Chapitre 6: Un prisonnier

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Les quatre amis avaient atteint l'autre bout du jardin, plus proche de la table. Mais ils étaient encore trop loin pour pouvoir observer la carte, maintenue par deux pierres pour ne pas s'envoler à la première bourrasque.

— J'y vais, déclara soudain Théo.

Et avant que l'un de ses camarades n'ait la présence d'esprit de protester, il s'était déjà élancé.

— Le fou ! s'exclama Cid dans un souffle.

— Non, non, non ! marmonna Mélia qui jetait des regards effrayés vers le sentier où un ronflement de moteur se faisait entendre.

Une voiture déboucha tranquillement dans la cour. C'était une grosse berline noire rutilante. Théo eut la présence d'esprit de se jeter à plat ventre derrière le grand marronnier qui répandait son ombre sur cette partie du jardin. Il était trop tard pour rejoindre ses amis qui s'étaient accroupis derrière les arbres bordant la propriété.

Les quatre intrus en costards suivaient la voiture qui s'arrêta au centre de la cour. L'un d'eux ouvrit la porte du côté passager. Trois hommes sortirent. Mélia et Thys furent atterrés en reconnaissant Jason Le Tallec et ses deux fils ainés. L'homme d'affaires était un terrible Péragore qui avait déjà bien fait souffrir leur famille.

— Pourquoi on est venus là ! gémit Mélia.

Thys se contenta de lui presser l'épaule pour lui apporter son soutien. Il était lui aussi tétanisé. Quant à Cid, il faisait des gestes en direction de Théo qui rampait pour se coller au tronc du marronnier.

— Bouge pas, bouge pas ! articulait-il sans voix.

Théo s'adossa au tronc et leur fit un signe du pouce, accompagné d'un sourire victorieux. Il prit même le temps de rajuster son élastique pour rassembler sa longue chevelure châtain, puis il lova son ventre contre l'arbre pour mieux en épouser la forme et s'approcher ainsi de la table.

— Il est fou ! Il ne les a pas vus ou quoi ? s'affola Cid au bord du malaise.

— Il prend trop de risque, se désespéra Thys. Mais pourquoi joue-t-il les kamikazes comme ça !

— Il ne connaît pas les Péragores, prononça Mélia d'une voix blanche.

Les hommes, après de vigoureuses poignées de main, se dirigeaient à présent vers la table sur laquelle ils avaient laissé la carte. Théo n'était qu'à deux mètres, caché derrière son tronc.

— Ils vont le voir, ils vont le voir, se lamentait Mélia.

— Heureusement qu'il n'est pas gros, constata Cid en comparant sa propre apparence rebondie à la silhouette svelte de Théo.

Thys se tortilla soudain sur lui-même, il émit un petit gémissement et sa respiration devint plus forte.

— Je les sens, je les sens, s'inquiéta-t-il la bouche pâteuse, les ressens-tu, Mélia ?

La migraine caractéristique à la présence de Péragores lui martelait la tempe droite et un froid glacial lui pénétrait les os. Mélia prit la main de son frère, elle plaça son autre main sur son Ingéni qui s'était mis à scintiller. Son corps s'orna, l'espace de trois secondes, d'un liserai bleuté et ses cheveux virèrent au bleu émeraude. Cid resta médusé devant le phénomène et ne posa aucune question. Les jumeaux lui avaient tout révélé de leur singularité, mais entre la parole et les actes, il y avait tout un monde que Cid n'était pas encore prêt à franchir visiblement.

— Je vais mieux ! Qu'est-ce que tu as fait ? demanda Thys.

— Mon Ingéni bloque les effets dus à la présence des Indésiratas. Je les sens, mais je n'en souffre pas ou peu.

Thys, la Cité de Yonagoni ( Tome 3) [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant