Chapitre 2

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Je suis allé travailler, en espérant qu'il ne vide pas mon loft du peu de mobilier qu'il contenait.
J'étais soulagé quand je l'ai trouvé endormi sur mon canapé en rentrant. Ce canapé, assorti au fauteuil sur lequel j'avais passé la nuit, n'était pourtant pas très confortable. Je suis assez minimaliste et adepte du blanc. Tous mes meubles étaient blancs, mes murs aussi. Ça peut être flippant pour certains, mais j'aimais ça.
Ma télévision etait noire, la seule ombre au tableau. Elle était allumée quand je suis rentré. Ça faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas été d'ailleurs. Le dernier à l'avoir allumée, c'était mon petit frère.

J'ai improvisé un repas pendant qu'il dormait. Je n'ai pas voulu le réveiller mais Gribouille, mon chat, en avait décidé autrement en lui sautant dessus.

- Désolé, il me fait le coup aussi, à chaque fois que je suis sur le canapé.
- Je n'aurais pas dû dormir de toute façon.
- Gribouille t'aime bien apparemment.
- S'il me saute dessus c'est qu'il m'aime bien ?
- Oui, il crache sur les inconnus normalement.
- Super.
- T'as faim ?

Il s'est levé pour dîner, mais il restait toujours aussi silencieux. J'avais passé ma journée à réfléchir, je ne pouvais pas le laisser y retourner.

- Ecoute, j'ai bien réfléchi et...
- T'as changé d'avis ?
- De quoi tu parles ?
- Tu veux me baiser ?
- Non, arrête avec ce mot dégradant.
- Ok, désolé.
- J'aimerais qu'on passe un marché.
- Si tu veux être mon mac, ça ne va pas être possible.
- Quoi ? Non ! T'as un mac en plus ?
- Evidemment, pourquoi tu crois que je gagne si peu en une soirée ?
- Je veux juste que tu restes.
- Pour la nuit tu veux dire ?
- Non, pas pour la nuit. Je veux que tu arrêtes tout ça. Tu feras comme chez toi et je te laisse mon lit. En échange, j'ouvrirais un compte que tu pourras récupérer à ta majorité.
- Je ne suis pas sûr de comprendre.
- Tu as très bien compris. Je te demande juste de rester.
- Pourquoi tu fais ça ?
- Il faut vraiment une raison ?
- Il y a toujours une raison...
- Qu'est ce que tu as à perdre ?
- Peut-être une main, ou un oeil, si mon mac se rend compte que je me suis retiré du marché.
- Je réglerai ça aussi.

"Retiré du marché", le genre de terme qui me fait dresser les poils. À ce moment là, si je voyais encore un sale pervers lui tourner autour, je risquais de lui couper plus qu'une main.

- Ok, je serais bien con si je refusais.
- Merci.

Je crois que j'étais prêt à tout pour l'aider. C'était sûrement pour compenser le fait de ne pas avoir pu aider mon frère. Je ne voulais pas qu'il finisse comme lui. La prostitution me répugnait déjà assez avant tout ça. Je haïssais tous ces gens qui profitaient de la galère des autres. Je détestais les parents qui laissaient leurs enfants dans cette situation. Je me détestais, parce que je ne valais pas mieux qu'eux.

Il est allé prendre une douche. Je lui ai laissé des vêtements propres, un peu grands pour lui d'ailleurs, mais je n'avais pas mieux. J'en ai profité pour changer les draps, ça me tourmentait d'imaginer le nombre de parasites qui auraient pu s'y cacher.
Je lui ai demandé de ne plus occuper le lit avec des vêtements d'extérieur et d'éviter les chaussures dans l'appartement. J'aurais juré avoir vu un sourire à ce moment là. Il devait me prendre pour un maniaque.

Nous avons passé la soirée devant la télévision, il avait l'air sacrément fatigué. Il s'est endormi comme une masse sur le canapé et, accessoirement, sur mon épaule. Je l'ai porté jusqu'au lit avant de retourner d'où je venais.
Je dormais comme un loir quand son cauchemar m'a réveillé. Je me suis levé pour le calmer, lui dire qu'il ne risquait rien ici, que ce n'était qu'un cauchemar. Il s'est assis et m'a regardé quelques secondes.

- Ton frère... qu'est ce qui lui est arrivé ?
- Pourquoi tu me demandes ça maintenant ?
- Je l'ai déjà vu, plus d'une fois. Il occupait la même rue que moi. Ça fait au moins deux semaines qu'il n'est pas venu. Pourquoi ?
- Il est à l'hôpital, dans le coma.
- Merde, désolé.
- Je passe mes soirées à chercher des réponses, personne ne sait rien.

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