Chapitre 22: La cachette

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Le contact avec l'eau avait été si violent que Mélia avait lâché Mélanie. Elle avait l'impression d'avoir été percutée par une masse furieuse, puis rouée de coups. Complètement étourdie, elle ne savait plus où étaient le haut et le bas. Une multitude de petites bulles couraient sur son corps et obstruaient sa vision. Elle les fixait, passive, sans réaliser qu'elle laissait la vie s'échapper.

Soudain, surgie de nulle part, une main la saisit. Mélia eut un sursaut de panique avant de reconnaître le tee-shirt rouge de son petit sauveur japonais. Il l'entrainait vers une masse sombre sous l'eau. Mais la jeune fille, réalisant qu'elle manquait d'air, se tortilla pour se libérer.

Il fallait qu'elle respire. Ses poumons allaient éclater ! Ses jambes s'agitèrent, son corps se cabra dans l'eau glaciale, mais Kazuhisa la maintint fermement. Puis d'un seul coup, il pivota sur lui-même et s'enfonça encore plus au fond de l'eau. Mélia se mit à le griffer, elle voulait à tout prix se dégager. Une autre forme mouvante se rapprocha d'elle. Elle reconnut Cid qui entrainait Mélanie à sa suite. Il ne lui fit aucun signe, mais suivit Kazuhisa mécaniquement.

Celui-ci conduisit Mélia sous un plafond rocheux. Sensation atroce d'enfermement. Poumons en feu. Besoin incommensurablement de respirer. Puis ce fut la remontée. Interminable. Douloureuse. Ils débouchèrent dans une grotte en aspirant bruyamment d'énormes bouffées d'air.

Mélia se hissa tant bien que mal sur les pierres glissantes et fut prise d'une violente quinte de toux. Pendant quelques secondes, ce ne fut que hoquètements, crachats et halètements. Puis l'urgence de la situation se rappela aux rescapés. Les garçons tirèrent Mélanie hors de l'eau et commencèrent un massage de réanimation. Mélia observait la scène en oscillant, incapable d'agir. Soudain, une terrible pensée la fit sortir de sa léthargie ! Chinchou !

Terrifiée, elle tata sa poche ventrale et en ressortie la masse inerte de son petit animal. La pauvre bête avait été embarquée, bien malgré elle, dans cette odyssée sous-marine et n'avait pas résister à la longue privation d'oxygène.

Alors que Mélanie expirait bruyamment l'eau ingurgitée, soutenue par les garçons, Mélia s'acharna sur son minuscule compagnon. Aux pressions fébriles de ses doigts, elle adjoignit la chaleur de ses paumes. Miraculeusement, une patte se contracta. Puis, le chinchilla remua légèrement sa queue. La jeune fille pleura en le serrant contre elle, tout en lui demanda pardon.

C'est seulement après cet épisode que Mélia observa le lieu où elle se trouvait. Une grotte sous-marine très sombre. Devant elle, un bassin étroit dans lequel s'agitait une masse d'eau furieuse. Les premières pierres, qui ceinturaient cet orifice naturel, étaient luisantes et glissantes, à force d'être léchées par cette langues marine vorace. Autour, le sol humide offrait le gite à quelques mollusques perdus, alors que des algues colonisaient les parois rugueuses.

Les quatre jeunes gens étaient assis, serrés les uns contre les autres, encore haletants, à quelques mètres seulement de l'eau.

— Ici, on est à l'abri, leur signifia leur sauveur, quand tous eurent repris leurs esprits.

— Quelle peur ! J'ai cru qu'on allait s'écraser sur les rochers, répondit Cid. J'aurais jamais cru survivre à un saut pareil.

— C'est le saut du Genpuku, pour prouver que l'on peut entrer dans la vie adulte. Avant tous les garçons le faisaient sur l'île.

— Tu l'avais déjà fait ? demanda Mélia qui caressait toujours Chinchou.

— Oui, en cachette, car c'est interdit maintenant, c'est trop dangereux disent les autorités. Mais Ghiza a préparé la cérémonie pour moi il y a six lunes. J'ai réussi.

Thys, la Cité de Yonagoni ( Tome 3) [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant