Chapitre 10. POV Aaron

19.4K 1.5K 44
                                    

La revoir le lundi suivant m'avait surpris, quand j'avais quitté mon bureau pour une réunion et qu'elle n'était toujours pas arrivée je m'étais persuadé qu'elle ne viendrait pas. J'avais donc été soulagé de la revoir. Même si elle n'était visiblement pas prête à me parler, la savoir près de moi me rassurais.

Je l'avais laissé une semaine sans rien lui demander de personnel, nos conversations se limitaient à des propos reliés au travail. Elle me saluait tous les matins et tous les soirs, me remerciait pour les déjeuners que j'avais pris l'habitude de lui acheter tous les midis et que j'essayais de varier. Mais rien de plus, et je n'en pouvais plus. Je ne savais plus quoi faire d'autre que de m'excuser, c'est vrai que je ne voulais qu'une nuit sans lendemain au début, mais c'était avant de la connaitre. Maintenant j'étais attiré par elle d'une façon inexplicable, j'avais envie de connaitre tout de sa vie, qu'elle me raconte ce qu'avait son mari et je voulais par-dessus tout la consoler. Son regard devenait de plus en plus triste au fil des jours qui passaient et je voulais savoir pourquoi.

C'était donc après cette longue semaine que j'avais craqué et que je m'étais rendu chez elle, fleurs et chocolats en main, je trouvais ça tellement débile, cela ne me ressemblait pas, mais j'espérais au fond de moi qu'elle aimerait. Je frappais une seule fois et j'entendis le verrou se débloquer avant qu'elle n'ouvre. Elle était étonnée mais ne m'avait pas refermé la porte au nez aussitôt, ce que je pris pour un bon signe. Je ne savais même pas quoi dire, je devais avoir l'air d'un idiot mais elle ne m'en fit pas la remarque, au contraire elle me surprit en ouvrant la porte en grand et en me laissant la place pour entrer.

— Bonsoir, réussis-je quand même à articuler en passant près d'elle et en lui tendant le bouquet et la boite.

— Bonsoir, répondit-elle la voix éteinte.

Elle accepta mes deux cadeaux et les posa à côté du bouquet commençant à faner que je lui avais offert le dimanche précèdent. J'étais surpris qu'elle l'ait gardé et pas jeter dès qu'elle l'avait eu. Elle s'assit ensuite sur son canapé et je fis de même laissant cette fois un espace suffisant entre nous.

— Vous êtes venu pour avoir votre partie de jambes en l'air hebdomadaire ? demanda-t-elle sans plaisanter.

Elle ne me regardait pas, elle fixait ses mains et jouait avec son alliance qu'elle avait remis au doigt. Elle avait vraiment l'air triste et ça me rendait mal. Je voulais tellement pouvoir l'aider.

— Non, je suis là pour vous remonter le moral, répondis-je alors, vous laissez me parler de tout ce que vous voudrez bien me dire, vous écoutez me parler de votre mari et ensuite vous entendre me dire d'aller me faire foutre, plaisantais-je.

Je la vis sourire légèrement puis elle se décida à tourner la tête vers moi, elle avait les larmes aux yeux. Je n'avais qu'une envie, de la prendre dans mes bras et de caresser ses longs cheveux. Rien d'autre, c'est tout ce dont elle avait l'air d'avoir besoin, et moi aussi. Alors je me rapprochais d'elle et passa mon bras autour de ses épaules, avant de la ramener vers moi, elle ne recula pas et enfoui sa tête contre mon torse. Je resserrais mon étreinte et lui caressais les cheveux de ma main libre, je la sentais pleurer en silence contre moi et je ne dis rien jusqu'à ce qu'elle se calme.

Quand elle se redressa finalement elle me fixa de ses yeux rougis. J'essuyais de mes pouces les dernières larmes qui s'attardaient sur ses joues.

— Je suis désolée, chuchota-t-elle.

