Chapitre 29: deux heures

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La montre de Gab indiquait précisément deux heures. Il se figea, son regard accrocha celui de Mélia, puis il ferma les yeux, résolu. La déflagration fut foudroyante. Un mur explosa en propulsant de la matière dans tous les sens. Instinctivement, Laëtitia plongea au sol tandis que Gab se coucha sur Mélia comme un bouclier de muscles. Des débris de toutes sortes s'enfoncèrent dans son dos.

De la fumée noire à l'odeur âcre emplit la salle, alors qu'une poussière épaisse se collait partout. Mélia suffoquait sous le poids de Gab. Un sifflement monocorde l'hébétait. Elle essaya de tousser et cracha de petits fragments de matière dont tout son corps était recouvert. Ses yeux larmoyaient, aveuglés par des particules volatiles. Soudain, elle ressentit un frôlement au niveau de son poignet. Quelqu'un s'acharnait sur ses liens.

— J'étouffe, réussit-elle à prononcer en s'humidifiant les lèvres.

— Je vais te dégager ! Bon sang, il est lourd !

Elle reconnut la voix de Théo et reprit espoir. Il avait pu échapper à l'emprise de Doddy. Ils avaient peut-être une chance de fuir cette horreur. Elle entendit Théo pester et forcer puis le corps de Gab roula sur le côté avant de tomber lourdement au sol. Elle perçut un gémissement, mais le colosse ne bougea pas. Il était donc encore vivant malgré le chapelet de pointes de pierre qui lui déchirait le dos et le transformait en hérisson.

— Ça va Mélia ? Du n'as rien ? lui demanda son ami en détachant ses liens à l'aide d'un bistouri qu'il avait ramassé par terre.

Elle se redressa doucement et toussa avant de pouvoir répondre.

— Ça pourrait aller mieux, mais ça a failli aller beaucoup plus mal, alors je crois qu'on peut se réjouir de notre sort, dit-elle en adressant un timide sourire à son compagnon. Je ne sais pas ce qui a provoqué cette explosion, en tout cas on lui doit notre salut. Oh ! Mais où est Chinchou ! Mon Chinchou ?

— D'inquiète, il est sur da tête. Il a l'air de faire sa toilette. Mais on doit partir vite. La Yessel remue là-bas et Doddy est dellement costaud que j'ai peur que malgré l'armoire qu'il a prise sur le dos, il ne se relève encore. En plus, l'explosion a sans doute alerté dous les Indésiratas de la ferme.

Mélia réalisa tout à coup l'urgence de la situation.

— On doit délivrer tous les autres. Viens m'aider !

Elle attrapa Chinchou, le glissa dans sa capuche et elle se leva, chancelante. Puis après deux bonnes inspirations, elle se dirigea vers les cages de verre qui avaient été épargnées par la déflagration. La fumée épaisse l'empêchait de bien voir les captifs. Ils se tenaient tous debout, contre la vitre, inquiets. Ils avaient sans doute dû ressentir la vibration de la détonation, mais ils ne pouvaient constater les dégâts. Ils vivaient en aveugles dans ce petit espace, incapables de se distinguer les uns les autres alors que toutes les cages étaient collées.

La gorge de Mélia se serra devant leur visage ravagé par la peur et le désespoir. Une journée dans ces conditions inhumaines avait suffi à les briser. Elle posa sa main sur la vitre juste à côté de celle de son frère. Il n'eut aucune réaction. Son regard vide était larmoyant.

— Comment, on les libère. Ça s'ouvre comment ? s'alarma-t-elle.

— Je ne sais pas. Il n'y a pas de serrure, pas de bouton. Oh ! Mais il faut se dépêcher. La Milvuit, elle se relève !

Laetitia Yessel s'appuyait sur le fauteuil qui avait emprisonné Mélia quelques minutes plus tôt. Elle vacillait et crachotait pour expulser la poussière qui lui grattait la gorge. Du sang coulait de son front et de son nez et se mélangeait à sa salive. Encore choquée par l'explosion, elle n'avait pas remarqué Mélia et Théo près des cages.

Thys, la Cité de Yonagoni ( Tome 3) [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant