P.d.v. de Salif
"Le sujet de mathématique était abordable. Tout le monde le savait et je pouvais deviner que tu avais bien bossé rien qu'au sourire que tu m'avais servi quand tu était sortis de la classe.
J'avais fini plus vite que toi et attendait devant la salle où Élisa me faisait part de la soirée organisée chez Babacar dans la soirée et qui la stressait parce qu'elle n'avait rien à se mettre.
Oui, c'est en général ce genre de trucs que m'apportait Élisa comme sujet de discussion de couple la plupart du temps et bon il faut avouer qu'elle faisait en quelque sorte partie des raisons pour lesquelles je n'aimais pas trop aller en cours.
Ses conversations se limitaient aux fringues qu'elle devait mettre, à la nouvelle robe qu'elle voudrait s'acheter ou du jean démodé qu'avait mis tel ou tel élève.
Elle se souciait un peu trop de son apparence et ce jour là, j'avais compris qu'elle n'était pas la seule puisque Daba et Yahara qui avaient rejoint notre conversations discutaient également de modes: sac, chaussures; coiffure...
Il semblait qu'à ton âge, c'était la seule chose qui intéressait les filles...sauf toi, Matel.
Toi, tu avais des préoccupations plus importantes.
Toi tu réfléchissais à comment gérer tes études et ta maladie.
Tu m'avais plutard confié que ton objectif principal était d'obtenir ton bac car ç'aurait été pour toi un moyen de marquer ton existence.
Tu voulais laisser ton empreinte sur cette terre, tu ne voulais pas être du néant.
Tu voulais que l'on se souvienne de toi et surtout tu voulais que Ndeye Khar, ta petite sœur qui te voit comme son idole garde un bon souvenir de toi quand tu ne serais plus là.
D'accord, écouter Élisa me parler de vêtement me saoulait indéniablement.
Mais je savais qu'un tel sujet m'ennuyerait moins s'il était développé par toi.
Au contraire, ça m'aurait grave enchanté de te voir t'intéresser des mêmes sujets que les filles de ton âge: pour moi, ç'aurait signifié te voir vivante, vivre.
Oui, vivre le peu de temps qu'il te restait. Oublier ta maladie pendant un instant et être toi: Matel, la jeune fille de 18 ans en classe de terminale comme toutes les 19 autres de notre promo.
J'essayais.
Et c'est ainsi que m'étais venu l'idée de t'inscrire au concours de beauté annuel organisé par le lycée à l'occasion des journées culturelles.
Le responsable était venu me voir pour me dire qu'il voulait que ce soit Élisa et moi qui représentions la classe. Bien-sûr, il n'était pas convaincu que j'allais accepter puisqu'on avait débattu à ce sujet et que j'avais souligné que je trouvais cette compétition ridicule surtout pour un garçon.
Sauf que j'avais pensé qu'il n'y aurait pas eu meilleur moyen pour te faire dé-stresser et penser comme une fille de ton âge que ce concours.
Donc j'avais accepté à condition qu'à la place d'Elisa, ce soit toi la fille qui se présente avec moi et comme il avait saisi les raisons pour lesquels je tenais à ce que tu participes, il avait accepté.
Il ne restait plus qu'à te convaincre et ce n'était déjà pas tâche facile.
Il m'a fallu des jours à essayer de te faire accepter et ai dû te sortir le discours comme quoi être couronné à ce titre était pour toi un moyen de marquer ton empreinte dans ce lycée.
Parce que le lycée avait pour coutume de mettre chaque année la photo des gagnants sur le mur du rez-de-chausse du bâtiment des premières et à cet effet, je t'avais dit:
"Imagine qu'on dise, des années plutard, que la miss 2017 était une fille extrêmement forte car cette année, elle avait non seulement gagné ce prix mais en plus elle avait obtenu son bac et tout ça en se battant contre une très grave maladie qui la tuait à petit feu. Tu seras une légende Matel!"
Bien-sûr, la tête de mule que tu étais n'étais pas du tout embobinée par ça, alors j'avais infatigablement repris:
"Dans ce cas, imagine des années plutard Ndeye Khar, ta petite sœur, étudier dans ce lycée, franchir tous les jours les portes de ce bâtiment en tombant sur ton sourire. Imagine la se vanter devant ses amis en leur montrant ta photo tout en leur disant: la miss 2017 c'était ma grande sœur, la fille la plus belle, la plus intelligente et la plus forte que j'ai connu."
Je t'avais vu moins formel dans ton refus suite à ça et suis arrivé à te convaincre après d'autres tentatives.
Parmi celles-ci, figurait la fois où j'avais profité d'un jour où tu étais absente pour m'adresser à toute la classe.
Je leur avais expliqué ce que pouvait représenter ce titre pour toi, comment une chose aussi insignifiante qu'un concours de beauté au lycée pouvait être importante pour toi.
Non parce que tu y accordai toi-même cet importance, mais que nous tous, nous pouvions le rendre mémorable en l'honneur de la magnifique personne que tu étais et qui bientôt n'allais être qu'un souvenir.
Alors je nous avais proposé de tous nous serrer les coudes pour toi, pour te faire vivre; t'amuser.
Tout le monde a été d'accord, sauf Élisa qui n'était même pas présente mais toute la classe était déterminée à t'aider.
Et à partir de là, mon objectif était de me rapprocher de Daba, et à nous deux, nous étions décidé à te faire gagner ce concours, à te faire vivre Matel."