— Il n'y a pas de quoi. C'est moi qui le suis, j'ai vraiment agi comme un idiot la dernière fois, je pensais vraiment que votre mari était ce médecin avec qui je vous ai vu parler. Votre regard était empli d'amour mais en même temps de tristesse, je pensais que vous veniez de vous disputez avec lui, expliquais-je.

Elle ne répondit pas pendant quelques minutes, me lança un regard puis baissa à nouveau les yeux, pour enfin se mettre à parler.

— Si j'avais de l'amour dans le regard c'est parce que je venais de voir mon mari, commença-t-elle avec un petit sourire, et pour la tristesse... le médecin que vous avez vu venait de me tendre une énième facture.

— Depuis quand les médecins donnent-il les factures en personne ? demandais-je. Et j'en déduis que vous n'avez pas les moyens de la payer ?

— Vous êtes perspicace, qu'est-ce qui vous a mis sur la piste ? Mon studio aussi petit que vos toilettes ou bien le fait que je ne puisse pas me permettre de déjeuner à moins que vous m'offriez quelque chose ? demanda-t-elle sarcastique.

Je souris même si rien n'était amusant dans son discours, j'aimais juste entendre à nouveau sa répartie. Je décidais de ne pas aborder le sujet de l'argent pour le moment, je suis sûr qu'elle n'avait pas envie d'entendre quoi que ce soir sur ce sujet de ma part.

— Votre mari comment s'appelle-t-il ? l'interrogeais-je tentant de lui faire oublier l'argent.

— Qu'est-ce que ça peut bien vous faire ? me questionna-t-elle surprise.

— Kaylee, j'essaie simplement de discuter avec vous, répondis-je.

Elle soupira, avant de finalement commencer à parler.

— Ian Travis. Docteur Ian Travis, m'avoua-t-elle.

Son mari était donc bien docteur ? J'avais donc raison sur ce point même si je m'étais clairement trompé d'homme.

— Docteur ? demandais-je surpris.

— Le docteur Park m'a donné la facture en main propre car c'était un collègue de mon mari, expliqua-t-elle.

— C'était, répétais-je, est ce que Ian est ...

Elle me coupa avant que je ne prononce le dernier mot.

— Seulement dans le coma, me dit-elle.

— Il a des chances de se réveiller ? continuais-je de l'interroger afin d'en savoir plus.

— Il est dans le coma depuis onze mois, et dans un mois ils vont le débrancher, annonça-t-elle.

Elle dut sentir quand je me raidis soudain car elle se redressa et me fixa.

— Ils ne peuvent pas faire ça sans votre accord ! m'insurgeais-je

— Ils ont l'accord de Ian, répondit-elle simplement. Il avait signé une décharge à son embauche, si cela devait lui arrivait un jour il demandait à être débranché après douze mois si aucune amélioration au niveau de l'activité cérébral n'était apparue.

Elle parlait de cela comme un médecin, elle avait dû entendre ce discours tellement de fois qu'il devait être imprégné dans sa mémoire mot pour mot, le pire était qu'elle l'avait surement entendu seule, sans jamais personne pour la soutenir.

— Qu'est-ce qu'il lui ait arrivé ? osais-je finalement demander.

— Traumatisme crânien, un junkie l'a poussé du haut d'un escalier de secours à l'hôpital alors qu'il essayait de l'aider, expliqua-t-elle.

— Quels fils de pute ! m'énervais-je. Ce connard a été arrêté ?

— Non.

— Quoi ?! Mais pourquoi ?

— Parce qu'il est mort deux jours après, répondit-elle les larmes à nouveau aux bords des yeux.

— Quel âge à Ian ? tentais-je de changer de sujet.

— Vingt-quatre ans, dit-elle aussitôt.

— Et vous ? l'interrogeais-je.

— C'est un interrogatoire ? finit-elle par demander visiblement irrité.

— Je suis simplement curieux, je n'ai jamais pensé à vous le demandez, expliquais-je donc.

— J'ai vingt et un ans. On s'est marié quand j'en ai eu seize, avoua-t-elle.

L'un pour l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant