Se voiler la face : définition

82 5 0
                                    

Madelynn

Les rayons du soleil entrent par ma fenêtre. J'ouvre doucement les yeux. Je papillonne avant de remarquer la masse qui s'étend sur moi.

Taylor...

Les événements d'hier soir fusent dans mon esprit. Ils sont encore embrumés mais la plupart me parviennent clairement. Un frisson me parcourt en y repensant. Je passe mes mains dans les cheveux en bataille du garçon qui dort encore, la tête logée dans mon cou et le bras autour de ma taille. Il sent étrangement bon. Son parfum fait naître un sourire sur mes lèvres sans que je sache pourquoi.

Je tente de reconstituer les événements mais des trous noirs s'imposent entre mes souvenirs.

D'abord la musique, la danse, Anyka et Taylor, puis Will et Noah et puis... Je me souviens simplement du moment où Anyka m'a retrouvé dans le jardin, le reste est trop flou. Probablement car il vaut mieux ne pas s'en souvenir.

J'ai un éclair de conscience en me souvenant de Taylor me tenant les cheveux pendant que je vomissais mes tripes dans une bassine. C'est tout ce dont je me souviens. J'ai sûrement dû m'endormir après avoir vidé mon estomac.

Je ne sais pas pourquoi, mais savoir que Taylor a passé la nuit avec moi me réchauffe le coeur. Et moi qui m'étais dit que j'allais l'éviter... Pourtant, lorsque Anyka l'a embrassé, c'est comme si mon monde avait arrêté de tourner une demi-seconde. Comme si je m'étais pris un coup de poing dans le ventre. Je rabats mon attention sur le garçon étendu contre moi.

Il gigote et soupire. Je retire mes mains qui lui grattaient délicatement l'arrière du crâne. Il pousse un râle avant de se mettre sur le dos à côté de moi. Sans savoir pourquoi, je referme mes yeux et fais semblant de dormir.

On dirait une enfant.

Je le sens s'étirer puis se tourner vers moi. Son regard pèse sur ma peau. Il soupire avant de me reprendre dans ses bras. Il dépose un baiser sur ma joue et pose sa tête sur la mienne.

Je me tourne pour me loger dans ses bras.

—Tu vas encore faire semblant longtemps ? chuchote-t-il avec une voix plus rauque que d'habitude.

Je le sens sourire et m'écarte de lui. Ses yeux rencontrent les miens.

—Tu peux rester encore un peu si tu veux, dit-il avant de refermer ses yeux.

Je secoue la tête.

Reprend-toi Madelynn !

Je m'écarte pour sortir du lit. Ma robe est remontée sur mes hanches, dévoilant ma culotte noire à dentelle que j'avais mise en dessous. Je m'empresse de la redescendre puis m'étire à mon tour dans un long mouvement.

—Il est onze heures passées, si ça t'intéresse, me lance Taylor, toujours dans mes draps.

—Tu devrais rentrer chez toi.

Il se redresse alors que je me tourne vers lui. Ses yeux sont légèrement écarquillés et ses sourcils froncés.

—Tu te souviens d'hier ?

—De quelle partie ? Celle où tu embrasses l'indienne ou celle où le blondinet et son chien essaye de me violer ?

Les mots sortent avec une telle brutalité que je n'arrive pas à les contenir. Ils explosent dans l'air, comme des grenades lancées au hasard sur un champ de bataille. En face, Taylor se fait violence pour ne pas répondre tout de suite. Je prends ma peine, la peur et toutes les émotions de la soirée et les transforme alors en colère comme j'ai si bien appris à le faire.

Il se lève et passe ses mains sur son visage avant de planter son regard dans le mien.

—Je te parle de celle d'après.

Sa voix trahit sa déception. Moi, je ne ressens qu'une colère aveuglante contre moi-même et contre Will.

—Celle où tu m'aides à ressortir tout l'alcool de mes entrailles ? Tu veux une médaille peut-être ?

