose ou bien ?
Solange attendait cette question. Elle sourit.
— Voilà, ça c’est ma mère. Le sensationnisme n’est pas très important. Je voulais que tu me poses cette question. Maman, Grégoire est le fils de Stéphane.
— Quoi ? T’en es sûre ?
— Certaine même. Écoute ça.
Solange fait écouter à Maître Albertine la discussion entre Grégoire et Félix.
La main sur la bouche. Les idées cramponnant son esprit. Maître Albertine se trouve dans une totale stupéfaction. Elle observe Solange qui laisse entrouverte sa bouche.
— Tu penses toujours que l’amitié existe maman ?
— C’est vraiment ignoble ma fille.
— Et ce n’est pas tout.
— Ça reste quoi ? Lui demande Maître Albertine plus excitée à tout savoir.
— J’ai photocopié tous les documents qui se trouvaient dans le coffre-fort de Grégoire.
— Et je présume que le dossier A-380 s’y trouvait.
— Voilà. Le plus grand scandale financier de l’histoire du pays. C’est un dossier très lourd maman. Il y a beaucoup de choses qui y sont développées.
Solange explique tout à Maître Albertine qui devient de plus en plus pâle.
— C’est pas possible. Mais qu’attends-tu alors pour saisir le Procureur ? Djibril et moi pouvons sortir de prison aujourd’hui même.
— C’est très tôt maman. Nous devons un peu attendre. Nous ne savons pas si le Procureur est aussi mêlé ou pas à cette histoire.
— Si, tu as raison. D’autant plus que des autorités gouvernementales sont aussi concernées.
— Surtout ça, il nous faut des compléments d’informations. Nous sommes dans la dernière ligne droite et nous devons faire très attention.
— Ne t’en fais. J’ai même été interrogée par le capitaine Babacar Touré.
— Sur la mort de Salla ?
— Bien-sûr.
— La pauvre ? Elle voulait t’aider et elle s’est retrouvée dans cet état.
— Je lui dois une fière chandelle. Ce capitaine m’inspire confiance.
— Si, je le connais. C’est un jeune très ambitieux. Il ne recule devant rien. Sauf qu’il y a des problèmes entre nous.
— Qu’est-ce qui se passe entre vous ?
— Nous étions dans la même classe au secondaire. Il y a un an, nous nous sommes vus dans une soirée. Des jours après, il m’a parlé de sentiments amoureux. J’avais refusé. Depuis lors, nous ne gardons que des relations professionnelles. Je sais qu’il m’en veut toujours.
— C’est normal que tous les jeunes hommes soient intéressés par toi ma fille. Tu es sublime.
— C’est leur problème. Je n’ai pas leur temps.
— L’amour fait partie de la vie. Laisse-toi aimer.
— Chaque chose a son temps maman. J’ai failli même oublier, tu seras déférée demain. T’as été mise en garde à vue depuis plusieurs jours.
— Pas de problème. De toute façon, la prison n’est pas ce que je croyais. Elle me permet de me ressouvenir de beaucoup de choses. C’est un lieu de repos pour moi.
Solange coupe court la discussion. Elle réfléchit profondément. Maître Albertine lui fait signe.
— Eh Solange ? T’es où là ?
— Maman, t’aurais pas une idée de l’endroit où je pourrais avoir plus d’éléments de preuve ?
— Je ne sais pas. Je n’en ai aucune idée.
— Je vois. T’inquiète.
— Ou bien sur sa machine ?
— Quelle machine maman ? La machine de qui ?
— J’avais complètement oublié de te le dire. La machine de Raïssa est dans ma chambre. Elle a un code. Je ne suis pas parvenue à la déverrouiller. Tu peux essayer.
Solange quitte la gendarmerie.
Le capitaine Babacar Touré est dans le bureau de son supérieur. Ils discutent.
— Capitaine, j’ai une nouvelle à t’annoncer.
— Laquelle ?
— Le Procureur a décidé de nous dessaisir de l’enquête.
— Quelle enquête mon supérieur ?
— La mort de Salla.
— Quoi ? C’est impensable. Et pourquoi veut-il nous dessaisir de cette enquête ?
— Il y aurait des informations dont nous ignorons.
— Des informations comme ?
— En tout cas, c’est ce qu’il m’a dit.
— D’accord, et qui se chargera de poursuivre l’enquête ?
— La Division des Investigations Criminelles.
— Je le savais. Je savais qu’il y avait des non-dits dans cette affaire. Mais, je ne trouve pas pertinente l’idée de vouloir nous dessaisir de cette enquête.
— Nous n’y pouvons rien.
Au commissariat central, les choses sont rythmées en ce début d’après-midi. Depuis l’arrestation de Gilbert, les enquêteurs de la Division des Investigations Criminelles ont tout essayé mais Gilbert a catégoriquement refusé de parler.
— Sors, tu as de la visite ?
Gilbert se demande bien qui peut bien venir lui rendre visite. C’est Grégoire qui est là.
— Tu ne t’attendais pas à me voir là le grand Gilbert. Ça fait quoi de retrouver son vieil ami ?
— Grégoire, le plus grand des traîtres.
— Ne sois pas violent mon frère.
— Dis-moi ce que tu veux.
— Je suis venu te proposer un deal.
Solange est arrivée à la maison de Maître Albertine. Elle entre dans la chambre et récupère la machine de Raïssa.
— Voyons voir que peut bien être le code de déverrouillage.
Solange fait de nombreuses tentatives. Elle ne trouve rien. Désolée, elle se lève et décide de ramener la machine chez un jeune informaticien.
Dès qu’elle s’est levée, le petit bout de papier est tombé par terre. Elle relit ce que Maître Albertine avait déjà lu : « Pour ma vie, t’as décidé de perdre ta vie. Pour ta vie, t’as décidé de sortir de ma vie. Je te demande si tu regrettes de m’avoir donnée la vie ou si tu regrettes d’être sortie de ma vie ? Je parle de toi Maman ! N’oublie pas une chose, mon père a été une mère et un père pour moi. Je te déteste de toute mon âme. »
Solange se remet en position assise sur-le-champ. Elle veut déchiffrer cette phrase. Elle ne s’est jamais intéressée à la mère de Raïssa. Et même à son papa. Elle passe quelques coups de fil. Elle parvient à savoir le nom de la mère de Raïssa grâce à ce jeune informaticien. Elle essaie de taper sur la machine les lettres suivantes : « A L B E R T I N E. » La machine a été déverrouillée. La mère de Raïssa s’appelle Albertine.
L’étonnement de Solange arrive trente secondes après.
— Il ne restait que ça. Maître Albertine est la mère de Raïssa.
À suivre…
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Pots Cassés 🥃❌
ActionEst-ce logique de payer pour un crime qui peut-être n'est pas le sien ? Une question qui constitue la charpente de cette histoire. Les personnages sont appelés à tour de rôle à découvrir des vérités profondes qui se cachent derrière des chimères. De...