Falling For Heaven | En pause jusqu'à novembre 2024

𝟗 - 𝐇𝐞𝐥𝐥 𝐢𝐧 𝐇𝐞𝐚𝐯𝐞𝐧.

𝐂𝐚𝐥𝐝𝐞𝐧.

Absorbé par mes pensées qui suivent tous les chemins possibles afin de m'éviter de ressasser ce qu'il s'est passé plus tôt, je n'entends pas mon frère pénétrer dans le bureau que nous partageons. Je l'ai laissé fermer le Quiet pendant que je gérais les stocks.

— C'est bon ? Tu as eu le temps de réfléchir à tes conneries ?

Pas de gant. Ok.

Sans me retourner, fixant distraitement le bilan compta du mois dernier ainsi que la liste de groupes amateurs que j'ai ébauchée et que je dois contacter pour les week-ends à venir, j'avale cul sec le reste de mon verre. La brûlure que mon empressement me provoque est sans doute méritée.

Sans blague, c'est ma journée Karma, ou quoi ?
Question purement rhétorique à mon sens.

Du coin de l'œil, je vois Riley s'adosser à la commode en acacia vernis dans laquelle on classe la plupart de la paperasse importante, les bras croisés en position d'attente. Je compte sur le fait qu'il est crevé et va lâcher l'affaire mais au fond de moi, j'ai pertinemment conscience que c'est utopiste. Mon frangin est du genre obstiné et si d'habitude je mettrais ça dans la colonne de ses qualités, ce soir, c'est surtout un défaut agaçant qui me fait grincer des dents.

Au bout d'un long silence durant lequel mes yeux sont restés bloqués sur la même ligne de chiffres, il reprend, après un raclement de gorge :

— J'ai tout mon temps. T'es revenu crevé du sanctuaire Cal, mais je ne pensais pas que cinq semaines te rendraient aussi con.
— Sympa.
— C'était pas le but, ironise-t-il.

Mon frère me fixe d'un sale œil. Il a compris mon manège, à savoir : ma tactique pourrie pour tenter d'échapper à une discussion qui, avouons-le, n'est que justice. Pourtant, mu de ma plus grande flemmardise à mener à bien une conversation qui ne sera pas à mon avantage, je tente de noyer le poisson en captant franchement son regard :

— Ouais. Cinq semaines loin de mon lit parce que tu es bloqué ici, Riley. Tu pourrais faire mieux, comme remerciements. Je me suis dévoué pour toi.

J'y ai mis toute ma conviction. C'est mal, et je sais que ma remarque fait de moi un bel enfoiré. C'est peut-être ce que je cherche après tout : donner raison à ceux qui me cataloguent ainsi, le type détaché de tout qui ne respecte rien ou presque. Or, ce n'est pas de la faute de mon frangin si depuis la naissance de Teddy il ne parvient plus à passer du temps à la réserve entre octobre et novembre. Ni à d'autres périodes, tout bien réfléchi. Quand il parvient à y rester quatre jours sans devoir rentrer à Melbourne, c'est le bout du monde.

Avant, c'était notre rituel annuel mais aussi une bonne raison de nous retrouver tous là-bas sans attendre Noël ou un anniversaire. J'y passais deux à trois semaines pour filer un coup de main aux parents, lui aussi mais en décalé pour ne pas trop affecter la gestion du Quiet Swan. On se calait néanmoins une semaine sur place ensemble, et même Miley faisait partie du voyage. La troupe au complet sur les terres de notre enfance, comme au bon vieux temps.

Aujourd'hui, il a d'autres obligations que le bar et je ne peux pas lui en vouloir. C'est plutôt Molly, la mère de mon neveu qui n'a de ça que le titre sur un acte de naissance, que j'ai envie de secouer jusqu'à m'en faire des crampes. Malheureusement je ne me leurre pas, il faudrait bien plus que moi pour lui foutre du plomb dans la cervelle à cette connasse.

Nos rapports sont au top, y'a pas à dire.

Molly est belle, on ne peut pas lui retirer ça, mais uniquement à l'extérieur. Dedans, ce n'est qu'une arriviste écervelée qui ne pense qu'à sa petite personne et ses intérêts. Une manipulatrice égoïste et vénale qui se prend pour ce qu'elle n'est pas : la prochaine Miranda Kerr – mais avec la plastique plus voluptueuse à la Kate Upton. La pauvre fille est persuadée qu'un jour, elle sera sur un panneau géant dans Times Square. L'espoir fait vivre, autant que la connerie, visiblement.