J'attrape un élastique et m'attache les cheveux rageusement. Je m'énerve encore plus de lui faire subir mes émotions. C'est un cercle vicieux et je ne sais pas comment le rompre.

Il pousse un soupir d'agacement, attrape son téléphone et se dirige vers la porte. La main sur la poignée, il se retourne. Jamais je ne l'ai vu aussi frustré, ou en colère. Son regard trahit de la tristesse.

Ce n'est pas comme si je le connaissais vraiment, comme si j'avais voulu le connaître.

Et pourtant, j'ai l'impression que c'est le cas.

—Je ne sais pas si tu me mens ou non, Madelynn, mon prénom sonne bizarrement dans sa bouche : il le crache, comme s'il m'en voulait, mais, continue-t-il, si c'est le cas, c'est bien bas, même venant de toi.

Sur ces mots, il claque la porte de ma chambre. Je l'entends dévaler les escaliers puis claquer de nouveau la porte de l'entrée.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine, il se tord, me fait mal. Je prend la décision de l'ignorer et de laisser ma colère voiler cette douleur naissante avant d'aller constater les dégâts de la veille dans ma maison. J'enfile un short long et un pull assortis puis descends au salon.

Léo et Davis m'attendent, assis à la table du salon.

—Voilà la plus belle ! s'exclame Davis.

—Vous les avez tous virés ?

Ma salle à manger et mon salon sont presque propres. Trois gros sacs poubelle traînent mais tout est ramassé et rangé.

—Ils sont partis d'eux-mêmes vers six heures, m'informe Léo. Par contre, il faut qu'on parle.

Le ton de sa voix a changé. Je sais très bien ce dont il veut discuter. Je m'installe à côté de mon meilleur ami et lui dérobe son bol de céréales. Léo s'assoit devant moi, les deux mains rassemblées devant lui.

—Tu te souviens d'hier soir ?

L'ambiance s'alourdit en même temps que la boule qui compresse mon estomac.

—Faisons-la courte Léo, je le coupe. Oui, je me souviens de Will et de Noah. Oui je sais ce qu'il s'est passé et-

—Est-ce-qu'ils t'ont touché ? demande Léo, le ton autoritaire d'un parent.

Davis se détache de son portable et pose une main sur mon épaule. Son attitude joyeuse habituelle le quitte.

—On a besoin de savoir Lynn. S'ils t'ont fait quelque chose... Il faudrait porter plainte.

Je grogne et me détache de son emprise avant de me lever.

—Il ne s'est rien passé, je suppose que tu leur a réglé leurs comptes, pas besoin d'en parler à la police ni à qui que ce soit d'autre, dis-je avec un regard appuyé à mes deux amis. Je vais me doucher, merci pour le salon, vous avez géré.

Je ne leur laisse pas le temps de répondre et monte m'enfermer dans la salle de bain. Des gobelets y traînent. Je les ramasse et les pose dans un coin avant de m'asseoir sur le bord de la baignoire, les yeux dans le vide.

Les mains de Will, ses lèvres. Noah qui filmait. Mes pleurs, mes cris, mon corps, mon impuissance. Malgré la drogue, je me souviens de toutes les sensations même si les images restent floues. Mes entrailles se tordent de plus belle. Je passe une main sur ma cuisse que l'adolescent a empoignée. Un bleu s'y est logé. Je me lève et me poste devant mon miroir.

La sensation de la main du blond sur mon cou revient. Je passe mes mains sous l'eau froide et m'asperge le visage. Mon regard remonte vers mon reflet : j'ai des cernes, des restes de maquillage et un teint affreux. Je soupire puis me rassoie, cette fois-ci par terre, le dos contre le mur. Ma tête tournée vers le plafond.

Les larmes montent et menacent de couler.

Je suis plus forte que ça. Ça n'a pas d'importance. Non, aucune importance.

Et pourtant, les perles d'eau salée roulent sur mes joues.

The Goodboy & a Badgirl (Auto-publié)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant