Prologue

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Madelynn

Les cheveux au vent, j'observe les vagues s'écraser sur les rochers. La brise du printemps caresse ma peau. Je mets mes lunettes de soleil et regarde l'horizon. Les dernières vacances s'achèvent. Plus que quelques mois avant la fin de ce calvaire. Une pause, pour tout reprendre comme un cycle, avec cette fois-ci l'examen final qui définira mon avenir. Je serre les dents.

Plus qu'un an avant que je me barre d'ici. Loin, très loin.

L'écume poursuit ses allers-retours sur la roche tandis que je me perds dans mes pensées. Partir, mais pour aller où ? Le plus loin possible, oui, mais où ? Pour faire quoi ?

Probablement dans une université en Europe ou quelque chose dans le style. Je n'ai aucune idée de la voie professionnelle que j'emprunterai, c'est d'ailleurs ce qui occupe mes pensées parfois, avant que je n'envoie ces interrogations valser dans le tourbillon de mon esprit.

J'inspire et ferme les yeux. J'aurais tout le temps de me poser mille et une questions quand je me retrouverai enfermée dans une des foutues salles de classe de mon très cher père, proviseur du Westminster Union HighSchool. Je frissonne de dégoût quand je pense aux couloirs, aux professeurs, aux élèves tous plus débiles les uns que les autres. Toute cette mascarade me donne la nausée si bien que je chasse ces pensées de mon esprit pour me concentrer sur le long terme : partir et acquérir ma liberté.

Le coucher de soleil que j'ai sous les yeux ne changera pas, peu importe où je serai dans le monde. Lui, il est authentique. C'est un tableau insaisissable mais répétitif.

Quelque part où le Soleil se couche sur l'eau.

Voilà où j'irai, à un endroit où je pourrai contempler ce spectacle tous les jours de ma minable vie.

Je sors mon téléphone et prends, comme à mon habitude, une photo du paysage. J'en ai une cinquantaine comme ça, mais elles sont toutes différentes, toutes singulières à leurs manières, elles ont toutes ce quelque chose qui les différencie des autres. Dans un monde où l'on cherche à former de gentils clones sages, je me raccroche au peu de choses qui n'ont pas succombé à la main de l'Homme. Une emprise sous laquelle je me débats, sous laquelle je mords, je hurle et m'arrache.

Je suis comme l'étoile : aveuglante, brûlante d'une colère envers le monde qui finira par me détruire et le détruire aussi. Aussi loin des autres et de leurs réalités que le Soleil l'est de la Terre. J'aime me dire que chacun de mes rêves est unique, tout comme ce panorama changeant chaque soir et chaque matin. Reste encore à pouvoir les atteindre, mais avant ça, à les connaître.

Taylor

Je ferme les volets de ma nouvelle chambre. La famille des Berkley m'a mis dans un confort que j'ai rarement connu. Le voyage en avion m'a exténué et le jetlag est plus rude que je n'y étais attendu. Mais lorsque j'ai posé les pieds en Amérique, toute la fatigue de mon corps s'est dissipée derrière mon excitation.

Cependant, une fois arrivée dans ma chambre et les présentations avec Madame Berkley faites, cette même fatigue est revenue aussi vite qu'elle a disparu.

J'examine mon environnement en tenant mes yeux ouverts malgré leur envie de se fermer. J'ai un écran plat dans un coin de ma chambre -une norme apparemment dans ce pays- et une penderie bien trop grande pour moi. Mia miaule sur mon oreiller : la chatte du foyer s'approprie le second coussin de ce qui est maintenant et pour les deux mois à venir, mon lit.

Avant de refermer totalement les abattants, j'observe la lueur du crépuscule au loin. Je respire une bouffée d'air avant de consigner la fenêtre pour la nuit.

Les néons bleus accrochés au mur ressortent et éclairent l'espace. Ma valise, toujours remplie, gît sur le sol attendant que je la vide. Je me contente de la tirer dans un coin de la pièce. Je ne trouve pas la motivation de faire quoi que ce soit et finis par m'effondrer sur le matelas. Je m'étends sur mes draps puis passe une main dans mes cheveux avec de tourner la tête vers Mia, qui est visiblement plus calme que moi. Je caresse son pelage gris et me redresse.

Mon cœur bat vite, le mélange de stress et d'excitation me noue l'estomac depuis des heures. Je lâche un juron et m'assène de petites claques.

Aller Taylor, tu as tellement travaillé pour arriver jusqu'ici.

Je me lève, inspecte pour la sixième fois de la soirée mon sac de cours. Je finis par retourner à mon point de départ. Assis sur le lit, je lis les messages de ma sœur, de ma mère et de mon père sur notre groupe de discussion familiale :

"-Aller mon grand ! Tout va bien se passer !

-Mon petit chéri ne t'inquiète pas, profite ! On t'aime très fort !

-Eh frérot, n'oublie pas de me ramener des colliers en dents de requin ! Bonne chance !"

Je souris et leur réponds :

"-Merci, je vous aime aussi. (Et Kaly je t'ai déjà dit qu'il n'y avait pas de requins ici, je ne suis pas à Hawaï)"

Je pose mon téléphone, enlève mon t-shirt et mon bermuda avant de m'allonger sur le matelas. J'ai l'impression d'être sur un nuage, rien à voir avec la vieille couchette usée que j'avais à Waterford, en Irlande.

Je culpabilise en pensant à mes parents, toujours fourré dans notre appartement miteux, encore que Kaly doit être ravie de récupérer ma chambre pour un peu plus d'un mois. Ma mère m'avait pourtant dit que j'avais mérité cet échange, et pourtant, je ne suis pas sûr d'être réellement à ma place ici. Je secoue la tête, bannissant cette réflexion. Toutes les heures supplémentaires à la boutique, toutes les révisions, les bonnes notes, les services rendus et les petits boulots... Tout ça en valait la peine et je dois en profiter à présent. J'ai dû monter ce projet moi-même il y a presque un an et travailler pour obtenir l'argent nécessaire. Mes parents ont bien tenté de m'aider mais le maigre salaire de mon père suffit tout juste à nous faire vivre à quatre dans un petit logement en banlieue de Waterford, là où mon père travaille en tant que libraire dans son petit magasin méconnu.

Mon cœur se sert en pensant qu'il va devoir faire face à toutes les livraisons et le travail seul, sans mon aide... Je pousse un soupir en tentant de rassurer mon esprit trop protecteur parfois.

Papa et Maman m'en voudraient de trop réfléchir et de gâcher cette opportunité.

Je m'arrête là-dessus et éteins les lumières, espérant trouver le sommeil avant l'aube. Sans grands espoirs.

The Goodboy & a Badgirl (Auto-publié)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant