Plusieurs jours étaient passés après l'assassinat de Stéphane. La sécurisation de l'Hôtel de Police et du Palais de Justice – un comble ! – avait pris plus de temps que prévu. Par choix, j'étais resté à l'hôtel, alors qu'un logement de fonction m'était enfin attribué. Lorsque j'avais reçu l'appel qui me l'annonçait, un voile gris s'était déposé sur les yeux de Clément. Il voulait que je reste. Ainsi, pour que le commissariat n'ait plus à payer ma chambre, il m'avait proposé, avec une délicatesse et une précaution particulièrement amusantes, de le rejoindre dans sa chambre, au dernier étage.
Lorsqu'ils avaient repris l'hôtel, il y a deux ans, les amis et la fratrie avaient fait le choix de rénover le hall, ce qui était une réussite, puis les derniers étages pour continuer à descendre au fur et à mesure. C'est ainsi que je quittais ma chambre médiocre pour rejoindre une superbe suite, installé avec le propriétaire du gîte. Chaque soir, et parfois en journée, j'avais l'occasion d'en apprendre un peu plus sur mon flirt.
Clément Riel, 22 ans. Lorsque j'ai enfin appris son âge, j'avoue avoir eu peur. Entiché d'un commandant de police de sept ans son aîné, je craignais soudainement de n'être qu'un fantasme passager sur un homme plus âgé. Je m'étais trouvé ridicule à ce moment-là, d'avoir pensé ça, tout simplement parce que Clément était allongé contre moi ; et surtout parce qu'il était aussi âgé que moi en réalité. Il a tellement vécu, à l'armée, en reprenant à 20 ans l'hôtel.
Clément était, de ce que j'ai compris, un excellent élève mais n'était obsédé que par l'armée et la liberté. Incompatibles à mes yeux, mais soit. Quelques années sur de lointains théâtres d'opération alors que les garçons de son âge étaient en train de flâner (étudier ?) sur les bancs de la fac ou bien d'éprouver le monde du travail. A son retour, l'occasion d'être libre, indépendant, sans chef, s'est présentée et le voici propulsé à la tête de cet hôtel.
Ces quelques jours ont été l'occasion de rattraper l'avance prise sur le plan intime et sentimental. Plus rationnellement, nous avons échangé nos premiers dîners, nos premières anecdotes et, dans le même temps, nos premières nuits ensemble. J'ai pu faire la connaissance de sa sœur, qui avait bien compris le manège depuis le début, ainsi que ses amis. Bref, nous démarrons une relation sans pour autant avoir encore parlé de couple ou d'amour. Nos corps et nos cerveaux ont déjà été très rapides, nous laissons nos cœurs se reposer pour le moment. Quoi qu'il arrive, je refuserais d'être en couple tant qu'il ne saura pas tout sur moi.
L'intensité de nos échanges compensait le silence morbide qui accompagnait le reste de mes relations. Samuel m'avait prévenu, au moment où le chômage technique s'abattait sur nous, qu'il serait le premier à me rappeler. Encore une fois, je comprends ses envies de solitude. Je suis passé par là. Isabelle était furieuse de se sentir inactive, sans compter la tristesse qui se répandait au fil du temps. Je l'appelle tous les jours, pour la maintenir à flots. Quant au commissaire, il est en lien avec le Ministère pour en savoir plus sur les avancées de l'enquête.
Silence, également, du côté de Thimothée. Il n'est plus connecté sur Grindr, et n'a donc pas vu mon dernier message. Je ne l'ai pas croisé. Clément m'a assuré qu'il avait payé sa chambre pour le mois, sans qu'il n'ait utilisé la note pour le restaurant ou le bar, pour le moment. Je regrettais un peu notre rencontre. Non pas que j'aurais voulu qu'il n'existe pas, au contraire. Je suis quelque peu déçu que nous n'ayons pas pu apprendre à nous connaître.
Ne restent alors que Marc et Favian, qui ont été, tout simplement, formidables. Alors qu'ils étaient de l'autre côté de l'Atlantique, l'un ou l'autre ne cessait de m'envoyer des messages, voire de me proposer un Skype pour qu'ils puissent s'assurer que j'allais bien. Ils sont rentrés ce matin d'ailleurs, et je les attends pour que nous déjeunions ensemble au restaurant de l'hôtel. Evidemment, Clément sera là ... au service. La blague me plaît déjà.
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Hommes de Loi (B&B)
RomanceParfois la vie nous ramène dans le passé, là où tout a commencé : Julien Daviau revient là où il a fait ses premiers pas. Mais tout a changé : homosexuel assumé (quelquefois dépravé), désormais commandant (aux méthodes souvent contestables mais tou...