- 5.2 - Léger (version romancée)

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Comment... Comment expliquer que tout ait disparu ? Je me sentais doucement glisser dans une crise terrible, anxiogène, inquiétante. Elle me faisait peur, cette crise. Terriblement peur. La première fois que je ne suis pas seul. La première fois qu'elle est provoquée par une telle distension dans mon esprit. La première fois qu'elle s'arrête sans que je ne m'évanouisse.

Cette légèreté n'est rien d'autre qu'une apesanteur. Le temps s'est suspendu en même temps que l'espace. Je ne bouge plus, craignant de briser cet instant de grâce durant lequel j'échappe enfin à une de mes bouffées d'angoisse. Je ne bouge plus, par peur de perdre le contact qui nous lie, maintenant, sa peau contre moi. Je ne bougerai même plus jamais si je le pouvais.

Mon absence de réponse aurait dû l'éloigner. Non. Il est là. Il m'enserre entre ses bras. Il a sa tête dans mon cou. Torse nu, toujours, sa peau vient se frotter contre mes vêtements, contre le début de mon torse légèrement accessible, contre mon visage. Ce ne sont pas mes mains qui caressent son dos, mais bien son corps tout entier qui vient se placer sous mes doigts. Les battements de son cœur sont perceptibles tant la pression que son être entier exerce sur moi est forte. Chacun d'entre eux semble me dire ne pars pas. Je suis enfermé dans une prison dorée dont les barreaux sont les membres d'un homme dont je ne connais même pas le nom de famille.

Décidément, ma vie est une succession de sauvetages. Les hommes de ma vie, plus précisément, m'ont sauvé. Mon père, mon meilleur ami, Grégoire. Récemment Samuel. Maintenant Clément. Serais-je né pour être sauvé, alors que je ne sais pas même dire merci ou désolé sans me forcer ? C'est aussi pour cela que j'ai choisi de rejoindre la police. Pour sauver ceux qui ont besoin de l'être. Quitte à laisser les autres me sauver moi.

Le temps recommence à s'écouler doucement. Tout doucement. Tranquillement. Clément continue de me serrer fort, mais sa tête coulisse pour que nos lèvres puissent se rencontrer. Les siennes débutent un mouvement doux, sublime. Je découvre la saveur d'un nouveau baiser, qui n'a plus rien à voir avec notre soirée ou même avec la fougue de ce matin. Ce troisième vrai baiser est en même temps une bouée à laquelle je me raccroche et une ancre qui ne cesse de s'enfoncer en moi. Il me permet de m'envoler, de m'abandonner à Clément tout en creusant un peu plus encore la proximité que lui et moi avons.

Les secondes reprennent leur place, Clément relève la tête, me regardant dans les yeux, comme si nos âmes pouvaient transparaître au fond de nos pupilles, imprimées sur nos rétines. Même si tout semble reprendre place dans mon esprit, je ne vois que lui, le reste de ma chambre étant inexistant. « Ne pars pas ». Ce ne sont pas les battements de son cœur qui s'exprimaient, mais bien sa bouche toute entière qui répète ces trois mots. « Ne pars pas ».

Les sphères transparentes qui frôlaient ma peau le long de mes joues sont écrasées par les doigts de Clément, qui attend désespérément une réponse. Il est si doux, si calme. Comme s'il savait que le moindre mot pouvait me faire définitivement partir. Et pas seulement de cette chambre, de cette ville et de ce pays.

« Je suis là ». Douze secondes passent. J'articule enfin... « Clément ». « Toujours là ». Encore des dizaines de secondes. « Clément... Merci ». A ces mots, ce sont ses yeux qui commencent à être débordés. Je le refuse et les embrasse. Maladroitement, ce qui lui arrache un sourire. Clément ouvre mon lit, défait délicatement ma chemise et mon pantalon pour me porter sous les draps. En m'embrassant sur le front, il m'abandonne pour rejoindre la salle de bains.

Un verre d'eau à la main, qu'il porte à ma bouche, il essaie de sourire. Il n'en a pas le cœur. Pas encore amoureux et déjà je le fais souffrir.

« Je suis là, Julien. Je peux m'en aller, rester, te préparer à manger, comme tu veux.

Hommes de Loi (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant