Le lendemain, je suis retourné travailler. Je n'étais pas très serein, les sachant seuls après toute cette histoire. Au moins, ils étaient deux.
Avant de rentrer, je suis passé chez nos parents récupérer quelques affaires pour Simon. Ils étaient inquiets de ne pas avoir de nouvelles de moi, mais pas de mon petit frère.- Votre fils est resté des semaines dans le coma et tout ce que vous avez à dire c'est que vous étiez inquiets pour moi ?
- Mon chéri, tu sais très bien ce qu'il fait. On ne peut pas tolérer ça.
- Maman, est-ce que tu as cherché à comprendre au moins ?
- Il n'y a rien à comprendre, c'est dégoûtant.
- Il ne s'est jamais prostitué, mais vous ne pouvez pas le savoir puisque vous ne l'écoutez jamais.
- Nous l'avons vu, ça nous a suffi.
- Vous avez vu quoi ?
- On l'a vu attendre au milieu de ces gens répugnants. Pour nous c'était clair. Il n'a même pas nié quand nous lui en avons parlé.
- Parce que vous ne lui avez sûrement laissé aucune chance de s'expliquer, comme toujours.
- Tu peux comprendre que c'est choquant pour des parents non ?
- Rien ne peut excuser des parents qui abandonnent leur fils comme ça. Il aurait pu mourir.
- Mais il n'est pas mort.
- Quelle différence ça fait pour vous ?
- Comment tu peux dire ça ? Nous n'avons jamais voulu sa mort.
- Vous l'avez quand même perdu. D'ailleurs, si vous ne changez pas de comportement, vous me perdrez aussi.
- Ne dis pas ça, pas toi.
- Vous avez toujours été sur son dos, tout ce qu'il faisait était mal. Jamais je ne vous ai entendu dire, l'un ou l'autre, que vous étiez fier de lui. Comment pouvez-vous être fier de moi, mais pas de lui ?
- Il n'en fait qu'à sa tête, il n'écoute rien. A son âge, tu étais le meilleur de ta classe et tu faisais passer tes études avant tout.
- Pour finir dans une entreprise qui ne m'inspire pas, à faire un boulot qui me gonfle, ça valait le coup non ? Moi je suis fier de mon petit frère, et je l'aime quoi qu'il fasse.
- Ce n'est pas parce qu'il nous déçoit qu'on ne l'aime pas. C'est notre fils.
- Il faudrait revoir la manière de le montrer. Bref, je dois y aller. Mon petit frère et mon petit ami m'attendent.
- Tu as un petit ami ?
- Oui, et tu vas être fier de moi maman. Il vient juste d'avoir dix huit ans et je l'ai rencontré dans la rue où Simon traînait souvent, je te laisse deviner ce qu'il y faisait.Ma mère a ouvert la bouche, interloquée. Mon père n'a pas su quoi dire non plus. Pour une fois, ils avaient de quoi être déçus de moi. J'étais satisfait de leur montrer que je n'étais pas parfait, que j'étais juste un être humain comme les autres. Comme mon frère.
Je suis parti sans attendre de réponse, je n'en avais pas besoin.J'étais heureux de voir Li et Simon, assis sur le canapé, devant un film, à se partager du pop corn. Gribouille était couché sur les genoux de Li qui le caressait.
Quand il m'a vu rentrer, il s'est précipité vers moi pour se frotter contre mes mollets. Il avait faim. Li s'est levé pour venir m'embrasser.- Ça s'est bien passé au boulot ?
- Barbant comme d'habitude. Et vous deux, votre journée ?
- Ton frère a décidé de me faire rattraper mon retard en matière de films. On en est au cinquième de la journée. Il est toujours comme ça ?
- Je crois bien que oui.Avec le sourire, il est allé donner à manger à Gribouille qui le suivait en ronronnant. Si je ne l'avais pas déjà vu faire, je n'aurais pas cru ça possible.
J'ai donné son sac à Simon qui avait plus de pop corn sur le pantalon que dans le bol.- Merci. Comment ça s'est passé ?
- Très bien. Ils sont ravis de savoir que leur fils adoré a un petit ami à peine majeur et ancien prostitué.
- T'es sérieux ? Tu leur a dit ça ?
- Ça les calmera. Ça va toi ?
- Oui, ça me fait du bien d'être ici, au calme. De ne pas être seul surtout.
- Je suis content de voir que vous vous entendez bien tous les deux.
- Ton mec a des goûts merdiques en ce qui concerne le cinéma, mais il a d'autres qualités.
- Vraiment ?
- Il est sympa, et loin d'être bête. En plus, ton satané chat a passé la journée sur ses genoux. Je l'ai surveillé parce que je pensais qu'il le droguait, mais non. Cette affreuse bestiole est dingue de lui.
- Je te l'avais dit.
- Et lui, il est dingue de toi.
- C'est ce qu'il t'a dit ?
- Il n'a pas eu besoin, il n'a pas arrêté de me parler de toi. Il m'a raconté son histoire aussi. J'ai honte de l'avoir regardé comme je l'ai fait. Il n'a pas eu de chance.
- En effet.
- Je pensais que c'était pour l'argent qu'il était avec toi.
- J'ai eu la preuve que non. Mais c'est gentil de penser que je ne suis pas assez bien pour lui plaire.
- Ce n'est pas ce que je veux dire. Tu es mon frère, pour moi tu es le meilleur. En plus d'être grand et beau, mais ça c'est de famille.
- Ça va les chevilles ?
- Tu sais aussi bien que moi que je suis une version plus jeune de toi, un joli morceau quoi.
- Version plus jeune et plus humble.
- Tu peux te moquer, j'aurais peut-être encore plus de succès que toi auprès des femmes.
- Je n'en doute pas.C'est vrai qu'il est beau mon petit frère. Il me ressemble un peu, mais pas tant que ça. Il a les cheveux blonds, les yeux verts et un joli grain de beauté sous l'œil droit. Avec une peau blanche comme la sienne, il ressort vraiment bien. Il voulait le faire enlever quand il avait 15 ans mais je lui ai dit que c'était une mauvaise idée, que ça ferait une vilaine cicatrice. En vérité, je le trouve beau ce petit grain de beauté, je ne voulais pas qu'il s'en débarrasse.
Il a ce petit quelque chose dans le regard qui le rend particulier, et ce petit con sait en jouer. Il est un peu frimeur, mais j'ai toujours su qu'il n'avait pas vraiment confiance en lui. Nos parents doivent y être pour quelque chose.Je me suis assis sur le canapé à côté de lui, Li s'est posé de l'autre côté. Mon frère nous a enfin expliqué ce qu'il faisait sur le trottoir.
Il faisait ça pour ses études, et je n'étais même pas au courant. Je savais qu'il voulait devenir journaliste, mais je n'avais pas fait le rapprochement. Pendant des mois, deux fois par semaine, il allait récolter des informations auprès des gens qu'il pouvait rencontrer là-bas.
Li restait silencieux. Il avait posé sa tête sur mon épaule et écoutait.- Pourquoi tu as choisi ce sujet ?
- Quand maman a vu mon dernier relevé de note, elle m'a dit que, si je me laissais aller, je finirai sur le trottoir.
- Comment elle a pu dire ça ?
- Je ne sais pas, mais ça m'a rendu fou. On ne se prostitue pas à cause de notre échec scolaire, c'est plus compliqué que ça. J'ai cogité et je me suis dit que c'était injuste, que les gens ne pouvaient pas se permettre de parler de ça de cette manière. Il faut être un peu con pour croire que c'est un choix de se retrouver dans cette situation. J'avais envie de faire entendre la vérité, tout simplement. Et quand je vois comment j'ai réagi quand je t'ai vu avec Li, j'ai honte de moi. C'était peut-être parce que ça touchait mon frère.
- C'était dangereux...
- Je connaissais les risques. Les mêmes qu'eux en fait.
- Pourquoi tu ne m'en a pas parlé ?
- Tu m'aurais laissé faire ?Non, évidemment, je ne l'aurais pas laissé faire. J’étais rassuré de savoir que c'était uniquement pour ça qu'il allait là-bas, mais ça restait dangereux.
- Le problème, c'est que je n'ai pas grand-chose. J'ai trouvé un client qui me racontait tout ce qu'il pouvait en échange de ma présence, mais je n'avais pas beaucoup plus. Les principaux concernés ne me parlaient pas. Je posais des questions assez discrètement lors de conversations tout à fait banales, mais ils ne parlaient pas de ce qu'ils faisaient.
- Je peux t'aider si tu veux.Li avait dit ça sans bouger sa tête de mon épaule. Sa voix tremblait légèrement mais il a continué. Il disait pouvoir trouver deux ou trois personnes qui parleraient et il a même accepté que Simon écrive son histoire, si il changeait les noms.
Je ne pouvais pas m'y opposer. Si ça pouvait faire réfléchir quelques personnes, c'était déjà ça. Les gens se trompent souvent à propos de ce milieu. C'était aussi mon cas, avant tout ça.~~~
C'était un jeudi, veille de jour férié. J'allais bientôt partir du boulot et Li aidait Simon pour son projet à la maison. Mon téléphone a sonné.
Je ne sais toujours pas comment elle avait eu mon numéro, mais c'était la mère de Luis.
Elle était inquiète, son fils avait disparu sans laisser de trace. Elle disait que son téléphone était sur répondeur, qu'elle avait tenté de joindre ses amis, ses collègues, sa famille, mais personne ne savait où il était. Il ne s'était pas rendu au travail depuis plusieurs jours, sans prévenir.
Selon elle, j'étais son dernier espoir. Je lui ai répondu que j'étais désolé, mais que je ne savais pas où il était et elle m'a fait promettre de l'appeler si j'avais des nouvelles. Elle savait comment ça s'était fini entre nous et ne me portait déjà pas beaucoup dans son cœur quand tout allait bien. L'appel a été très bref et son ton très sec. Ce n'était pas une surprise.
Quand elle a raccroché, je me suis senti mal. J'avais peur qu'il puisse avoir fait quelque chose de stupide. Il n'était pas du genre à disparaître comme ça.~~~~ A suivre...
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Ficción GeneralJ'étais un jeune homme morose et vivais seul avec mon chat . Détruit par mon ex, j'avais décidé d'oublier l'amour. Le jour où mon petit frère, la personne la plus importante à mes yeux, s'est retrouvé dans le coma après un accident, j'ai cru tout p...