Timide Torride III

• Chapitre 14 : Rejoins-moi •

Je repense sans cesse aux paroles de Mme Wegiel. Il est vrai que je ne m'étais jamais posé de question sur ma sexualité auparavant, prenant l'hétérosexualité pour une évidence. Peut-être ne me suis-je pas suffisamment penché sur ce sujet, suivant bêtement les normes imposées par la société et ignorant toute une partie de moi.

Je décide donc en rentrant de faire quelques recherches à ce sujet qui s'est avéré bien plus vaste que ce que je pouvais imaginer. A vrai dire, il m'était impossible en seulement quelques heures de me revendiquer de telle ou telle orientation, néanmoins cela m'a sans aucun doute aidé à ouvrir mon esprit et laissé l'opportunité de me découvrir. J'allais être beaucoup plus attentif à présent concernant mes comportements pour en savoir un peu plus sur moi-même.

Plongé dans cette thématique passionnante, j'en oublie l'existence de mon téléphone. Et pourtant, An m'y avait laissé deux messages :

> An : Ethaaaaan!

> An : Tu as entendu de la soirée d'intégration vendredi prochain?

< Moi : Non.

> An : Eh bien le lycée nous a permis aux deuxièmes années d'organiser une petite soirée d'intégration pour les premières années, histoire qu'on fasse connaissance et qu'on vous accueille vraiment comme il se doit. Ça se déroulera de 22 heures à 5 heures du mat, on a réussit à avoir l'autorisation, c'était pas facile.

> An : Et on a choisit un thème.

< Moi : Lequel?

> An : Visages cachés, corps dévoilés.

Moi qui était plutôt du genre réservé, cela me terrifiait un peu. Mais l'idée qu'on ne voit pas mon visage rendait effectivement la tâche plus facile.

< Moi : Tu seras là toi?

> An : Bien sûr!! Je compte sur toi aussi hein!

< Moi : Et ton anonymat?

> An : Tu te doutes bien que je n'ai pas suggérer ce thème pour rien...

La chipie. Elle contrôle toujours tout parfaitement.

Je n'aime pas trop sortir, surtout depuis ma dernière soirée dont on se rappelle tous, mais cette fois-ci j'avais hâte. Ce qui m'embête, c'est que je louperais ma séance chez la psy. Bon c'est pas très grave, je rattraperais ça la semaine d'après, mon père comprendra, il sera content de me voir sortir un peu. Il faut absolument que je me rende à cette soirée, sinon je le regretterai.

La semaine était donc affreusement longue, comme à chaque fois qu'on attend impatiemment une certaine date. Il n'empêche, cela m'avait laissé le temps de commander un beau masque noir vénitien qui rendait mes yeux sombres encore plus mystérieux, tel Batman. Bon ok, je redescends. Plus sérieusement, j'avais prévu de mettre avec ce dernier un beau costume noir, sans chemise en dessous, pour laisser ainsi légèrement paraître mon torse, ce qui colle parfaitement avec la deuxième partie du thème.

Mais ce n'est pas à ma tenue que je pensais le plus, mais bien à An : est-ce que j'allais la croiser? Si oui, me fera-t-elle signe que c'est elle? Ma curiosité me rongeait, je souhaitais vraiment savoir qui se cachait derrière ces deux foutues lettres.

Quand les cours du vendredi ont pris fin, je sentais l'adrénaline monter en moi, on aurait dit un gamin qui était invité à sa première fête. Mon père m'a dit que ça faisait longtemps qu'il ne m'avait pas vu aussi excité. Je me prépare alors, coiffant parfaitement mes cheveux noir épais vers l'arrière, enfilant mon masque et boutonnant un seule bouton de ma veste. Ce thème me plaisait bien, et il annonçait une soirée assez mouvementée. Et j'allais très vite me rendre compte que j'avais bien raison.

On pouvait entendre la musique et voir les lumières depuis la rue. Heureusement pendant mon trajet, j'ai croisé deux camarades de classe que je connaissais de vue et qui, à ma grande surprise, avait eux aussi joué le jeu. L'effet de groupe nous a permis de rentrer ensemble de manière assez décontractée.

Nous étions déjà beaucoup sur place alors qu'il était à peine 22 heures. Les filles dansaient et chantaient déjà de toutes leurs forces. Mes deux camarades faisaient déjà des commentaires assez rabaissants sur les tenues de ces filles qu'ils qualifiaient de « faciles » et dont ils jugeaient les robes comme trop courtes ou trop ouvertes, alors qu'ils oubliaient qu'ils étaient eux-mêmes quasiment à poil. Elles étaient toutes très belles et avaient l'air de bien s'amuser, c'était l'essentiel.

Dérangé donc par ces réflexions misogynes, je décide finalement de m'en éloigner quand j'aperçut un gars de mon ancien lycée, Bastien, qui lui était bien moins con que les deux autres rigolos. Il me tendit un verre. Il vit mon hésitation. Je voyais dans ces yeux qu'il avait compris, qu'il semblait au courant pour la situation avec Anaïs. Il pris alors en premier une grosse gorgée dans ce verre avant de me le tendre à nouveau. J'appréciais beaucoup ce geste. Investis dans ma discussion avec Bastien sur la vie en prepa, j'en oublie presque la raison réelle de ma présence ici, mais une notification vient très vite me le rappeler.

> An : T'es trop sexy dans ton petit costume.

Je refais la même chose qu'à la sortie du match de la dernière fois, et malheureusement, même constatation. Il y avait une multitude de filles sur leur téléphone.

> An : Tu viens danser?

Elle était donc sur la piste de danse. Je propose de ce fait à Bastien d'aller danser et nous rapprocher des filles si ça le tente, et Bastien, en tant que grand dragueur, très respectueux quant à lui ma foi, ne pouvait pas refuser.

Je la cherche du regard, comme pour sentir ce « truc » lors d'un eye contact, mais rien de tout ça ne se produit. Tout à coup, un nouveau message me parvient :

> An : Rejoins-moi en salle d'étude.

Mon coeur se mit à battre à cent à l'heure. Ce cache-cache infernal me donnait le tournis. La salle d'étude se trouvait au niveau sous-terrain du lycée, une petite pièce où j'ai entendu que les choses les plus farfelues se produisaient, d'après ce que m'avait raconté An. Était-ce ici une allusion à ses plans? Allais-je vraiment enfin la rencontrer? Je sens que je suis pris de bouffée de chaleur. Voyant que Bastien semble particulièrement intéressé par une certaine fille avec laquelle il danse déjà, j'en profite pour m'éclipser. On se pose tous la même question à présent : que va-t-il se passer maintenant?