𝟏𝟏 - 𝐀 𝐜̧𝐚 𝐩𝐫𝐞̀𝐬.

1.5K 216 70
                                    


𝐂𝐚𝐥𝐝𝐞𝐧.

Sans crier gare, Heaven est prise d'un fou rire qu'elle ne maîtrise pas, suivie par Miley.

— Bon sang, vous êtes tous dingues ! se marre-t-elle, des larmes pointant au coin de ses yeux en amande, qu'elle sèche de ses index fins. J'ai changé d'avis, Blanket est indéniablement la plus saine d'esprit !

Je l'observe, amusé. Son rire est chantant, spontané et communicatif. Il ricoche sur et en moi – définitivement, j'ai besoin de baiser – et nous embarque tous avec elle. Heaven ne se cache plus de moi, j'y vois enfin une avancée. Encore plus lorsque que je perçois son regard troublé se voiler d'une lueur plus intense qui alerte mes sens. Le bout de sa langue sillonnant subtilement les chairs tendres et rosées de ses lèvres, ses yeux dévient de manière fugace sur ma pomme d'Adam, la place manque dans mon pantalon. L'idée que finalement, elle ne me fuit pas que parce qu'elle me déteste se fraye un chemin légitime sous mon crâne.

« Interdite », mec !

Je réfrène illico les scénarios débiles de ma libido enflammée, focus sur ce qui doit être de l'ordre du réel et réalisable : apaiser la tension qui s'est installée entre nous. Nous sommes sur la bonne voie, j'en suis sûr. Mais cette pensée explose aussi vite qu'elle est née lorsque Riley met les deux pieds dans le plat, et avec de l'élan – bordel !

— Bon, Heaven, se lance-t-il après s'être râclé la gorge pour capter l'attention de tous, maintenant que tu connais nos vices et nos petits secrets familiaux inavouables, que tu as officiellement signé ton contrat et obtenu ton RSA, est-ce que tu ne crois pas que Cal et toi pourriez faire la paix pour de bon ? En plus, il s'est excusé et...

Il se tait net quand les yeux ronds et étonnés de l'américaine se braquent soudainement sur moi. Nul besoin de longs discours : je suis démasqué. Pourtant, elle le questionne :

— Qui ? Qui s'est excusé et de quoi ?

Grillé.

— Calden. Pour le premier soir, déclare-t-il laconique. Il t'a laissé un message, non ? C'est bien pour ça que tu es revenue travailler ?

Non.

Non, je ne l'ai pas fait, mais j'ai laissé mon frère le croire, en effet. Je voulais voir si elle reprendrait son service d'elle-même, sans se faire supplier. Depuis, la bonne occasion ne s'est pas présentée.

La bouche ne formant plus qu'une ligne de contrariété, Heaven secoue le visage pour mimer un magistral «NON». Se détournant totalement de moi, elle l'avise, et nous avec :

— Je suis revenue parce que je ne laisse pas les autres décider de ce que je dois faire et que je refuse que deux personnes me gâchent la vie. Je peux faire avec, j'aime bien travailler au Quiet Swan et j'ai besoin d'argent, comme tout le monde.
— Mais tu as dit... tente-t-il.

Un rictus démoniaque apparaît au coin de sa bouche.

La petite peste !

— Je t'ai dit que je t'appellerais le lendemain et je l'ai fait. Je t'ai aussi dit «la nuit porte conseil» mais ça, c'était purement à l'attention de Calden. J'ai eu la naïveté de croire qu'il allait réfléchir à la portée de ses mots et l'idiotie de son plan blessant, et oui, qu'il viendrait s'excuser. Mais il ne l'a pas fait et finalement, maintenant que je sais que tu le lui avais demandé, je suis bien contente qu'il n'en ait fait qu'à sa tête au moins, je ne me suis pas faite avoir par un faux repentir.
— Attends, Heaven, l'apostrophé-je pour l'arrêter avant qu'elle ne me taille un costard sur un quiproquo.
— Se servir du physique d'une personne qui n'a rien demandé comme arme pour rabaisser est dégueulasse, parce qu'on ne peut jamais savoir ce qu'elle a vécu, quelles sont ses insécurités, ses combats pour s'accepter, balance-t-elle le menton haut. On ne peut jamais savoir si derrière le sourire de façade qu'elle va peut-être afficher pour ne pas perdre la face, il n'y a pas des pleurs, des heures à se regarder dans le miroir à se répéter «tu es belle comme tu es». Le faire, en plus, dans le but de tester les limites de quelqu'un, et en public, est méprisable en plus d'être humiliant.

J'avale la boule âpre qui grossit dans ma gorge, sous le regard réprimandeur de mon oncle.

— Je n'ai pas voulu t'humilier, me défends-je d'une voix plus rauque. Je n'avais pas cette intention, je t'assure.
— Mais tu l'as fait, pivote-t-elle de nouveau. Alors c'est vrai. C'est vrai que c'était facile de prendre mon âge et mon corps comme épée. Je n'ai ni les yeux bleus scintillants de Sarah ni son sourire hollywoodien qui nous irradie dès qu'elle est de bonne humeur, c'est-à-dire tout le temps. Je n'ai pas la silhouette parfaite de Carly ni sa dextérité. Je n'ai ni l'humour de Mac ni son assurance. Je suis juste moi, je ne suis pas schizophrène et je me contente de ce que je suis, c'est déjà un boulot à temps plein, tu vois. La société nous pollue suffisamment partout et à toutes les sauces de clichés de femmes « parfaites » à prendre en modèles pour que je sois en plus parasitée au boulot par ce genre de propos machistes sans réagir. Alors j'ose espérer que tu es satisfait de ma réaction mais surtout, ne viens pas me dire que tu es désolé, c'est trop tard.

Non, rien n'est jamais trop tard.

— La vengeance est peut-être un plat qui se mange froid mais les excuses ne sont comestibles que chaudes, avant que l'aigreur de l'attente ne les rendent immangeables. Je n'ai pas fait d'études mais j'espère que tu apprécies mon sens de la métaphore, Calden. Sur ce, je retourne sur le patio, j'ai des tables à nettoyer.

Elle passe derrière moi, m'embaumant de son parfum de muguet. Sa peau est-elle partout aussi sucrée ? Mes narines impriment chaque note tandis que ma queue se tend un peu plus sous le flot d'images qui se déchaînent, comme si je pouvais oublier la douleur dans mon membre emprisonné dans mon jean depuis de longues minutes. Je vais pour la suivre mais me ravise immédiatement. Ici, les discussions ne nous réussissent pas, et je doute qu'elle accepte de m'écouter chez Angela. Non, l'indocile petite américaine serait plus du genre à s'allier à Blanket pour faire disparaître mon corps.

Il faut que je trouve une solution. En fait, j'ai bien une idée qui germe, une dernière carte à jouer mais d'abord, je vais devoir affronter mon frère et Miley, et sortir vivant d'une confrontation qu'ils me promettent en silence – et en équipe. Et les convaincre qu'ils doivent m'aider.

Pour le bien du bar.
Juste pour le bar.
Rien que pour le bar.

Et de l'équipe, aussi.

Au nom du Père,
Du fils,
Et de la Sainte Mauvaise Foi.
...
Amen.

∞ ∞ ∞

∞ ∞ ∞

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Falling For Heaven | En pause jusqu'à novembre 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant