chapitre 4

654 152 2
                                    

P.D.V. de Salif

"Je me souviens encore de ce mercredi matin, quand je suis entré dans la classe et que nos regards se sont croisés.

Tu étais enfin réapparue, tu étais enfin revenue.

J'étais tellement soulagé qu'un petit sourire s'était dessiné sur mes lèvres et force est d'admettre que j'étais à la fois surpris et heureux sans aucune raison que tu me l'aies rendu.

Ce jour là, tu avais l'air...différente.

Ça se voyait que tu étais toujours convalescente, tu avais davantage maigri, le teint légèrement pâli et les yeux un peu approfondi, mais paradoxalement, ils étaient brillants.

Tu étais...un peu plus joviale, plus souriante et je me serais assis à côté de toi si Malik n'était pas à cette place pour te faire la conversation.

Bien-sûr, je regardais tout le monde venir à toi et te demander comment tu allais.

Et je te voyais répondre que tu te sentais très bien avec ce sourire qui contestait avec l'état de ton corps.

Je devais faire comme eux, je le savais mais j'avais préféré la carte de l'indifférence.

Je sais, tu m'as toujours taxé de bipolaire mais à cet instant, je t'avoue que je me trouvais moi même ridicule, parce que...j'étais un peu jaloux.

Tu étais au centre de l'attention de toute la classe et pour la première fois, tu n'étais plus la fille mystérieuse qui se mettait toujours derrière; tu étais celle dont tout le monde allait s'enquérir de l'état de santé.

Et je n'aimais pas te voir comme ça.

Moi je te voulais réservée parce que comme ça, je ne t'avais que pour moi.

Surtout que tu ne m'avais plus accordé ne serait ce qu'un regard.

Les élèves s'étaient portés volontaires pour t'aider à recopier tes cours et ça m'était tellement insupportable que j'avais quitté le cour d'anglais avant l'heure.

Je ne te connaissais pas si bien que ça, mais j'imaginais déjà l'état dans lequel l'intello que tu étais devait se sentir en ratant deux semaines de cours surtout que deux devoirs étaient prévus en fin de mois...

Les cours devaient se terminer vers quatorze heures ce jour là hors moi, je ne rentrais jamais avant dix huit heures.

Simplement parce que je n'aimais pas rester chez moi.

Alors où t'en allais-tu quand tu n'étais pas en classe me demandas-tu plutard: et bien j'allais chez Babacar, dans notre appartement.

Ayant quitté la salle, je m'étais réfugié au "jardin": ce petit coin du lycée derrière le bâtiment des secondes qui était en quelque sorte notre repère à nous les "thugs" de l'école.

Il est rarement vide et ceux qui ont l'habitude de le fréquenter y passent tellement de temps que c'était devenu une sorte de club.

On y rencontrait des élèves venus avec leur matos pour faire du thé, d'autres pour fumer un joint, pour certains couples, c'était l'endroit idéal pour avoir un peu d'intimité aux heures de classe, surtout les lundis et j'y allais très souvent avec Élisa en fait.

Mais il n'y avait pas que les mauvais élèves là bas. On y rencontrait également ceux venus lire, et des scientifiques qui s'y cassaient la tête avec leur exo de sciences.

Je m'y étais rendu pour savourer un peu de musique avec des potes: ceux dont je t'ai parlé et qui y faisaient un bon thé à toute heure.

Je me souviens que ce jour là, on avait un peu débattu sur le rap sénégalais mais j'y avais pas vraiment duré.

On avait des devoirs pour la fin du mois alors vers seize heures, fin des cours, je suis retourné en classe, certain qu'il n'y aurait plus personne histoire de réviser un peu.

Mais à ma grande surprise, quand j'y suis arrivé, la première chose que j'avais remarqué, c'était cette silhouette familière assise à cette même table du fond en train de recopier je ne sais quoi depuis son portable, les écouteurs aux oreilles.

Tu étais tellement concentrée que tu n'avais pas remarqué que je m'étais approché pour voir ce que tu faisais.

Et force était d'admettre que j'étais bluffé par l'ingéniosité que tu as eu de photographier les cours que t'avais raté pour pouvoir les recopier sans problème.

Tu avais senti ma présence à cet instant et avait légèrement sursauté quand tu as levé ton regard vers moi pour ensuite enlever tes écouteurs et me lancer un regard interrogateur et las à la fois:

-Jure, tu viens de remarquer ma présence?

T'avais-je demandé quand tu avais levé les yeux au ciel pour me répondre:

-J'étais concentrée, ça ne se voit pas?

-D'où on a besoin d'être concentrée de la sorte pour recopier un cours? Hum?

-C'est quand on essaie d'apprendre par la même occasion. D'accord? Je peux me reconcentrer maintenant?

M'avais- tu demandé d'un ton sarcastique et devant lequel j'avais souris en m'installant au table-banc juste devant tout en me tournant de sorte à être en face toi.

Au début tu avais voulu m'ignorer, les écouteurs aux oreilles et les yeux baissés sur ton cahier alors que je te fixais.

C'était la toute première fois que je voyais ton visage d'aussi près et il en était encore plus beau.

Pour la première fois, je remarquais combien étaient si bien dessinés tes sourcils, à point qu'on aurait juré qu'on les avait repassé au crayon, le rose de tes paupières englobant tes yeux qui semblaient plus grands qu'ils n'y paraissaient et encore ses lèvres bruns qui contrastaient avec ton teint.

A te décrire ainsi on devine à quel point tu étais belle, malgré les boutons d'acné nés sûrement de ta récente maladie mais ce qui m'a le plus attiré sur ce visage, c'était ce grain de beauté juste entre ton nez et ta bouche: parce que ma mère en avait le même et je l'ai toujours importuné pour savoir d'où ça venait par ce que depuis petit, ça m'intrigait...

- Tu veux quelque chose, Salif?

Entendu-je ta voix empli d"insolence me demander après que tu aies retiré tes écouteurs pour lever tes magnifiques yeux vers moi."

Comme L'éclairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant