Il voulut crier sa stupeur, mais ne trouva pas comment faire, sa bouche n'était plus là, ses poumons ne respiraient plus. Il se noyait dans sa peur.
Mélia n'hésita pas. Elle aurait pu se venger, le laisser se disloquer dans la terreur, mais elle intervint calmement.
— Ne me lâche pas. Tu ne crains rien. C'est un bond spatio-temporel.
— Je ne peux pas te lâcher. Je ne sais même pas si j'ai encore des mains. Et d'où vient ma voix ? Qu'est-ce que tu m'as fait ?
— Nous ne sommes qu'énergie, nos corps sont toujours sur la barque. Nous communiquons et agissons par la pensée. Je ne sais pas où nous allons, mais il ne t'arrivera rien de fâcheux, si tu fais tout ce que je dis.
— Ça y est, il faut une nouvelle fois que tu contrôles tout, railla Briac.
Il est courageux, songea Mélia, il ne se laisse pas déstabiliser longtemps.
Soudain, le mouvement cessa. Et leur être éthéré ballota légèrement, comme maintenu par un filet d'air. Les couleurs reprirent leur place et une scène se dessina lentement.
Une cour ensoleillée, ceinte de murs de roches sur lesquels couraient des tiges fleuries. Un totem de blocs de pierre habillé de pièces de tissus colorés. De nombreuses oriflammes orangées, dorées ou rouges flottaient dans le vent et affichaient un message en pictogrammes. À l'abri d'un cyprès millénaire, une jeune fille déposait des éclats scintillants sur une étole. Ses doigts pressaient avec douceur les fragments de gemmes qui crépitaient et s'incrustaient dans le tissu pour former des symboles sacrés. À quelques mètres, sur un chemin pavé, un jeune asiatique s'apprêtait à entrer en scène. Une imposante pierre d'ambre ornait son front. Elle vibrait intensément. Le jeune homme semblait indécis, il s'arrêta et fouilla dans l'unique poche de son ample chandail. Il en sortit un petit objet qu'il serra contre son cœur, avant d'essuyer une larme et de le ranger précautionneusement.
Briac aurait aimé se pencher pour voir ce qu'il cachait, mais son corps éthéré devint capricieux. La volonté du mouvement l'amena d'un coup cent mètres plus loin. Puis la panique l'envahit et son voyage reprit à très grande vitesse.
— Tu peux contrôler si tu veux, souffla Mélia. Calme ton esprit, ferme les images qui défilent et reviens vers moi. Fie-toi à ma voix.
Briac, docilement, suivit les intonations apaisantes de la Clairvoyante et en un clin d'œil se retrouva à ses côtés. Invisible spectateur d'une scène millénaire.
— Lui, c'est Gensaku, le jeune Maître Arcan qui a caché le cylindre, raconta Mélia face à la scène qui se jouait devant eux. Elle, c'est Michiyo, je ne sais pas quel est son rôle.
Gensaku entra dans la cour lumineuse. Son pas, pourtant léger, alerta Michiyo. Elle abandonna son ouvrage et se leva. Tout son corps semblait poser une question.
— C'est l'heure, souffla la voix émue du jeune homme. Viens près de moi, viens...
Elle laissa échapper un cri désespéré et pâlit instantanément. Gensaku se plaça face à elle et soutint sa silhouette chancelante par les épaules.
— On a fait tout ce que l'on pouvait Michiyo. On a tout tenté, tu le sais. On est prêts, il faut t'en persuader.
— J'aurais tant voulu...
Le reste des mots mourut dans la gorge de la jeune fille. Leurs yeux se faisaient miroir. Gensaku osa déposer un baiser sur les lèvres chaudes et tremblantes de son amie. Il aurait souhaité avoir la vie pour lui dire son amour, elle aurait désiré savourer ce premier baiser et prendre le temps ensuite d'y penser en souriant. Mais ce fut l'unique et il avait déjà comblé son cœur.
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Thys, la Cité de Yonagoni ( Tome 3) [Terminé]
FantasyThys, Mélia et les Ostendes sont bien loin d'avoir achevé leur mission. La conquête des autres cylindres s'annonce périlleuse. Les découvertes et les surprises sont encore nombreuses, tout autant que les voyages à travers le monde. Il leur faut à la...