Chapitre 27

72 8 0
                                    

Dans l'après-midi, j'ai eu la visite du chirurgien. Il n'a rien dit en voyant Li dormir contre moi. J'étais un peu gêné et me suis excusé. Il s'est contenté de répondre qu'il n'y avait aucun problème, avec un léger sourire.
J'ai eu le droit à quelques consignes post-opératoires avec comme petite précision, un rappel de la chance que j'avais d'être là.

- Si vous aviez été touché quelques millimètres plus haut, je n'aurais rien pu faire. Si votre ami avait fait bouger un peu plus la lame en vous transportant jusqu'ici ou l'avait extraite, également. On peut dire que vous avez de la chance.
- J'ai surtout de la chance de l'avoir à mes côtés.
- Alors laissez le se reposer. Il a fait un sacré raffut dans l'hôpital cette nuit. Votre frère a insisté pour qu'il puisse rester avec vous et j'ai accepté parce qu'il n'aurait jamais lâché l'affaire.
- Désolé, mais merci pour tout.
- Ne me remerciez pas. Prenez plutôt soin de vous d'accord ?

J'ai hoché la tête, lui rendant son sourire. Il est sorti et j'ai regardé Li. J'étais triste pour lui, sachant qu'il avait passé un sale moment, mais j'étais heureux qu'il soit là, avec moi.
Comme s'il s'était senti surveillé, il s'est réveillé. Il a regardé autour de lui avant de commencer à râler.

- Tu m'as laissé dormir tout ce temps ?
- Tu en avais besoin Trésor.
- Quelqu'un est venu ?
- Oui, un gentil Docteur est venu me dire que j'avais de la chance d'être en vie, et que c'était grâce à toi. Apparemment tu as été assez délicat pour que la lame ne fasse pas de dégât. Si elle avait bougé, ou que tu l'avais enlevée, je serai sûrement mort.
- Si tu avais voulu le faire, tu l'aurais fait. J'ai juste respecté ton choix, et je me suis dit que tu avais tes raisons pour avoir laissé ce truc à sa place.
- Ça ne m'étonne pas de toi.
- Tu aurais pu me réveiller. La honte.
- Arrête de râler.

Il m'a expliqué comment il avait réussi à me transporter jusqu'aux urgences tout seul. Il a poussé mon oncle, qui s'est blessé. Par chance, le chauffeur du taxi qu'il avait pris pour venir, était encore là et l'a entendu appeler au secours. Il l'a aidé à me porter avec prudence jusqu'à l'arrière de ma voiture et Li m'a attaché avec les deux ceintures, couché, pour que je bouge le moins possible.
Il m'a avoué avoir pris le volant de ma vieille mais magnifique Chevrolet, rappelons qu'il n'avait pas le permis, et qu'il avait, en plus, réussi à joindre les secours sur la route. Ils n'auraient rien pu faire plus vite, alors il a fait le chemin jusqu'à l'hôpital.
Il avait ensuite hurlé à l'entrée des urgences, jusqu'à trouver deux personnes pour me sortir de la voiture. C'est après ça que j'ai été pris en charge, et qu'il a été prié de sortir.
Il fallait voir sa façon d'en parler. Il en avait vu de toutes les couleurs. Si quelqu'un d'autre que lui m'avait raconté ça, je n'aurais jamais pu le croire. J'avais l'impression d'entendre le scénario d'un mauvais film.

- Tu as pris un taxi pour me retrouver, sans être sûr de l'endroit où je me trouvais ?
- J'avais cette idée, et ton frère aussi. J'ai eu un mauvais pressentiment. Quand j'y pense...
- Tu as raté l'occasion de te débarrasser de moi.
- Je suis censé rire ?
- J'essaie de te détendre Trésor.
- Jamais je ne me suis senti aussi mal de toute ma vie. Quand je t'ai vu, inconscient et couvert de sang, j'ai vraiment cru que c'était fini. Je n'aurais rien lâché parce que je n'avais plus que l'espoir qu'il ne soit pas trop tard, mais j'ai failli perdre les pédales.
Je suis devenu complètement fou en me retrouvant sans nouvelles pendant tout ce temps. Je n'arrive toujours pas à me calmer.

Je l'ai serré contre moi, embrassant son front à plusieurs reprises. J'étais partagé entre la peine et le bonheur. J'avais conscience du mal que ça lui avait fait, mais aussi de l'ampleur de son amour pour moi. J'espérais au moins ne pas avoir fait tout ça pour rien. Il me manquait encore trop de réponses.

- Ça n'arrivera plus, je te le promets.
- Ça ne risque plus d'arriver, c'est sûr. On ne reverra plus ton cher tonton avant un bon moment.
- Pourquoi ?
- Il a avoué avoir tenté de te tuer. Il y a deux témoins en plus des vidéos de surveillance. Tu pourrais témoigner aussi alors il ne peut pas nier de toute façon.
- Comment tu sais ça ?
- J'étais là. Il m'a fait promettre de ne rien dire concernant ce qu'il m'a fait, au moins pour sa famille, s'il se dénonçait. J'ai accepté, ça nous fait gagner un peu de temps et de paperasse.
- Tu as encore dû lui faire face à cause de moi...
- J'étais tellement content de le voir se faire embarquer avec les menottes aux poignets, ça valait le coup tu peux me croire.

J'ai cru voir un léger sourire, sans vraiment savoir l'interpréter. Il me rendait fier. Il m'impressionnait. Il avait des failles, comme tout être humain, mais il était loin d'être une petite créature fragile. Pour moi, il avait affronté ses pires douleurs et tenu tête au monstre qui avait tenté de le détruire.
J'avais pour but de l'éloigner de tout ce qui pourrait lui nuire mais, jusque là, je n'avais fait qu'échouer.

Mes pensées ont été interrompues par mes parents, qui sont entrés dans la chambre sans frapper. Enfin, c'était plutôt ma mère qui était arrivée comme une furie. Elle s'est jetée sur moi pour prendre ma main. Je sentais que Li s'éloignait doucement.

- Mon chéri, qu'est ce qui t'est arrivé ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- Comment vous avez su ?
- Ton frère a prévenu ton père, j'ai tout entendu.
- Tu n'étais pas obligée de venir maman, je vais bien.
- Tu appelles ça aller bien ? Est-ce que c'est à cause de lui ?

Elle a désigné Li d'un signe de tête. Son regard était loin d'être tendre. Avec les heures difficiles qu'on venait tous les deux de vivre, j'étais à fleur de peau et je n'ai pas eu la force de prendre des gants.

- Si tu n'es pas capable de te comporter comme une mère et accepter mes choix tu peux partir. Tu n'as même pas pris la peine de te présenter, ni même de dire « bonjour », mais tu te permets de l'accuser avec mépris ?
- Ce n'est pas ce que je...
- Sans lui je ne serais même pas là, tu serais probablement sur le point de choisir quelle jolie photo mettre sur ma pierre tombale. Tout ça à cause de qui ? A cause de ton horrible frère détraqué.
- Qu'est-ce que Sten a à voir avec ça ?
- C'est un violeur, pédophile par-dessus le marché. J'en savais trop, alors il a essayé de me faire taire. Voilà pourquoi je suis là. Ça te va comme réponse ?
- Comment tu peux dire des choses pareilles ?
- Evidemment, j'aurais dû m'en douter. Tu peux penser ce que tu veux mais sors de cette chambre. Tu n'as pas voulu croire Simon, pourquoi me croire moi après tout ?
- Tu es devenu fou ?
- Ça doit être ça. Rentre chez toi te planquer la tête dans le sable et ne t'approche plus de la seule personne qui est capable de me rendre heureux !

J'ai rejeté sa main et lui ai fait signe de sortir. Elle est partie en pleurant, sans se retourner. J'avais toujours tout fait pour éviter de la froisser, mais elle avait été trop loin depuis l'accident de Simon. Elle vivait dans son monde avec un balai dans le cul. Malheur à celui qui n'allait pas dans son sens.
Mon père est resté quelques secondes avant de la rejoindre, s'excusant à sa place. Il a demandé à Li de prendre soin de moi et m'a promis de m'appeler. Je n'ai jamais compris comment il pouvait la supporter. Ma mère était fragile, mais ça n'excusait pas tout.
Je venais de lâcher une bombe au cœur de la famille, mais c'était trop pour moi. Il fallait que ça sorte.
J'ai soupiré quand la porte s'est enfin fermée, et toute la pression s'est relâchée. Je me suis mis à pleurer sans la moindre possibilité de le cacher.
Li s'est précipité pour sécher les larmes sur mes joues. Il s'excusait, lui aussi, mais je n'aimais pas ça.

- J'étais obligé de lui dire Trésor. Je devais lui dire...
- Tu as bien fait. Tout va s'arranger.
- Dans quelques jours on partira enfin d'ici pour une vie normale. Tous les deux.
- Rien que nous deux. N'oublie pas ton frère de temps en temps quand même.
- Alors ça va mieux entre vous ?
- Je crois que oui. Il m'a presque fait un compliment avant de partir ce matin.
- Il n'est toujours pas revenu, il est rentré au loft ?
- Je n'en sais rien, je ne lui ai pas demandé.
- Il ne t'a pas appelé ?

Il avait regardé son téléphone et répondu que non. J'ai regardé le mien, rien non plus. J'ai tenté de le joindre, une fois, deux fois, mais je suis tombé sur le répondeur. Je lui ai laissé un message pour qu'il me fasse au moins un sms.
Avec cette histoire je n'avais pas remarqué que je n'avais pas revu mon frère ce jour là.
J'ai attendu, encore et encore.
Voir le soleil se coucher sans aucune nouvelle avait dissipé mes doutes. C'était sûr, il lui était arrivé quelque chose. 

~~~ A suivre...

Tout est écritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant