- 10.1 - Evanoui (version romancée)

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« Julien... Réponds moi s'il te plaît... Julien... »

Un lourd bruit se fait entendre. Une gifle siffle.

« Enfin Julien... Tu m'as fait peur... »

Clément me regarde, les yeux grands ouverts, visiblement inquiets. Samuel est à ses côtés, ainsi qu'Isabelle. C'est un peu stressant. Ils me font peur. J'ai l'impression d'être un malade que l'on observe dans son lit d'hôpital. Ils sont penchés, là. C'est étrange.

Je regarde autour de moi. Le deuxième étage. Le bureau de Samuel. Le commissariat. Je suis toujours sur cette chaise. Toujours les pieds sur le bureau. Je m'étais endormi. Juste après avoir regardé par la fenêtre.

« Je t'ai appelé des dizaines de fois, sans que tu ne répondes... Je me demandais où tu étais... »

La voix de Clément est enrayée. Sa mine défaite. Son air triste. Je leur ai fait une frayeur visiblement...

« Et vous ne vouliez pas vous réveiller, surtout... »

C'est Isabelle qui prend le relais, venant confirmer définitivement mon impression. Ils ont dû croire que j'étais mort. Dommage, quand même, de mourir au deuxième étage du commissariat. Moi qui ne le supporte plus. Je voudrais juste partir maintenant. Je crois que j'en ai besoin.

« Je m'étais juste endormi, leur souris-je.

— Un sommeil lourd alors... s'inquiète Samuel.

— Désolé pour ton bureau d'ailleurs, Sam, dis-je à Samuel dont le surnom le fait sourire.

— Je peux vous demander, Julien ? s'enquiert Isabelle.

— J'écoute !

— La conférence de presse... Vous vous sentez capable ?

— Ai-je seulement le choix, Isabelle ?

— Je ne crois pas... »

J'aurais finalement voulu rester dans mon lourd sommeil. Quoi que. Mon rêve me revient. Clément me trompant avec Adrian. L'horreur. J'aurais voulu mourir. C'était ça peut-être. Oui. J'ai dû dire ça. Comment ai-je pu imaginer qu'ils puissent me mentir ainsi. Mon inconscient me joue des tours et je commence à me faire peur. A moi-même. C'est dire.

Je me lève, ajuste mon costume pendant que Clément me passe une cravate autour du cou. Il en profite pour laisser traîner ses doigts le long de ma peau. Il est l'as des caresses. Je ne m'en lasserais jamais. Vraiment. Son regard ne croise jamais le mien, il est attaché au nœud de cravate qu'il s'efforce à faire.

Je rejoins lentement Isabelle dans le couloir, puis descends accompagné de mon escorte personnelle. Je souris à mon propre jeu de mots. C'est assez pathétique à vrai dire. Mais je me détends malgré tout. Il faut bien que j'y arrive. La salle est bruyante alors même que nous sommes à plus de cent mètres.

Chaque pas semble m'amener au bord du précipice. La salle est bleue. Comme si toutes les salles de presse étaient de cette couleur. Je ne comprends pas pourquoi. Le bleu ne me rassure pas. Pas du tout. Il me fait penser à une peur bleue. Je me rends compte moi-même de l'absurdité de mes pensées. Rien ne parvient à les éviter. Pas même les yeux de Clément posés sur moi.

J'ai du mal à oublier mon rêve. Ou plutôt mon cauchemar. Les détails étaient si forts, si puissants. Je pourrais presque imaginer la scène. Un frisson remonte le long de mes reins pour atteindre mon cou. L'idée que Clément puisse désormais toucher une autre peau que la mienne me rend malade.

Je suis derrière la porte. Ils ne peuvent pas encore me voir. Je respire. Isabelle m'a donné la version officielle de notre intervention. Le ministère a réussi à lever les sanctions contre elle. Et surtout Thimothée va reprendre une vie normale. Je dois donc oublier ces détails. Tout comme les écarts de Samuel. Bref, je dois sauver la face pour tout le monde. Sauf moi. Comme d'habitude.

Hommes de Loi (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant