Juste un regard ➳ 𝔉𝔢𝔩𝔦𝔵

Il est là

Yuna est partie, et nous sommes seuls, sur le trottoir. Il est là. Je ne sais pas du tout comment agir avec lui. Après tout, je ne le connais pas. Je me sens reliée à lui, c'est vrai. Mais je ne sais rien de lui, de qui il est, sa personnalité... Lui non plus ne dit rien, et on reste quelques secondes ainsi, silencieux. Puis il propose :

- Tu veux que l'on rentre dans le bar ? Tu as peut-être soif.

Je hoche la tête et il me sourit. Je sens alors une main chaude enrouler la mienne, et il me guide à l'intérieur. Mon cœur s'emballe. Moi qui déteste les contacts physiques, celui-ci me fait un bien fou. C'est paradoxal. Comment un homme que je connais si peu, peut me fait sentir si bien ? Ça semble tellement naturel qu'il me prenne ainsi la main, alors que j'aurais envoyé bouler n'importe quel autre homme. Mon sale caractère et ma solitude m'aurait même poussé à insulter cet homme trop entreprenant. Mais avec lui, je n'ai plus envie de repousser le monde entier.

On entre dans le bar et on s'installe au comptoir. Il commande deux boissons non alcoolisées, et j'en déduis qu'il a envie de discuter avec sérieux. Ça me convient parfaitement, je n'aime pas tellement le goût de l'alcool, et j'ai envie de le connaître, ce garçon qui en un regard, m'a complètement bouleversée.

- Tu m'as dis que tu n'étais pas une Stay, commence Félix.

Je rougis. En disant cela, je l'ai sûrement froissé. Je n'aurais pas dû dire que je n'aimais pas vraiment sa musique dès notre rencontre. Pas très malin... Si Yuna était là, elle dirait que je fais des gaffes parce que je ne suis pas assez sociable. Et en un sens, elle a raison.

Je me cache derrière un caractère fort et casanier, pour dissimuler une fragilité que Felix fait ressortir.

- Pas vraiment. Disons que ce n'est pas ce que j'écoute au quotidien. Je suis désolée.

- Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi tu es désolée ? Ça me convient. Je préfère justement que tu ne me connaisses pas pour mon métier, mais pour moi.

Je ne m'attendais pas à ça.

- Je ne te connais pas, dis-je alors.

- Pas encore, répond-t-il en souriant.

- Tu sais, je ne suis pas très sociable de base. Ce n'était pas prévu que j'accompagne Yuna à ce concert, je n'aime pas la foule, avouais-je.

Il sourit tendrement. Un sourire qui me fait fondre.

- Pourtant tu l'as fais. Et si tu n'étais pas venue, je n'aurais jamais croisé ton regard...

Je rougis et détourne les yeux, la tension étant soudain un peu trop pour moi. J'ai du mal à le regarder, parce que dès que je croise ses yeux, j'ai l'impression de tomber dans un puits sans fin. Ça me fait quand même flipper.

- Pourquoi tu n'aimes pas sortir ? demande-t-il alors.

Je hausse les épaules et boit une gorgée.

- Je sais pas trop... Une sorte de phobie sociale sans doute. Je sais que c'est stupide, mais je suis pas du tout à l'aise avec les gens. Je ne sais jamais comment me comporter.

- Est-ce que tu es mal à l'aise maintenant ?

Je secoue la tête, honnête :

- Non. Ces dernières heures ont été dures, mais maintenant que je suis avec toi, ça me paraît simple...

Je croise ses yeux qui me regardent intensément, et j'y plonge. Nous restons ainsi, silencieux, pendant de longues et délicieuses secondes. Puis je mumure :

- Qu'est-ce qu'il nous arrive... ?

Il secoue la tête sans lâcher mon regard et souffle :

- Aucune idée. Ça ne m'étais jamais arrivé avant. Tu le ressens aussi ?

J'acquiesce, les coeur battant.

- C'est étrange, dit-il.

- Ça me fait peur, avouais-je.

- Pourquoi ?

- Je ne te connais pas. Et pourtant tu me fais beaucoup de bien.

- C'est réciproque.

- J'ai l'impression que ça n'est pas réel.

Il me prend la main et la presse doucement. Je frissonne.

- Est-ce que ça te paraît plus réel ?

Je souris. Ce contact me rend toute en guimauve. Moi qui déteste ça.

- Oui.

Soudain, je perd mon sourire. Je viens de me rappeler...

- Tu vas partir pas vrai... ? soufflais-je.

Il baisse les yeux et lâche ma main.

- Oui...

- Tu reviens quand à Séoul ?

- Aucune idée. La tournée dure encore quelques semaines, et ce n'est pas dit qu'après je puisse revenir.

Ma gorge se noue. Je ne veux pas qu'il parte. Pourquoi soudain, je me sens capable de m'attacher à quelqu'un ?