- 2.3 - Perdu

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Pas une autre fois, par pitié. Je ne supporterai pas. Toutes ces morts sur ma conscience la feront s'effondrer sur elle-même. Ce n'est pas possible. Que le ciel soit vide ou rempli, que sous nos pieds l'enfer soit une réalité ou une illusion, j'ignore qui s'acharne contre moi. Pourquoi faut-il toujours que le simple contact avec ma personne soit fatal. Je suis abasourdi.

Soudainement, je reprends conscience. Il a dit « je vais m'occuper de toi puis de ton collègue ». La main ne bouge pas, mais Samuel est peut-être encore vivant. Et je dois m'occuper de cette ordure, maintenant. Mon arme serrée avec une force que je n'osais imaginer, je vois l'ombre sur le mur, et, à une vitesse que j'ignorais, bondit devant l'agresseur, prêt à vider mon chargeur sur lui.

« Hé, doucement Julien ! »

Il est là. Samuel. Debout. Entier. Vivant. Je veux vérifier que je ne rêve pas. Je lui prends la main, l'épaule, passe ma main sur son visage. Il sourit. Il est beau quand il sourit. J'ai envie de l'embrasser. Non, je ne peux pas. Pas maintenant. Pas ici. Comme s'il avait lu dans mes pensées, c'est lui qui vient se blottir contre moi. Il me serre tellement fort...

« Julien... »

Je n'arrive pas à articuler un seul mot, je me sens bien. Soulagé. Et tout est si confortable dans ses bras. Est-ce qu'il ressent la même chose que moi en cet instant ? Ma main remonte dans son dos et passe sur son cou. Je le sens trembler, grelotter même comme si la température s'était soudainement effondrée dans ce maudit appartement.

« J'ai ... eu ... peur ... »

Entre chaque mot, il a laissé au moins cinq secondes. C'est à moi d'avoir peur soudainement. Il a peut-être tué l'agresseur. Il doit être choqué.

« C'est normal, Samuel. On va parler de tout ça. »

Je défais mon emprise et me tourne vers notre agresseur. Il est à terre, du sang dégouline le long de son bras. Je descends au sol, balance son arme au loin. Il a une grenade dans sa deuxième main. Un vrai danger. Heureusement que Samuel a tiré. Je me tourne vers lui. Il doit être traumatisé.

« Ecoute, Samuel, je vais appeler des collègues. Ne t'en fais pas. C'est la première fois... »

Il me regarde d'un air surpris. Je ne suis pas forcément le meilleur psychologue mais je fais de mon mieux pour le rassurer. En saisissant la grenade, le corps inerte se met à bouger. Il est vivant ! Oui, il est bien vivant. Je le place de côté, il a reçu la balle dans l'épaule. Il doit souffrir mais ne rien risquer. Je lui passe les menottes et appelle les renforts ainsi qu'une ambulance pour l'embarquer.

« Tu vois, Samuel, tu peux te détendre. Tu ne l'as pas tué.

- Lui ? Mais je m'en fous Julien ! Je m'en fous complètement ! »

Il a l'air sonné. Je ne comprends plus rien. J'essaie de me remémorer la scène. L'arme qui pointait dans mon champ de vision était celle de ce mec. Il a du entrer par la seconde porte de la cuisine, et a menacé Samuel. C'est lui qui a tiré en l'air pour lui faire peur. Samuel me sort de ma semi-conscience :

« Il allait dégoupiller la grenade et l'envoyer dans la pièce où tu étais... »

Tout s'illumine. C'est pour cela que Samuel a du tirer. Non pas par légitime défense. Mais pour me protéger.

« J'ai eu peur pour toi, Julien. Pas pour cet enfoiré. »

Je me rapproche doucement de lui. Je prends sa tête entre mes mains.

« Tu m'as sauvé la vie, une deuxième fois. »

Et petit à petit je le déplace sur mon épaule. Samuel se laisse aller, et commence à trembler de nouveau. Je sens une humidité se répandre sur ma chemise. Il pleure. C'est moi qui devrais pleurer. C'est moi qui devrais être secoué. C'est moi qui devrais lui dire merci. Et c'est moi qui suis incapable de dire quoi que ce soit.

Hommes de Loi (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant