Supplément bougie sur votre pizza ?

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Madelynn

J'envoie enfin le mail accompagné de l'exposé à mon professeur. J'y ai passé toute l'après-midi ! Il est composé en grande partie de copier-coller mais je ne me voyais pas le faire avec Noah ou Taylor.

Qu'est-ce que j'ai oublié ?

Cette question me turlupine depuis que Taylor m'a laissé. Et j'ai beau chercher dans ma mémoire, le voile flou masque tout ce qui s'est passé après l'arrivée d'Anyka dans le jardin.

Je m'écarte de mon bureau sur lequel je travaille depuis ce midi pour aller dans la cuisine. J'ai réussi à finir de tout ranger et nettoyer en une heure après le départ des garçons. Mon père va probablement rentrer dans la journée, ou pas d'ailleurs, je n'en sais rien. Je préfère faire comme si la soirée n'avait pas eu lieu. Pour éviter sa colère et aussi pouvoir fuir les souvenirs qui me reviennent trop souvent pour que je les ignore.

J'attrape le pichet de limonade afin de me servir un verre. Je pars vers le salon d'été.

Le soleil est radieux, les jours s'allongent de plus en plus. Je m'installe dans une chaise œuf suspendue et sirote ma boisson.

C'est si paisible...

Les oiseaux chantent, les fleurs éclosent. Le printemps et sa vague de nouveautés s'est installé dans le jardin. Les parterres de fleurs longeant la maison colorent l'herbe verdoyante, fraîchement tondue.

Mon regard dérive vers l'arbre contre lequel Will m'a plaqué. Contre lequel il m'a... Le mot ne se forme pas dans mon esprit.

L'oranger paraît sombre, terni par les nuages passant devant l'astre. Mon regard se bloque dessus un instant.

Mon verre m'échappe et se brise sur le sol. Le liquide coule entre les planches de la terrasse. Je n'avais pas remarqué que mes mains tremblaient.

—Madelynn ? appelle une voix depuis le salon.

Je reste figée, le temps s'arrête et les images défilent devant mes yeux. Ces mains, ces lèvres, cette violence...

—Madelynn ! Tu vas bien ? s'exclame mon père en sortant. Ne bouge pas, je vais enlever les bouts de verre et attraper tes chaussons !

Il se précipite à l'intérieur.

Il manquait plus que ça.

Je descends prudemment de mon cocon, en évitant de justesse les petits bouts de verre. J'arrive à la baie vitrée sans problème.

—Tu ne t'es pas fait mal ? me demande mon père, un balai et mes chaussons à la main.

—Non, tu m'as surprise en rentrant, c'est tout, dis-je simplement avant de rentrer.

Ça ne lui ressemble pas d'être aussi soucieux. Et je ne tarde pas à connaître la raison de cette soudaine tendresse :

—Je vais dîner avec le conseil éducatif la semaine prochaine. Je ne pourrai pas être là pour ton anniversaire, dit-il sans détour.

Jamais il n'a fait "un détour" pour prendre les gens avec des pincettes, encore moins sa propre fille. Je ne me retourne même pas et hausse les épaules.

—C'est pas grave, t'inquiètes.

J'ai l'habitude.

Je ne dis rien de plus et je finis par monter dans ma chambre après un bref silence. Ça doit bien faire quatre années que nous n'avons plus fêté mon anniversaire.

Avant, ma mère se donnait tout un plaisir à faire une fête, à inviter toute la famille et à cuisiner pendant des heures des gâteaux colorés. Notre jardin s'animait avec des enceintes qu'elle louait et elle faisait même venir des clowns ou des danseurs. Je n'avais pas beaucoup d'amis, voire aucuns, donc elle conviait la famille avec laquelle j'étais proche.

Mais depuis qu'elle est partie, mon père fait livrer des pizzas et met une bougie dessus lorsqu'il est là. Mais comme depuis quelques années il doit s'absenter, il s'efforce d'être aussi doux qu'un agneau pendant les jours qui suivent mon anniversaire et à défaut de prendre le temps de m'acheter un cadeau, il me donne une belle somme d'argent.

Certains membres de ma famille appellent, parfois. Mais je n'ai jamais reçu de cartes d'anniversaires ou d'invitations à venir séjourner chez eux quelques jours pour passer du temps avec eux.

Comme si j'étais morte avec ma mère.

Je soupire et m'étale sur mon matelas, en me demandant ce que je pourrai faire cette année.

Léo passe son week-end avec d'autres coachs pour suivre une formation, quant à Davis, il va probablement sortir en boîte. Mais je n'ai vraiment pas la tête à aller danser.

Je roule sur le côté puis pose ma tête sur mon bras.

Je crois que je vais me rabattre sur une pizza cette année encore.

Je tente de voir le bon côté : je pourrais toujours aller m'acheter des vêtements bien trop chers pour moi ou aller m'offrir un soin dans un spa. Aucune de ces idées ne m'attire.

J'aimerai bien pouvoir le fêter avec quelqu'un, avec ma mère...

Je refoule la tristesse naissante dans ma poitrine et reprends mon attitude habituelle : désintéressée.

Je décide de lire un peu avant de me faire une petite manucure. Mon père ne vient pas me saluer lorsqu'il repart, un peu plus tard.

Je traîne le restant de l'après-midi sur Internet. En passant dans ma boîte mail, je remarque une réponse au message envoyé à mon professeur.

Bonjour Mademoiselle Parker,

Ce travail est incomplet et copié sur les articles disponibles sur Internet. Je ne vous sanctionnerai pas si vous m'envoyez un autre devoir avant le délai de deux semaines fixé à la classe.

Vous êtes libres de changer de sujet, mais vous devez le faire avec votre trinôme.

Bonne soirée.

Je supprime ce courrier rageusement. Et c'est évidemment à ce moment-là que mon téléphone vibre. Un message de Taylor :

"-Il faut qu'on se penche sur le devoir à rendre, quand est-ce qu'on peut se voir ?"

Je soupire et passe une main dans mes cheveux. Le week-end s'achève et il nous reste une semaine pour le faire. Je réponds :

"-Jeudi après-midi au CDI, on a deux heures de libres."

Il m'envoie une réponse dans la seconde pour confirmer. Si on arrive à le finir en deux heures ça sera un miracle, mais on peut toujours essayer.

Je referme mon ordinateur portable. La soirée pointe le bout de son nez lorsque je me décide à descendre voir ce que je vais manger pour le dîner.

Un billet de vingt dollars trône sur le plan de travail. Je l'attrape et le mets dans la poche de mon short.

Je jette un coup d'œil aux placards et au réfrigérateur. Je sors ce dont j'ai besoin pour cuisiner des tacos et me mets au travail.

Au moins, j'ai gagné vingt dollars et je vais bien manger ce soir !

J'ouvre le frigidaire pour y attraper une canette de bière. Je bois raisonnablement, attendant que l'alcool allège le poids sur mon ventre et embrume mes pensées.

Je lance ma playlist et me dandine tout en préparant mon repas. La solitude qui appuie sur mes épaules disparaît et j'oublie presque tous mes tourments.

The Goodboy & a Badgirl (Auto-publié)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant