6. Sa vérité

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18 novembre 1981
Londres

À cette question lancinante, Remus ne détourna pas les yeux. Sirius en fut soulagé – surpris, mais agréablement.

— Pourquoi je suis parti, répéta lentement le lycanthrope, détachant chaque syllabe avec précaution.

Il semblait réfléchir à sa réponse, alors qu'ils s'étaient attablés pour déguster le délicieux repas qu'il leur avait mitonné. L'Animagus ne le lâchait pas des yeux, suspendu à ses lèvres.

— Ce n'était peut-être pas évident pour toi, je m'en rends compte maintenant, admit Lupin en pinçant les lèvres. Si tu le veux bien, je vais donc te raconter ma version de l'histoire. Mais ne m'interromps pas, l'avertit-il en levant un doigt impérieux alors que Sirius ouvrait déjà la bouche.

Contrit, mais avide de savoir, Patmol acquiesça.


10 juillet 1981
Londres

Encore un refus.

Remus balança rageusement la lettre apportée par le hibou du ministère de la Magie, s'affalant dans le canapé en enfouissant le visage dans ses mains.

Quand arriverait-il seulement à décrocher un seul emploi ? Et pas par l'intermédiaire de James ou Sirius ! Un véritable emploi, qui corresponde à ses compétences et à ses études. Il ne parvenait pas à se résoudre à postuler à n'importe quoi. Il avait bien le droit de travailler comme un sorcier normal, non ? Il n'était ni le plus stupide ni le plus jeune ! Il avait vingt et un ans, deux diplômes de l'une des plus prestigieuses écoles de sorcellerie et du talent, bon sang !

C'était de pire en pire. Auparavant, il parvenait à décrocher des entretiens pour se défendre, mais maintenant, c'était tout juste si on ne refusait pas qu'il dépose sa candidature. Son nom commençait à circuler, c'était certain. C'est Lupin, mais si, tu sais, le loup-garou... Ah, oui, on va peut-être éviter de le prendre, alors... Franchement, qui serait assez fou pour embaucher un loup-garou ? Admettons qu'il ne fasse pas de mal à une mouche, ça veut quand même dire qu'il n'est pas là pendant plusieurs jours une fois par mois ! Tu te rends compte ? C'est pas la charité, ici.

Dumbledore avait promis qu'il essaierait d'intercéder en sa faveur, mais par les temps qui couraient, il avait tout simplement d'autres choses plus importantes à gérer. Même si Remus devait bien admettre qu'il nourrissait une certaine rancœur à son égard après avoir constaté être de moins en moins convié aux missions de l'Ordre. À quoi servait-il, s'il ne pouvait ni aider à lutter contre Voldemort ni contribuer d'une quelconque façon au bon fonctionnement du monde magique ?

Il n'aurait jamais dû venir à son premier entretien un lendemain de pleine lune. Quelle naïveté ! Il aurait dû le repousser, quitte à ne pas être pris. Son examinateur, un Auror au regard vif, avait aussitôt posé des questions intrusives, noté ses cicatrices, la façon dont il essayait de paraître naturel malgré les douleurs qui le tenaillaient... Puis il avait relevé la coïncidence avec la pleine lune. Remus s'était senti suer à grosses gouttes, de plus en plus pâle à mesure que l'Auror faisait pression sur lui.

Il avait tenu bon, évoqué une maladie chronique, mais c'était trop gros pour un chasseur de mages noirs et de créatures dangereuses. Lorsqu'il était sorti de l'entretien, Remus avait attendu d'être revenu à l'appartement pour fondre en larmes dans les bras d'un Sirius désemparé et furieux.

Il s'était préparé pendant des mois à cet entretien décisif. Il voulait devenir Auror, comme ses deux autres amis.

Désespéré en constatant qu'il n'avait pas été retenu, contrairement à James et Sirius, il avait sollicité un rendez-vous pour discuter de sa « situation spécifique » et jouer cartes sur table. On lui avait assuré que cela n'avait rien à voir avec sa lycanthropie, qu'il ne correspondait tout simplement pas au poste.

Juste une nuit || Harry Potter (Maraudeurs, wolfstar)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant