Chapitre 25

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Thaïs

J'ai passé ma soirée du vendredi à ressasser les conseils de M. Prévost. Dès que j'ai enfourché mon vélo pour rentrer chez moi, ses paroles ont commencé à tourner en boucle dans ma tête. Je suis rassurée d'avoir renoué le contact avec mon psy, mais je ne sais pas si j'ai bien fait de lui parler d'Axel. Alors que j'étais convaincue qu'il valait mieux pour moi que je ne reparle pas à Axel, mais à présent, je ne suis plus aussi sûre de mon choix. 

Ne pas aller voir mon psy a troublé la quiétude de mon jeudi soir. Ça, et mon mal de tête, pour être honnête. Je pensais à Axel, à la soirée au bar, aux pièces impressionnantes imaginées par Amour, à la joie communicative de Noé, à la menace de Chloé, à la bienveillance de Valentin, mais surtout à Axel, à ses yeux bleus, à ses mains dans les miennes et son sourire en coin. Je pensais à comment je m'étais tournée au ridicule à la fin de la soirée, à ma résistance face à Axel qui essayait de m'aider, et à mes larmes dans ses bras. C'est sûr, il devait me détester. Pourquoi s'était-il embarrassé d'une fille aussi encombrante, en pleine détresse ? Il devait me prendre pour une folle. Je comprenais pourquoi il ne donnait pas signe de vie alors qu'il m'avait promis que l'on poursuivrait notre conversation nocturne. Peut-être n'en avait-il tout simplement plus envie. Il valait mieux que je me terre dans ma chambre pour ne plus jamais en sortir. 

Dans ma tourmente, j'en avais presque oublié Zaïna, qui me harcelait de messages depuis que Marceau l'avait prévenue de mon retour nocturne tonitruant à la maison. Elle voulait tout savoir. J'ai été très évasive, arguant que nous étions allés dans un bar, et qu'Axel m'avait raccompagnée chez moi après. Mes maigres explications ne lui ont pas suffi, mais elle ne pouvait pas s'attarder, devant prendre le service du soir à l'hôtel, alors elle a coupé court à la conversation, en concluant qu'elle n'en resterait pas là. J'étais encore plus perdue. Je ne savais pas quoi faire, ni qui appeler à l'aide. J'étais seule. 

Seule, pas exactement. Des coups succincts ont résonné à ma porte, et, sans attendre une réponse de ma part, ma mère est apparue à l'entrée de ma chambre et m'a poliment annoncé que le dîner était prêt, ça faisait trois fois qu'elle m'appelait, tout le monde était à table et m'attendait. Lasse de patienter, elle a exploré ma chambre du regard, a soupiré, comme déçue que je ne réagisse pas comme une fille normale, et a ajouté qu'elle descendait pour servir le dîner, en m'enjoignant de ne pas tarder. De guerre lasse, je me suis levée de mon fauteuil de bureau, ai remisé mon portable dans un tiroir, et ai pris sa suite vers la salle à manger.

Mon père et Marceau étaient déjà assis autour de la table italienne que mon père a fièrement hérité de son grand-père, si bien qu'il a fait de la salle à manger le somptueux écrin de ce bijou méditerranéen, faisant ainsi de cette pièce une authentique salle à manger toscane. La salle est tout en longueur, blanche, avec des colonnades, et des étagères directement incrustées dans le mur blanc, où sont nichés plusieurs plantes d'intérieur, et quelques souvenirs de voyages dénichés par mes grand-parents, mes parents ou ma tante Mathilde.

Quand je suis arrivée, mon père présidait la table, comme son père, et probablement son grand-père avant lui, en grande discussion avec mon frère. En m'entendant m'approcher, Marceau et lui se sont interrompus et ont levé les yeux dans ma direction. Mon père a sourit, et s'est exclamé :

— Ah, voilà notre fêtarde !

Ça m'a encore plus perturbée. Puis ma mère est revenue dans la salle à manger en apportant un coq au vin et mes parents ont débuté l'interrogatoire. Assaillie par leur flot de questions, j'ai fini par prendre congé. Ils avaient bel et bien fini par me noyer avec leur enthousiasme. Je suis remontée dans ma chambre, ai constaté que Zaïna était en train de travailler car non disponible, et me suis réfugiée dans mon lit, calfeutrée sous mes couvertures. Un trop-plein d'émotions m'envahit. Les dernières quarante-huit heures avaient été éprouvantes. Je n'avais pas eu le temps nécessaire pour appréhender les événements qui s'étaient produits, et être si soudainement seule après avoir été entourée d'autant de personnes m'apparaissait comme encore plus brutal. Je ne savais pas comment j'allais me débrouiller, si Axel allait accepter de me reparler un jour, ni par quel miracle j'allais parvenir à m'en sortir cette fois. Je n'avais plus le choix : il fallait que je prenne un rendez-vous pour voir Louis Prévost, coûte que coûte.

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