Chapitre 21

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Il était très tôt ce matin. Constance avait laissé sa cousine dormir, tandis qu'elle, devait aller prêter main forte à M.Karl qui croulait sous les demandes. Elle avait quitté l'appartement à l'heure où le soleil se levait à peine. La fraîcheur matinale l'avait bien plus réveillée que ce qu'elle ne pensait. Elle portait son béret bleu pâle délicatement posé sur ses cheveux encore un peu humides de la douche matinale.

A cette heure-ci, les rues étaient seulement fréquentées par les quelques commerçants matinaux qui s'agitaient. Avec ses écouteurs dans ses oreilles, Constance marchait d'un pas rapide et décidé, prête à retrouver son mentor adoré. Elle avait besoin de passer du temps avec une personne sage, qui ne lui ferait rien que du bien. Elle s'arrêta en chemin dans un café et prit à emporter deux lattés et deux roulés à la cannelle, les mets préférés de M.Karl.

Lorsqu'elle arriva sur la place où se trouvait le stand du vieil homme, elle le trouva assis sur un tabouret, et non debout à s'agiter, comme à son habitude. Elle s'approcha discrètement derrière lui sans qu'il ne la voie, puis agita le sachet où se trouvaient les pâtisseries devant ses yeux.

- Oh Constance ! Comme je suis heureux de te voir ! S'écria M.Karl

Il se leva pour embrasser la jeune femme, mais au moment de lui adresser à nouveau la parole, il se mit à tousser violement.

- Monsieur Karl ! S'écria Constance. Tout va bien ? Asseyez-vous !

M.Karl ne put pas répondre tant sa quinte de toux était forte. Il s'assit simplement en guide de réponse. Il avait mauvaise mine. Il semblait plus mince que la dernière fois, il était très pâle, et ses yeux étaient comme enfoncés. Il avait l'air d'un petit enfant dans un corps de personne âgée. Si vulnérable... Une bourrasque de vent aurait pu l'emporter tant il avait l'air faible.

Constance comprit tout de suite que ça n'allait pas. Et pourtant elle resta muette. Pas de question. Juste un sourire. Un sourire qui semblait dire " je suis là, tout va bien".

Quand M.Karl fut en état de parler, il prit les mains délicates de Constance dans les siennes, rugueuses et abimés par le temps et le dur travail qu'il avait accompli toute sa vie.

- Constance ma chérie...merci d'être venue aujourd'hui. Vois-tu, je crois que je vais avoir besoin de toi aujourd'hui plus que d'habitude. Je te prête mon tablier, aujourd'hui c'est moi ton assistant.

Constance fit comme si de rien était et parti enfiler le grand tablier de monsieur Karl, décoré de pins accumulé lors de sa carrière. Elle passa ses doigts sur quelques pins, certains rouillés par le temps. Ce tablier, elle le connaissait bien. Elle l'avait admiré, en avait rêvé, et l'avait vu se remplir de pins au fur et à mesure des années. Et aujourd'hui, pour la première fois, c'était elle qui allait le porter. Elle ne se sentait pas vraiment légitime, mais elle était vraiment fière.

Les heures passèrent, le soleil monta progressivement dans le ciel bleu et les clients affluaient devant le stand. Constance était épuisée. Mais pas autant que M.Karl, il était à bout de souffle et n'avait pas quitté son petit tabouret. Le voir dans cet état détruisait Constance intérieurement. Mais elle ne devait pas le montrer. Elle ne le voulait pas. Prétendre aller bien, elle savait faire. Alors elle souriait. De toutes ces dents. Peut-être un peu trop pour que ça paraisse sincère.

A la fin du service, alors que M.Karl comptait l'argent gagné dans la caisse, Constance s'approcha timidement vers le petit homme.

- Dîtes Monsieur Karl... Comment-vous sentez-vous ?

- Très bien, tu t'es très bien débrouillée, je suis très fière de toi !

- Non... Mais je veux dire, réellement. Je sais que c'est indiscret et que vous ne voulez sans doute pas en parler, mais vous devriez peut-être faire une pause dans votre affaire, vous savez, juste le temps de vous reposer un peu...

no rain, no flowers - ErenxocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant