Séance n°2
La jeune fille prend place sur la même chaise que la semaine précédente, et la salle d'attente lui paraît déjà familière. Elle balaye à nouveau la pièce du regard, comme pour vérifier que rien n'a bougé en son absence, mais les six chaises sont toujours le long des deux murs, les plantes vertes prennent toujours le soleil près de la fenêtre, et la table est toujours recouverte par des magazines divers, qui ont cependant été un peu manipulés par des patients en proie à l'ennui depuis la première séance de Thaïs avec le propriétaire des lieux. En face d'elle, un homme brun, qui visiblement accorde un soin tout particulier à sa barbe bien taillée et à sa moustache en guidon de vélo, tapote nerveusement son pied sur le tapis à damier, ce genre de tapotement régulier qui finit par vous taper sur les nerfs. Thaïs croise et décroise ses jambes au fur et à mesure que les tapotements l'exaspèrent, puis se lève d'un bond lorsque Louis Prévost surgit enfin de derrière la porte du cabinet.
— Mademoiselle Delmont, la salue-t-il en souriant.
Thaïs attrape son sac, jette un dernier regard méprisant au sinistre personnage ayant torturé son esprit pendant de trop longues minutes, et rejoint avec soulagement le canapé jaune sable qui lui est destiné.
Louis Prévost, quant à lui, reprend son carnet de travail à la page à laquelle il avait écrit ses dernières notes à propos de la patiente qui lui fait face, puis démarre la séance :
— Alors, comment allez-vous depuis la semaine dernière ?
— Un peu mieux, affirme la jeune fille. Mais il s'est passé quelque chose dont j'aimerais vous parler, parce que ça me travaille depuis deux jours.
— Je vous en prie, dites-moi, l'encourage le psychologue en décapuchonnant son stylo.
— Bon, je vous ai déjà dit que je travaillais dans la librairie de ma grand-mère. Jusque là, rien de très important, mais la semaine dernière, un garçon était au même étage que moi pendant que je travaillais et il m'a prise en photo alors que je n'avais rien demandé. Ça m'a dérangée, vous voyez, parce que je n'étais pas d'accord, et en plus je déteste les photos d'habitude.
— Si c'est ça qui vous embête, vous pourrez demander à ce garçon d'effacer la photo qu'il a prise de vous, si c'est un client régulier.
— Non, proteste Thaïs, ce n'est pas vraiment la photo qui m'embête, c'est plus que j'ai l'impression qu'il a volé quelque chose qui faisait partie de moi en la prenant. S'il l'effaçait, ça ne changerait pas grand-chose. Je me suis simplement dit qu'il s'agissait d'un crétin malpoli et je n'ai pas cherché plus loin.
Après un soupir de lassitude, elle reprend :
— Il se trouve qu'une semaine après, il est revenu à la librairie et m'a offert une boîte de cookies pour se faire pardonner de sa goujaterie.
— Vous devez être soulagée, c'est en fait un garçon très bien élevé !
— Pas du tout, réplique Thaïs, ça m'embête plus qu'autre chose !!! En plus, quand j'ai ouvert la boîte de cookies, il y avait son numéro de portable inscrit au feutre à l'intérieur du couvercle. C'est beaucoup trop gentil, vous comprenez ?
Louis Prévost hausse un sourcil, interloqué.
— J'ai bien peur que non. Expliquez-moi ! Qu'avez-vous fait avec le numéro de ce jeune homme, d'ailleurs ?
— Je lui ai envoyé un message pour le remercier, parce que je voulais être un minimum polie, mais je ne sais pas si j'ai bien fait de le faire. Il m'a répondu que si jamais je voulais faire un tour en ville avec lui, il en serait très heureux, et ça m'a encore plus embêtée.
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Entre deux pages
أدب المراهقينAlors qu'elle aurait dû passer cette année dans une université de rêve à l'étranger, Thaïs se retrouve à travailler dans la librairie de sa grand-mère et à fréquenter une fac où elle n'a jamais voulu aller. En effet, tout a changé pour elle depuis l...