𝟐𝟏 - 𝐂𝐞 𝐥𝐢𝐞𝐧 𝐪𝐮𝐢 𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐦𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞.

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𝐇𝐞𝐚𝐯𝐞𝐧.

Ne travailler qu'à mi-temps dans une boîte comporte des avantages. Primo, si on ne supporte pas l'un de ses collègues, nul besoin de se farcir sa tête et son humeur de chien mouillé 38 heures par semaine. En cinq ans, je n'ai eu que des temps partiels cumulés. Mais des coéquipiers pas toujours supportables ni recommandables, c'est parfois arrivé. Même si je faisais mon petit bout de chemin dans mon coin, me contentant d'interactions purement professionnelles, il y a eu des fois où j'aurais tout donné pour une baguette magique. Entre le type aux mains qui prennent un peu trop leurs aises et celui qui répond «il n'est pas obligé de le savoir, ma mignonne» à ma phrase « j'ai déjà un copain », toutes mes missions n'ont pas été une franche partie de plaisir. En particulier les premières après mon départ d'Atlanta.

Mais il fallait bien payer les factures ; et tout le reste. Quand on a la hargne de s'en sortir, de construire les fondations d'une vie meilleure loin d'un passé douloureux, on encaisse les coups durs avec le sourire en s'imaginant leur faire un beau doigt d'honneur, plus tard, quand tout ira mieux.

Secundo, c'est que lorsqu'on est attiré par un collègue, avoir un deuxième job, ou simplement une activité pour nous occuper le reste du temps, permet de ne pas avoir l'objet de toutes les tentations sous le nez.

Enfin ça, c'est quand le deuxième job ne se fait pas chez la grand-mère dudit collègue et que l'insolent trouve malin de venir déambuler jusqu'au hangar des vaches, l'air de rien.

Il y a aussi des inconvénients.

En haut de la liste : louper des infos importantes. Par exemple, que pour la fin de la semaine le Quiet n'ouvre ses portes au public qu'à 18 h 00 et qu'on fermera plus tôt, afin de compenser nos créneaux qui ont été modifiés pour l'inventaire le plus important de l'année.

On nous avait bien demandé qui pouvait venir plus tôt, le reste m'avait totalement échappé.

Presque tout est répertorié et à vérifier, de la vaisselle aux couverts en passant par ce qui se trouve dans le « débarras de transit », où l'on garde ce qui n'est pas encore mis en Sèche. J'avais donc raté que nous avons chacun un rôle à jouer, qu'on liste tout en binôme, en consultant les quantités de marchandises consommées les deux dernières années entre décembre et février, pour bien anticiper les besoins à venir. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'été s'annonce mouvementé dans ce quartier très animé. Et pour ceux qui ont accepté de faire quelques heures supplémentaires pour aider, comme moi, la loi australienne est généreuse en ce qui concerne leur taux horaire.

J'ai dû sauter ce « détail » le jour où j'ai signé mon contrat, en même temps que le passage sur les congés de janvier.

Une noisette de beurre dans les épinards en plus des pourboires, je ne dis pas non. C'est toujours ça de rajouté dans mon enveloppe « future colocation ». J'ai dit que j'avais le temps de voir venir mais au fond, je balise de ne rien trouver dans mon budget. Ou même rien en l'augmentant de cinquante ou cent dollars par semaine. J'ai beau éplucher des dizaines d'annonces par jour, les pistes exploitables sont minimes. Les places sont chères dans les quartiers où je ne risque ni l'agression ni l'enlèvement en rentrant du boulot la nuit, dans ceux bien desservis les jours de pluie où je ne pourrai pas enfourcher ma fidèle bicyclette blanche à la jolie selle Camel.

Je ne peux même pas vendre un rein au marché noir pour m'aider à ne pas finir sous un pont.

Remarquez, ce n'est pas ça qui manque ici, les ponts.

Ma partenaire d'inventaire et manager me tire de mes problèmes de logement.

— À 18 ans, je rêvais de voyager partout. Ma mère me disait qu'il fallait que j'ai plus les pieds sur terre et mon père, que le secret du bonheur est dans le dosage de nos aspirations.
— Je crois qu'on passe tous par ce moment de nos vies où l'on veut tout voir, tout découvrir et aller aussi loin qu'il est humainement possible.

Falling For Heaven | En pause jusqu'à novembre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant