Axel
J'étais trop inquiet pour rester inactif. Dès que j'ai pu, j'ai quitté Aurélien et Valentin et je me suis précipité à la poursuite de Noé, Zaïna et Thaïs. Lorsque j'ai débouché dans le couloir, j'ai vu les échappés se ruer dans les toilettes, et la porte se refermer au loin. C'était trop tard pour rentrer avec eux. Je maudis Noé en pensée, d'avoir la chance de pouvoir rester avec celle à qui je suis attaché. J'ai beau savoir qu'il s'est porté à son secours uniquement parce que sa présence a été demandée et qu'il est dévoué comme pas deux, la raison me fait défaut et je suis soucieux comme jamais. Alors que je traverse le couloir et que je me rapproche des toilettes, j'entends des sanglots, des bruits de pas, puis la porte s'entrouvre et Noé sort de la pièce en trombe, en manquant presque de me bousculer. Un grand pli lui barre le front. C'est la première fois que je le vois dans cet état, aussi préoccupé. Ça me fait très bizarre. Lui qui se tient d'habitude très droit avec sa carrure de rugbyman, apparaît presque abattu. Sans attendre qu'il reprenne son souffle, je l'interroge :
— Pourquoi est-ce que Thaïs a fait une crise d'angoisse ? Est-ce qu'elle t'a dit quelque chose ?
— Tu sais, me souffle Noé, désabusé, je ne suis pas le dernier pour faire des blagues et faire rire tout le monde, mais avec les gens qui ne vont pas bien, je ne sais pas quoi faire, je suis complètement perdu.
— Ce n'est pas de ta faute ça, ça arrive à tout le monde. Tu crois qu'elle va bien ?
Noé essaye de me réconforter :
— Elle est entre de bonnes mains, ne t'inquiète pas. Je pense qu'il vaut mieux les laisser seules, tu ne crois pas ?
— Je préfère rester ici, déclaré-je. Au cas où.
— Ça va faire plaisir à Thaïs de voir que tu l'as attendue. Je vais retourner voir Val' et mon oncle, ils doivent se sentir délaissés. Ils sont peut-être déjà à table, tiens. À tout à l'heure, beau gosse !
Je vois Noé hésiter, comme s'il avait quelque chose à ajouter avant de repartir, et ses yeux s'attardent sur moi et sur la porte des toilettes par-dessus mon épaule, mais il retrouve sa contenance d'usage, me dédie un sourire espiègle et s'éclipse à travers le long couloir du restaurant de son oncle.
Noé parti, je m'assois par terre, le dos contre le mur, en attendant que Thaïs et Zaïna reviennent. Les murs sont épais, composés de larges blocs de pierre taillée, mais, malgré moi, j'arrive à percevoir la voix de Thaïs alourdie de chagrin dans la pièce d'à côté. Je considère sérieusement le fait de suivre Noé et de revenir dans la cuisine de son oncle, mais quelques mots prononcés plus forts que les autres m'interrompent dans mon élan.
"C'est le père de Noé qui était en charge de l'affaire ! Ils savent tout, c'est sûr !"
Je me lève précipitamment, comme piqué au vif, et m'éloigne à quelques mètres. Quelque chose m'échappe, et j'ai besoin de comprendre. De quoi parle Thaïs ? Comment connaît-elle le père de Noé ? Même moi, qui fréquente Noé depuis le collège, je n'ai rencontré David qu'il y a quelques mois. Et encore, uniquement à force de squatter chez lui pour faire les quatre cents coups. Des cookies, par exemple. Mais Thaïs, comment connaît-elle David ? Et surtout, que nous cache-t-elle qui la torture à ce point ? Immédiatement, sans doute à cause du métier du père de Noé, je pense à quelque chose d'illégal, mais je chasse vite cette idée de mon esprit. Par contre, si ce n'est pas parce que Thaïs aurait commis un crime, il pourrait y avoir un lien avec son accident, qui pourrait être une tentative de suicide. Il y a quelque chose d'étrange dans cette histoire. Même en mettant l'enquête de Marceau de côté, il faut que je creuse pour comprendre ce qui se trame de l'autre côté de la porte, quitte à m'attirer les foudres de Thaïs. Si je souhaite l'aider à aller mieux, je dois tenter de connaître la cause de son mal-être. En tout cas, pour l'instant, je décide de ne pas en parler à Marceau.
VOUS LISEZ
Entre deux pages
Fiksi RemajaAlors qu'elle aurait dû passer cette année dans une université de rêve à l'étranger, Thaïs se retrouve à travailler dans la librairie de sa grand-mère et à fréquenter une fac où elle n'a jamais voulu aller. En effet, tout a changé pour elle depuis l...