𝟑 - 𝐋'𝐚𝐫𝐜𝐡𝐞 𝐝'𝐀𝐧𝐠𝐞𝐥𝐚 𝐒𝐰𝐚𝐧𝐧.

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𝗛𝗲𝗮𝘃𝗲𝗻.
𝑴𝒆𝒍𝒃𝒐𝒖𝒓𝒏𝒆, 𝑨𝒖𝒔𝒕𝒓𝒂𝒍𝒊𝒆.

— Blanket ! Non, arrête... S'il te plait !

   Peine perdue, la petite biquette blanche n'en a que faire de mes suppliques et le bas de ma robe semble être particulièrement à son goût aujourd'hui. Je tire dessus sans plus trop savoir quoi penser de cette situation. Dois-je rire aux larmes que cette tête de mule de chèvre apprécie mon style vestimentaire – au sens littéral et gustatif du terme – ou me mettre à pleurer sur le champ que mes fringues fassent encore les frais de son insatiable appétit d'ogresse ?

— Je vais finir par venir te nourrir toute nue !

   Mon avertissement tombe bien évidemment dans l'oreille d'une sourde. Je m'extrais de là puis referme les trois loquets de son grand enclos quand la voix amusée de sa propriétaire me parvient :

— Cette casse-pied serait capable de te dévorer toute crue si tu lui faisais un tel affront ! Argh, elle a de la chance que je l'aime sinon « quick », j'en ferais un civet !

   Elle mime de lui tordre le cou en la toisant d'un regard faussement sévère.

— Et de la chance que vous ne cuisiniez aucun animal terrestre, aussi, souris-je en retour, sachant très bien que jamais la presque octogénaire n'irait au bout de sa menace culinaire.
— Aussi, mais ne le dis pas si fort, Mon petit. Notre Seigneur ne leur a pas donné la même parole que nous mais crois-moi, ces bêtes sont intelligentes !
— Et machiavéliquement gourmandes, ajouté-je désabusée en inspectant les dégâts sur le tissu bleu pastel portant l'empreinte dentaire de Blanket.
— Je vais peut-être faire une exception pour celle-ci, marmonne alors Mme Swann, le poing fermé levé vers le ciel, ses innombrables bracelets de perles, de pierres et autres matériaux créant une mélodie qui me change de celle des chants de ses animaux.

   Je sais qu'elle fait ça pour me faire sourire et ça marche. Cette femme est un rayon de soleil capable de chasser tous les nuages, une force de la nature qui en prend soin. Et cette dernière le lui rend bien. À plus de soixante-quinze printemps, Angela Swann rendrait jalouse n'importe quelle quinquagénaire. Si ses longs cheveux argentés bouclés, qu'elle dompte chaque jour dans une jolie coiffure bohème, ne laissent que peu de doutes sur les années qui sont derrière elle, son dynamisme et sa peau hâlée de poupée que peu de rides ont réussi à friper peuvent induire en erreur sur le nombre de bougies qu'elle a récemment soufflées.

   Elle a certes les mains d'une femme qui n'a jamais eu peur de se salir ni de travailler, mais est dotée du rire cristallin d'une adolescente dans la fleur de l'âge. Sa bonne humeur me fait souvent oublier à qui j'ai affaire, son esprit vif me file des complexes et son franc parler sans langue de bois me fait m'interroger sur l'existence d'une magie noire qui permettrait à cette sorcière blanche de rester si jeune à l'intérieur.

— Je vais te dédommager pour ta robe, Heaven, me propose-t-elle pendant que je soulève les seaux remplis de fruits et céréales pour ses autres pensionnaires. C'est déjà la quatrième fois.
— Ce n'est pas la peine. Tant pis pour moi, j'ai tenté le Diable en venant habillée, ça m'apprendra ! Demain, je mettrai un short et mon haut de maillot de bain, décrété-je en signe de rébellion contre la morfale qui bêle – certainement une plainte que je traduis par « je n'avais pas fini de te dévorer ! Reviens ici tout de suite ! ».

    Merci la vie, au fait !

    Une fois les cochons nourris (bien mieux éduqués que Blanket, soit dit en passant), les cinq chiens lavés (et moi avec, vu qu'ils ne tiennent pas en place et sont si généreux qu'ils m'ont fait profiter de l'eau et du savon), les deux poneys brossés (eux rien à dire, ils sont parfaits) et tous les autres petits bipèdes et quadrupèdes de cette clique ahurissante presque prêts pour la nuit, j'accepte l'invitation de Mme Swann et la rejoins sur sa terrasse ombragée, à l'arrière de sa propriété.

Falling For Heaven | En pause jusqu'à novembre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant