C'est le principe des montagnes russes : tu montes, et tu plonges !

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Taylor

—Bon, j'ose espérer que si un incident de ce type se reproduit vous viendrez m'en parler, conclut le proviseur en refermant un dossier.

—Oui Monsieur.

Il se lève et je fais de même. Comme me l'avait dit Madelynn, son père m'a convoqué à la première heure ce matin. Je lui ai décrit les événements puis il m'a présenté des excuses pour ne pas avoir réagi plus tôt. Il rajuste sa veste de costume avant de me reconduire à la porte.

—J'espère que le reste de votre séjour sera plus agréable, même si je ne doute pas qu'il se révélera très formateur dans ses bons et mauvais côtés.

Il pose sa main sur la poignée sans l'actionner avant d'ajouter :

—Si vous avez un problème, voyez avec ma secrétaire. Je vais convoquer Monsieur Dangrey et son fils, il sera bien sûr sanctionné.

Je hoche la tête. L'aura du directeur m'intimide, si bien que je suis à deux doigts d'enfoncer la porte de ce bureau afin de m' enfuir.

—Je vous laisse retourner en cours, dit-il en ouvrant finalement la porte.

—Bonne journée, dis-je avant de partir à toute vitesse vers les couloirs.

Je ne sais pas quoi penser : il n'a pas fait allusion à Madelynn une seule fois. Pourtant c'est elle qui m'a aidé, en plus de Lisa. Je décide de rejoindre le plus rapidement possible mon cours.

À peine arrivé dans la classe, Will me lance un regard meurtrier. Aucun doute, il sait déjà ce qui l'attend. Madelynn griffonne sur sa feuille sans même lever la tête alors que je m'assois à côté d'elle. Je me penche pour lui murmurer :

—Ton père... Enfin, le proviseur va convoquer Will.

Elle se redresse enfin, s'étire et me regarde avec une neutralité qui édifie un mur entre nous.

—Tu ferais bien de ne pas rester dans ses pattes alors. À moins que tu veuilles un deuxième round.

Je tente la carte de l'humour :

—Ça dépend. Tu viendras encore à ma rescousse ?

Un sourire lui échappe.

—Il serait temps pour toi de montrer aux élèves que tu peux te défendre. Sinon tu peux être sûr que ton échange ici sera un calvaire.

Je hausse les épaules et reporte mon attention sur le cours, content d'avoir pu lui parler ne serait-ce qu'un peu. Étonnamment, c'est elle qui relance la discussion.

—D'ailleurs, tu sais parler quelle langue ?

—Et bien, anglais, espagnol et français.

—Français ?

—Oui, mon père travaille dans une librairie et m'a fait apprendre à lire et écrire le français quand j'étais jeune, j'ai juste du mal à le parler.

Elle hoche la tête et s'enfonce dans sa chaise. Elle machouille le bout de son stylo et je ne peux m'empêcher de la trouver absolument magnifique. Tout comme hier dans la piscine, où je n'ai pu m'empêcher de la regarder même sous l'eau.

Elle n'a pas d'artifices, hormis son comportement glacial parfois. Elle me fait un peu penser à Kaly : hautaine avec les gens qui la sous-estime mais chaleureuse avec ses proches. Madelynn est encore très loin de l'être avec moi mais on progresse ! On s'est parlé plus de deux minutes sans qu'elle ne m'ignore.

La cloche retentit. Madelynn range ses affaires et fourre un paquet de cigarettes dans sa poche avant de partir rapidement. Sans savoir pourquoi, je la suis.

Nous sortons du bâtiment puis nous nous retrouvons dans une petite zone éloignée du reste de la cour. Elle allume une cigarette, dos à moi et crache sa fumée. Je passe alors à côté d'elle avant de lui enlever son tabac des doigts.

—Eh ! Rends-moi ça Taylor !

Je tends le bras en l'air, là où elle ne peut pas atteindre ma main.

—Hors de question, tu gâches ta santé. Je suis sûr que tu fumes juste pour faire enrager ton père.

Elle râle en sautillant en espérant attraper son bien, en vain.

—Taylor, je rigole pas ! Rends-moi ça !

—Regardez qui voilà ! Les deux petits tourtereaux !

Noah arrive vers nous, accompagné de deux mecs que j'ai déjà vu dans la bande de Will. Madelynn se retourne et lui fait face.

—Qu'est-ce-que tu veux ? Que je te remballe une troisième fois ? grogne Lynn.

Noah a un rictus malsain.

—Non, j'ai trouvé bien plus intéressante que toi. Faut dire que ce n'est pas difficile.

Madelynn enfile son masque de fille arrogante et prétentieuse. J'ai du mal à la reconnaître lorsqu'elle lui rétorque :

—J'espère que ses tarifs ne sont pas trop élevés !

Visiblement, sa remarque atteint directement l'égo de Noah qui serre les poings. Quant à moi, je me retiens de rire.

—Je viens juste t'avertir que Will vient de se faire convoquer chez le proviseur et que si ton petit ami ne veut plus avoir d'ennui il va falloir qu'il trouve une solution.

Il parle comme si je n'étais pas là. Je serre la mâchoire et m'apprête à répliquer afin de garder la face devant cet imbécile mais Madelynn me devance plus piquante que jamais.

—Ce crétin de service n'est pas mon petit ami, et si Will ou toi comptez vous venger une nouvelle fois, vous vous ferez expulser du lycée. Mon père a décidé de le couver comme un œuf, dit-elle en me désignant, alors c'est à toi de voir. Pour le reste, ne m'associe plus jamais à lui.

Sur ce, elle m'arrache sa cigarette de la main que j'avais ramené le long de mon corps, et s'en va d'un pas furieux. Noah jure dans sa barbe avant de repartir aussi. Je reste planté comme un 'crétin de service' essayant de comprendre pourquoi Madelynn a réagi comme ça.

Je retourne le problème dans tous les sens mais n'y comprends strictement rien. Elle m'a laissé l'approcher puis elle a construit un mur entre nous alors même que nous sympathisions ce matin !

Je rejoins Lisa, à qui je ne raconte pas ce qu'il s'est passé, trop concentré à essayer de trouver une raison qui ne me vient pas.

Madelynn ne m'a jeté aucun regard du reste de la journée. Elle n'a pas montré un seul instant qu'elle regrettait ses paroles ou ne les pensait pas... Anyka est restée près de moi et a essayé de découvrir ce qui me tourmentait, sans succès. Elle a su me faire oublier un court instant la rebelle. Mais une fois rentré, la boule au creux de mon ventre est revenue aussi vite que l'hiver après l'automne. J'ai passé le reste de ma soirée à tenter de respirer sans avoir un poids sur la poitrine.

Ai-je fait quelque chose de mal ? Madelynn a-t-elle toujours pensé ça de moi ? Pourquoi ça m'atteint autant ?

Je n'ingère qu'un maigre repas avant d'aller rejoindre mon lit. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais j'ai la douloureuse impression que toute la situation m'a échappé, qu'elle m'a échappé. Et ce, depuis le début.

The Goodboy & a Badgirl (Auto-publié)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant